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Cette endogamie congénitale
du capitalisme français qui empêche de régler le cas PSA
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Copains comme cochons

Le patron de PSA lié à Martine Aubry, Didier Migaud ou Pierre Moscovici... Son directeur général des marques lié à Martine Aubry, Henri Emmanuelli ou Michel Sapin... Le problème qui étouffe l'industrie française ne tient-il pas à une connivence entre élites qui se recrutent par cooptation ?

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Derrière les apparences et les grands mouvements de moulinet destinés à cacher l’impuissance gouvernementale, les coulisses de l’affaire PSA sont une nouvelle illustration du mal dont la France est affectée : l’endogamie capitalistique.

Sur le fond, tout le monde connaît les racines du problème que traverse Peugeot : une trop faible globalisation. Il est d’ailleurs assez amusant de voir que cette erreur stratégique commise par le groupe, celle d’un excessif ancrage national, soit pointée du doigt par ceux-là même qui se sont faits, pendant la campagne électorale, les chantres de la démondialisation.

Mais au-delà de ces palinodies politiciennes dont les plus beaux spécimens sont produits par les plus grands donneurs de leçon, les commentateurs ont peu relevé l’étrange proximité qui lie les acteurs du dossier.

Prenons Philippe Varin, le patron de PSA. Première caractéristique, il est X-Mines, superbe produit de nos grandes écoles. Il entre chez Péchiney en 1978, où il oeuvre jusqu’en 2003, avant de partir au Royaume-Uni. On oublie trop souvent que Péchiney fut une pépinière pour la nomenklatura française. C’est dans cette entreprise que Martine Aubry trouve refuge en 1989. Elle devient même directrice générale adjointe du groupe, sous la férule de Jean Gandois...

Philippe Varin doit s’en souvenir, puisqu’il avait eu pour mission, en 1988, confiée par Jean Gandois, de construire une usine modèle à Dunkerque. Martine Aubry chapeautait le projet, inauguré en grande pompe en 1991.

En mai 2012, Philippe Varin devient président du Cercle de l’Industrie, dont l’un des vice-présidents est Pierre Moscovici, devenu depuis ministre de l’Economie. Parmi les  membres de ce Cercle éminent, on trouve Didier Migaud, premier président de la Cour des Comptes, et Jean Gandois, déjà cité dans cet article.

Prenons Frédéric Saint-Geours, directeur général des marques du constructeur. Ancien élève de l’ENA, de la promotion Léon Blum,... celle de Martine Aubry ! il commence sa carrière comme administrateur civil des Finances, et rejoint très vite l’Inspection Générale du même ministère. En 1981, il est conseiller technique de Louis Mermaz, ministre des Transports. En 1984, il est directeur de cabinet d’Henri Emmanuelli, secrétaire d’Etat au Budget.

Faut-il, dans cette filiation, voir les raisons pour lesquelles Henri Emmanuelli s’est exprimé la semaine dernière de façon très pondérée sur l’affaire PSA ? Notre excellent Henri a trouvé « plus que surprenants » les propos de Philippe Varin, patron de PSA, sur le coût du travail en France, mais ne s’est pas senti d’autres ardeurs pour condamner le plan social en cours. En février 2011, il appelait pourtant à signer la pétition d’Un monde d’avance, dont l’un des slogans était : « NON nous n’acceptons pas l’austérité salariale et la flexibilisation du marché du travail.»

Frédéric Saint-Geours rejoint PSA en 1986. Directeur financier en 1988, directeur général en 1998, il connaît bien cette entreprise. Il est sérieux et compétent. Il fraie dans les milieux parisiens qui compte. Il fréquente notamment Le Siècle, un club également fréquenté par Michel Sapin, dit-on.

On le voit, le plan social de PSA n’oppose pas d’un côté les méchants patrons, de l’autre les gentils politiques. L’ensemble des décideurs de ce petit monde vit dans le même écosystème et se croise régulièrement dans les mêmes couloirs de ministère ou dans les mêmes salons discrets.

Certains pourront penser que ces circonstances n’ont guère d’influence sur la façon dont les affaires sont conduites en France. On me permettra d’en douter.

Le problème majeur qui étouffe le génie français depuis quelques décennies n’est ni économique, ni politique. Ou alors il est les deux en même temps : il tient tout entier à cette connivence entre des élites endogamiques qui se recrutent par cooptation, par ressemblance, et qui sont incapables de s’ouvrir à l’innovation et à la diversité des parcours.

A force de vivre entre soi, on ne tolère plus que les idées qu’on porte soi-même, et on disqualifie toute évolution sous couvert du mépris naturel que les courtisans nourrissent pour ce qui ne vit pas à la Cour. Cette incapacité à sortir de écosystème courtisan, de la biosphère du narcissisme, tue peu à peu l’économie française, et au-delà la démocratie elle-même.

Il devient urgent, en France, d’ouvrir les portes et les fenêtres du château, et d’ouvrir, enfin, nos élites à l’innovation et au renouvellement.

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