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Ces sociaux-démocrates européens bien mieux placés qu’Arnaud Montebourg ou les socialistes français pour influencer l’Allemagne
©REUTERS/Benoit Tessier

PS en surchauffe à la Rochelle

Ce samedi 30 août, François Hollande réunit les principaux leaders socio-démocrates européens pour préparer le conseil européen du jour. Parmi eux, l'Italien Matteo Renzi, publiquement défavorable à l'austérité insufflée par l'Allemande Angela Merkel, à l'instar d'Arnaud Montebourg.

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud est professeur de sciences politiques à l’Institut d’études politiques de Grenoble depuis 1999. Il est spécialiste à la fois de la vie politique italienne, et de la vie politique européenne, en particulier sous l’angle des partis.

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Atlantico : François Hollande reçoit ce samedi 30 août les membres du Conseil européen issus de la famille sociale-démocrate. Cette rencontre doit permettre aux sociaux démocrates de se concerter en vue du Conseil européen qui se tient plus tard dans la journée. Parmi eux, quels sont ceux qui partagent les mêmes idées qu'Arnaud Montebourg sur la politique économique européenne ?

Christophe Bouillaud : Le seul qui se situe clairement et publiquement sur une ligne de critique de l’austérité n’est autre que Matteo Renzi, le leader du "Parti démocrate" (PD) italien. Il dispose de plus d’un large mandat populaire acquis lors des élections européennes en Italie (avec 40% des votes valides) pour exprimer cette critique.  Il faut toutefois remarquer que sa critique est entièrement pragmatique, elle ne s’appuie sur une aucune considération générale sur la politique européenne comme pouvait le faire Arnaud Montebourg, dont je rappelle qu’il a vulgarisé en France le concept de "démondialisation". Matteo Renzi  lui réaffirme sa loyauté à l’Europe libérale telle qu’elle est, il déclare être prêt à faire des "réformes de structure" en Italie, c’est-à-dire des réformes conformes au logiciel néolibéral des politiques publiques (privatisation, dérégulation du marché du travail, etc.), mais il veut simplement pouvoir relancer la croissance en Italie en soutenant la consommation des ménages et en engageant plus d’investissements publics.

Au début de son mandat, il a souligné par exemple à quel point les édifices scolaires sont en mauvais état en Italie faute d’entretien régulier et d’investissements. On rappellera en passant que Matteo Renzi ne vient nullement d’une tradition socialiste ou social-démocrate, c’est un démocrate-chrétien de gauche par son histoire ("Parti populaire italien") et un libéral en économie. Pour lui, la lutte des classes n’existe bien sûr pas, "il aime l’entreprise" (et pas du tout les syndicats) pour reprendre l’expression de M. Valls, etc., mais il a désespérément besoin de croissance pour l’Italie et pour espérer se maintenir au pouvoir jusqu’en 2018 (fin de la législature élue en février 2013). Il a d’ailleurs évincé en février 2014 son prédécesseur, Enrico Letta, du même parti (le PD), entre autres griefs, parce que ce dernier ne se plaignait pas assez vigoureusement à Bruxelles et à Berlin des choix faits en Europe.

Qui est aujourd'hui le mieux placé pour promouvoir ces idées à Bruxelles ? Pour quelles raisons ? Osera-t-il/pourra-t-il aller aussi loin que le préconisait Arnaud Montebourg ?

Probablement, parmi les dirigeants socialistes et socio-démocrates, c’est Matteo Renzi le mieux placé pour se plaindre, parce qu’il se trouve au pouvoir et parce que les chiffres de l’Italie sont mauvais en dépit d’efforts constants de réduction des dépenses depuis des années (avant même l’année fatale 2011, l’Italie a toujours eu un solde primaire positif). L’Italie a connu douze semestres de contraction de son économie, avec seulement un intermède à la fin de l’année 2013 d’une toute petite reprise. L’Italie serait en train de rentrer dans une "triple-dip recession" (si l’on admet qu’elle est sortie de la récession pour un semestre en 2013). On vient d’annoncer que les prix avaient légèrement baissé en Italie sur une année, ce qui ne serait plus arrivé depuis 1959. Le chômage est au plus haut. La productivité stagne depuis 10 ans faute d’investissements publics et privés. La situation en somme est grave, et il faut bien faire quelque chose. Tous les partis italiens (pas seulement celui de Renzi) sont d’accord sur ce point.  Par contre, je le répète M. Renzi est à la fois un pragmatique et un libéral, pour lequel il ne peut être question de théoriser comme A. Montebourg. S’il a des visées théoriques, elles le porteraient plutôt vers le fédéralisme européen, conformément à la tradition politique dont il vient et au soutien sans faille du Président de la République italien, Giorgio Napoletano, un fédéraliste européen convaincu.

Quelle position François Hollande peut-il adopter sur le sujet après l'éjection d'Arnaud Montebourg du gouvernement français ?

L’éviction d’A. Montebourg signale  entre autres choses que F. Hollande est loyal à 100% à la conception actuelle de l’Union européenne comme gouvernée par un consensus au sommet entre chefs d’Etat et de gouvernement.  Il est interdit dans ce cadre d’officialiser une réelle divergence, surtout entre la France et l’Allemagne, on doit garder sauve les apparences d’un gouvernement consensuel entre membres de cette présidence collégiale de fait que constitue désormais le Conseil européen. Il serait donc pour le coup étonnant que F. Hollande aille au conflit ouvert avec A. Merkel, il préfèrera donc obtenir d’elle comme en juin 2012 un  compromis qui sera nécessairement insatisfaisant. Il a cependant une grande carte en main avec la détérioration générale de l’économie de la zone Euro. Il pourra dire qu’il faut vraiment faire quelque chose comme en 2008-09, tout en précisant bien sûr qu’il reste engagé par la parole antérieure de la France sur la réduction des déficits et les réformes structurelles.

Sur quel compromis les sociaux-démocrates pourraient-ils s'entendre ? Avec quelles chances de faire fléchir l'Allemagne ?

Difficile de deviner la nature de la proposition qui sera faite en commun, probablement une dose de flexibilité dans le calcul des déficits comme le réclame M. Renzi en échange d’une accélération des réformes structurelles comme le demande le camp des "austéritaires", l’Allemagne et ses alliés. Les chances de faire fléchir l’Allemagne et ses alliés paraissent plus élevées qu’au début de l’été, dans la mesure même où les preuves du ralentissement économique sont plus fortes, que la crise avec la Russie qui s’aggrave de jour en jour représente une menace supplémentaire de ralentissement de l’économie européenne en général. En fait, ce qui peut paraître totalement fou dans cette situation, c’est qu’il faille attendre que le ralentissement prédit par les modèles économiques en cas d’austérité simultanée dans les pays de la zone Euro se produise effectivement pour que les dirigeants européens puissent enfin discuter un peu  sérieusement de mesures pour contrer les effets de ce mécanisme pourtant  évident et banal d’interconnexion des économies des pays européens. Ce n’est en somme qu’en voyant s’approcher le bord de la falaise qu’on commence à réfléchir en commun aux manières d’éviter le gouffre.

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