Cette leçon que la droite française devrait retenir de l’accession de Rishi Sunak à Downing Street<!-- --> | Atlantico.fr
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Rishi Sunak.
Rishi Sunak.
©Daniel LEAL / AFP

Nomination

Rishi Sunak, petit-fils d'immigrés d'origine indienne, est devenu mardi 25 octobre le Premier ministre britannique.

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet est essayiste et auteur de nombreux ouvrages historiques, dont Histoire des présidents de la République Perrin 2013, et  André Tardieu, l'Incompris, Perrin 2019. 

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Atlantico : Rishi Sunak, petit-fils d'immigrés d'origine indienne, est devenu mardi 25 octobre le Premier ministre britannique. Il a été choisi par son camp, le parti conservateur pour assumer cette charge. Son parcours est-il une preuve que la droite peut aussi réussir à séduire les immigrés ?

Maxime Tandonnet : En effet c’est la première fois qu’une personnalité issue de l’immigration indienne devient Premier ministre de sa Majesté. Cet événement reflète la diversité de la population britannique et la mondialisation. Cela dit, il y a d’autres preuves que des personnalités issues des migrations internationales peuvent avoir un destin dans le camp politique conservateur. Ainsi, le président français Nicolas Sarkozy de 2007 à 2012 avait des origines hongroise et grecque. Sa ministre de la Justice, Rachida Dati, avait des origines marocaine et algérienne. Mais il faut bien reconnaître que ce genre de promotion en politique est plutôt l’exception en Europe.

N’y-a-t-il pas, chez les populations immigrées, une appétence à la fois pour le libéralisme et pour un certain conservatisme qui pourrait en faire un électorat cible pertinent pour les libéraux conservateurs ?

La question ne se réduit pas à l’origine immigrée ou non immigrée. Les origines sociales comptent aussi énormément. Rishi Sunak a un père médecin et une mère pharmacienne. Lui-même est fortuné et son épouse l’est tout autant. Il a fait de brillantes études. Alors, c’est vrai qu’un homme d’origine indienne à la tête du Royaume-Uni, c’est un événement. Mais il faut relativiser au regard de ses origines sociales, de sa formation et de sa fortune.  Il existe justement une frange des populations issues de l’immigration en Europe qui du fait de ses origines sociales, est à la pointe de l’innovation et de l’esprit d’entreprise, en quête d’ordre, de sécurité de réussite scolaire et professionnelle. Les Britanniques ont fortement misé sur une immigration élitiste, depuis plusieurs décennies, favorisant la venue de médecins et d’ingénieurs notamment du Commonwealth. L’accession au pouvoir de Rishi Sunak en est l’aboutissement.

La droite française a-t-elle trop fait l’erreur de laisser cet électorat à la gauche ?

Le vote des personnes originaires de l’immigration à gauche c’est une réalité mais qu’il faut aussi nuancer. Une grande majorité des populations issues de l’immigration vivent dans des conditions de vie difficiles, avec un fort taux de chômage près du double du reste de la population et les métiers sous qualifiés et les moins rémunérés. Le taux d’échec scolaire est très fort. Ces populations sont surreprésentées dans les quartiers dits populaires ou sensibles fortement touchés par le chômage et l’échec scolaire ou l’insécurité. C’est bien ce qui explique le vote majoritairement à gauche des populations d’origine immigrée. En revanche, dans les milieux qui bénéficient d’une ascension sociale et qui accèdent à la classe moyenne ou à des professions libérales ou de cadres supérieurs la fatalité du vote à gauche est largement mythique.  

Comment l'élection de Rishi Sunak pourrait-elle servir de leçon à la droite en France sur ce sujet ? Comment faire pour aller chercher cet électorat ?

On en revient à la question de la « discrimination positive ». Comment favoriser l’émergence d’élites économiques, sociales et politiques issues de l’immigration. Cette pratique est largement reconnue dans les pays anglo-saxons, aux Etats-Unis comme au Royaume-Uni. Elle est facilitée par l’acceptation du communautarisme : dès lors que l’existence de communautés organisées par origine ethnique, il est légitime de les prendre en compte pour favoriser la réussite sociale de leurs membres. La vision de la citoyenneté française a tendance à s’y opposer : tous les hommes sont égaux quelles que soient leur origine et leur religion (principe exprimé à l’article 1er de la Constitution), donc traités sur un pied équivalent par la République indivisible. Dans les années 2002 à 2012, Nicolas Sarkozy a tenté d’introduire la discrimination positive en France. L’inconvénient de cette pratique est qu’elle favorise une vision parcellisée de la société en un temps où les nations ont besoin d’unité pour lutter contre la division et la tentation de la violence. La vérité est que les populations issues de l’immigration, comme les autres, ont besoin de sécurité dans la rue et d’un système scolaire performant pour bénéficier des mêmes voies de promotion sociale et professionnelle que les autres. C’est à cela que la puissance publique doit donner la priorité absolue. Si la droite le fait un jour, dans l’hypothèse où elle reviendrait au pouvoir, c’est-à-dire assurer à chaque citoyen, issue de l’immigration ou non, des conditions de vie et d’étude favorables à l’égalité des chances,   les électeurs lui en seront reconnaissants, y compris ceux des populations issues de l’immigration comme les autres.


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