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Des marins d'un chalutier de 61 mètres, manoeuvrent un chalut rempli de poissons, en mer de Barents.
Des marins d'un chalutier de 61 mètres, manoeuvrent un chalut rempli de poissons, en mer de Barents.
©MARCEL MOCHET / AFP

Influence néfaste

D'après une nouvelle étude et selon le spectre de Sheldon, les plus grandes créatures marines et certains écosystèmes dans les océans ont été touchés par une évolution majeure. L'examen du spectre de la taille des organismes marins peut être un indicateur sur la santé des océans et sur l'impact de la pêche industrielle.

Ian A. Hatton

Ian A. Hatton

Ian A. Hatton est chercheur au Max Planck Institute for Mathematics in the Sciences à Leipzig en Allemagne et auprès de l'Institut de Ciència i Tecnologia Ambientals (ICTA), de l'Universitat Autonoma de Barcelona, en Espagne. 

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Atlantico : Qu'est-ce que le spectre de Sheldon ? 

Ian A. Hatton : Nous avons l'habitude de regrouper les organismes en espèces, mais le spectre de Sheldon regroupe les organismes en catégories de taille, indépendamment de l'espèce à laquelle ils appartiennent. Ces classes de taille augmentent de façon multiplicative en allant du plus petit au plus grand (par exemple 1, 10, 100, etc.). Le spectre de Sheldon est l'hypothèse, vieille de 50 ans, que la biomasse totale dans ces différents groupes de taille est constante des bactéries aux baleines. Cela signifie que, bien que les baleines puissent être de 23 ordres de grandeur plus grandes qu'une bactérie (un avec 23 zéros), les bactéries sont de 23 ordres de grandeur plus abondantes, de sorte que leur biomasse totale est égale.

Vous montrez un changement radical dans ce spectre, surtout chez les plus grandes créatures marines. Quelle partie de la faune est spécifiquement touchée par ce phénomène ? Quelle a été la rapidité de ce changement ? 

Ce changement concerne les espèces de poissons vendus dans le commerce dont la taille est supérieure à 10 grammes et la plupart des espèces de mammifères marins. Ce changement devient progressivement plus fort avec la taille. Ce changement s'est produit depuis 1850, et s'est probablement accéléré au cours des dernières décennies en raison de l'efficacité accrue des pratiques de pêche industrielle.

Dans quelle mesure l'impact humain est-il responsable de la diminution de la biomasse dans les océans ? Quels sont les autres facteurs explicatifs ?

Il apparaît que cette diminution est presque entièrement due aux activités humaines, en particulier la pêche et la chasse à la baleine. Nous n'avons pas pris en compte les effets indirects de ces activités, tels que les modifications de l'habitat, les changements dans la biogéochimie, les changements dans le réseau alimentaire et les relations alimentaires, etc. 

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L'examen du spectre de taille des organismes marins peut-il être un indicateur utile de la santé des océans ?

Nous pensons que oui, car il offre une perspective globale de l'ensemble du système marin et de toutes ses espèces. Le spectre de taille fournit une cible de référence qui indique un système vierge. En revanche, il est assez grossier et peu susceptible de fournir des indicateurs très spécifiques de légers changements. 

La surpêche est-elle le seul défi auquel sont confrontées les populations marines ?

Nous avons également examiné les impacts du changement climatique estimés au préalable dans le cadre d'un scénario extrême (RCP 8.5) jusqu'à l'année 2100 et avons constaté que la pêche modifie de manière écrasante la structure de la biomasse marine en comparaison. Il est possible que la surpêche ait des effets indirects, comme ceux mentionnés ci-dessus, mais il est trop tôt pour dire lesquels sont probablement dominants.  

Certaines zones sont-elles plus menacées que d'autres ?

Sans aucun doute oui, mais nos données ne nous ont pas permis de répondre à cette question.

Votre étude confirme-t-elle ou infirme-t-elle l'idée que les interactions prédateur-proie sont le facteur principal de l'évolution du spectre de la biomasse ?

Notre étude n'aborde pas spécifiquement cette question, mais suggère que de nombreuses théories antérieures sont inadéquates pour expliquer l'étendue et la cohérence du spectre de taille, qui est apparu comme l'un des plus grands modèles d'échelle connus dans la nature.

Si nous pêchons moins, l'impact du réchauffement climatique pourrait-il être atténué pour les écosystèmes marins ? Avec des quotas de pêche plus stricts et une répression de la pêche illégale, les écosystèmes pourraient-ils se rétablir ?

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Il est certain que des quotas de pêche plus stricts et applicables sont susceptibles de permettre à de nombreux écosystèmes de se rétablir.

Retrouvez le résumé de l'étude de Ian A. Hatton :

"On a longtemps émis l'hypothèse que la biomasse aquatique est répartie uniformément entre les classes de taille de masse corporelle logarithmique. Bien que cette structure communautaire ait été observée localement parmi les groupes de plancton, sa généralité n'a jamais été formellement testée sur toute la vie marine, et ses impacts sur les humains n'ont jamais été largement évalués. Ici, nous rassemblons des données à l'échelle mondiale pour tester l'hypothèse des bactéries aux baleines. Nous constatons que la biomasse dans la plupart des classes de taille d'ordre de grandeur est en effet remarquablement constante, près de 1 Gt de poids humide (10^15 grammes), mais que les bactéries et les baleines sont nettement au-dessus et en dessous de cette valeur, respectivement. De plus, les impacts humains ont considérablement tronqué le tiers supérieur du spectre. La théorie du spectre de taille n'a pas encore fourni d'explication pour ce qui est peut-être la plus grande régularité à l'échelle de la vie".

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