Cet étonnant déni occidental face à la vulnérabilité de ces câbles sous-marins par lesquels transitent des milliers de milliards de dollars chaque jour<!-- --> | Atlantico.fr
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99% du réseau Internet passe par les câbles sous-marins.
99% du réseau Internet passe par les câbles sous-marins.
©JEAN-SEBASTIEN EVRARD / AFP

Importance capitale

Des centaines de milliers de kilomètres de câbles sillonnent les océans du monde. Ce sont eux qui constituent l'épine dorsale numérique de la planète, transportant 99 % des communications numériques transocéaniques et permettant des transactions financières quotidiennes de plusieurs milliards de dollars.

Ophélie Coelho

Ophélie Coelho

Ophélie Coelho est chercheuse indépendante en géopolitique du numérique, auteur de l'ouvrage Géopolitique du numérique - L'impérialisme à pas de géants.

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Atlantico : Au vu du contexte géopolitique tendu, les câbles sous-marins sont particulièrement vulnérables. À quel point sont-ils importants à l’ère du numérique ?

Ophélie Coelho : La dépendance aux câbles sous-marins repose sur plusieurs facteurs clés. Tout d’abord, elle est étroitement liée à la présence d’infrastructures numériques sur le territoire, comme les réseaux terrestres et les centres de données. Les pays qui comptent sur des services numériques fournis par des acteurs situés sur d’autres continents sont inévitablement tributaires des routes marines empruntées par ces données. Ensuite, le nombre de câbles connectés à un pays joue un rôle crucial : un pays doté de multiples câbles a plus de ressources pour rerouter le trafic en cas de coupure. La capacité des câbles est également un élément déterminant. Les câbles de nouvelle génération peuvent transporter des volumes de données massifs, réduisant ainsi les risques liés à une coupure. Mais s’ils subissent une coupure, c’est un grand volume de données qui est impactés. Il vaut mieux opter pour une multiplicité des routes, donc des câbles, plutôt que de n’utiliser que des "méga câbles".  Enfin, la situation d’un pays est aussi influencée par celle de ses voisins. En cas de coupure, il est souvent possible de contourner le problème en faisant transiter les données par des réseaux terrestres pour se connecter à d’autres câbles sous-marins accessibles depuis d’autres pays.

Donc finalement, chaque cas est différent ! Par exemple, les pays européens disposent de plusieurs avantages : un grand nombre de câbles sur les littoraux atlantiques et méditerranéens, des réseaux terrestres bien développés, des services numériques locaux avec le potentiel de compétences pour en créer d’autres. Si une coupure de câbles arrive, il y aurait suffisamment de routes alternatives pour rerouter les données numériques, et il s’agirait donc plutôt de savoir si le câble impacté est un méga câble, qui transporte beaucoup de trafic, ou un câble plus modeste aisément remplaçable.
Ce n’est pas le cas partout. Au mois de mars dernier, le continent africain a dû faire face à deux coupures de câbles à l’est en mer rouge puis à l’ouest sur les côtes ivoiriennes. Dans l’état actuel du réseau africain, l’impact a été variable : certains pays s’en sont bien sortis mais pour d’autres la situation s’est révélée dramatique pour l’accès à internet.

Quelles mesures ont été prises par les occidentaux pour renforcer la protection de ces câbles ? Que devraient-ils faire pour pallier les vulnérabilités ?

La résilience du réseau a été pensée en amont, avec une diversité de routes permettant d’assurer le trafic en cas de problème. Par ailleurs, la surveillance est de mise, bien qu’il soit impossible de surveiller l’intégralité de l’environnement d’un câble, en surface ou sous l’océan, donc les attaques sont toujours possibles mais la plupart des coupures sont généralement dûes à des incidents, provoqués par des ancres de bateaux, des séismes sous-marins ou des travaux mal menés. Enfin, la protection se fait aussi sur la couche logicielle, donc un pan cybersécurité important, étant donné que les infrastructures physiques sont également dépendantes d’outils de gestion, et l’attaque pourrait donc se faire à ce niveau-là.

Quelles sont les zones de tension les plus fortes ?

Les zones de tension les plus fortes concernant les câbles sous-marins sont souvent celles où les intérêts géopolitiques se superposent avec des routes de communication stratégiques. La mer rouge et le golfe de Suez, le détroit de Malacca en Asie du Sud-Est, le golfe Persique ou la mer de Chine méridionale sont des zones qui cumulent plusieurs de ces facteurs de risque.

Qui gère ces câbles sous-marins ? Existe-t-il des traités internationaux ?

Les câbles sous-marins de télécommunication sont généralement gérés par des consortiums d’entreprises privées spécialisées dans les télécommunications, sauf dans le cas inédit de Google qui est aujourd’hui le seul acteur en capacité de posséder à lui-seule des câbles transcontinentaux. Autour de ces propriétaires gravitent une certain nombre d’acteurs, du fabricant de câbles aux navires câbliers qui vont gérer la pose et la maintenance. En ce qui concerne les traités internationaux, il existe en effet plusieurs accords et conventions internationaux qui régissent les activités liées aux câbles sous-marins. Parmi les plus importants figurent la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (UNCLOS) et la Convention internationale pour la protection des câbles sous-marins (ICPC). Ces traités établissent des normes et des protocoles pour assurer la sécurité et la protection des câbles sous-marins à l’échelle mondiale.

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