Ces mesures qui permettraient de restaurer l'attractivité française aux yeux des acteurs économiques étrangers<!-- --> | Atlantico.fr
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Comment attirer de nouveau les investissements étrangers en France ?
Comment attirer de nouveau les investissements étrangers en France ?
©Reuters

Opération reconquête

François Hollande réunit ce lundi 30 patrons internationaux pour le premier "conseil de l'attractivité". Comment attirer de nouveau les investissements étrangers ?

Atlantico : François Hollande réunit ce lundi le premier conseil de l'attractivité. Quels éléments permettent d'attester d'une perte de l'attractivité française ces dernières années ? A quoi est-elle due ? Comment faire la part des choses entre politiques inappropriées et erreurs de stratégie des entreprises ?

Jean-Marc Daniel : On peut mesurer la baisse de l’attractivité d’un territoire au fait que le montant des investissements étrangers s’y réduit. C’est le cas en France même s’il faut nuancer cette assertion.

En effet, ce qui se réduit fortement, c’est l’investissement américain. Cela traduit un état d’esprit nouveau des Américains à notre égard qu’illustrent les propos de Maurice Taylor, le PDG de Titan qui s’amuse à polémiquer avec Arnaud Montebourg. Que nous disent ces propos ? Sur la forme, qu’un PDG d’une entreprise très moyenne aux Etats-Unis peut se considérer comme l’égal d’un ministre français ; sur le fond, qu’un dirigeant américain continue à parler en ce qui concerne les problèmes de la France des « barjots du syndicat communiste ». Cela signifie que, vu de l’extérieur et singulièrement des Etats-Unis,  la France refuse les évolutions et se crispe dans un repli protectionniste qu’incarnent non seulement la CGT mais Arnaud Montebourg ou encore les partisans de la sortie de l’euro.

Mais il faut voir aussi que le recul de l’investissement américain traduit également les mutations de l’économie américaine. GM se retire de la France mais Google y investit. Et ce parce qu’il y a de moins en moins d’industrie type GM aux Etats-Unis et donc de moins en moins d’acteurs susceptibles de créer des usines.

Dernière remarque, on assiste à une mutation des investissements étrangers qui sont de plus en plus des investissements de portefeuille et de moins en moins des investissements physiques. Cela traduit la mutation cette fois de l’économie française qui elle-même est de moins en moins industrielle et de plus en plus une économie de service.

Alexandre Delaigue : Définir "l'attractivité" d'un pays ou d'un territoire n'est pas si facile que cela. Dans le cadre de l'investissement international, on est dans une logique coût-avantage; contrairement aux investisseurs nationaux qui peuvent avoir une préférence pour leur propre pays, les étrangers sont plus pragmatiques, à ce titre un recul de l'attractivité auprès d'eux peut constituer un signal inquiétant.
Si des coûts et avantages sont mesurables - coût du travail, productivité du travail, qualité des infrastructures, localisation, d'autres le sont moins, comme les perspectives ou l'impression générale sur un pays. Si l'on en croit un récent appel de dirigeants d'entreprises étrangères implantées en France, le problème ne tient pas tant à des facteurs mesurables qu'à une incertitude générale, un environnement économique qui est perçu comme incertain en France. Manque de logique en matière fiscale, ou les hausses d'impôt sont suivies de nouvelles niches fiscales; grande incertitude juridique, tout spécialement en matière de droit du travail et en cas de plan social; cacophonie gouvernementale, avec différents ministres au sein du même gouvernement qui tiennent des propos opposés le même jour; affaires médiatisées de patrons séquestrés. Un jour on augmente la fiscalité et l'impôt sur les bénéfices, le lendemain on crée un crédit d'impôt, puis on annonce une baisse de charges qui devrait se cumuler avec ce crédit d'impôt d'une manière "à définir"... Même les Français n'y comprennent rien. Alors, que dire pour les étrangers !

L'exception française, qui apparaissait comme un ensemble de fantaisies locales, au même titre que le fromage au lait cru, est perçue actuellement comme source d'incertitude et d'insécurité. On peut ajouter que la réaction européenne à la crise de la zone euro repose sur le chacun pour soi. Les pays sont tous incités à faire preuve de compétitivité, à attirer plus que leurs voisins investissements étrangers et demande d'exportations. A ce jeu, paradoxalement, la France s'en est trop bien sortie. Contrairement aux pays périphériques comme l'Espagne, le Portugal ou l'Irlande qui ont été obligés de faire des efforts considérables de compétitivité, à coup de baisses salariales imposées, la situation française n'a guère évolué. Heureusement pour nous que les Italiens sont dans une situation encore pire.

Pascal de Lima : Il faut avant tout distinguer attractivité et compétitivité, car je suis sûr que lundi cette confusion va être massive. L’attractivité est directement liée à la localisation internationale des facteurs de production et ce qui permet de les optimiser. La compétitivité est liée aux flux d’échanges commerciaux et son optimisation compte tenu des variables prix et hors prix. Bien évidemment les relations entre ces deux notions peuvent être plus ou moins imbriquées. Des pays peuvent être attractifs sur certains points et peu compétitifs etc…Nous nous intéressons uniquement à l’attractivité. 

Au sujet de l’attractivité de la France, on constate une évolution préoccupante : la France connaissait une bonne attractivité jusqu’en 2000 environ. Elle figurait régulièrement dans le top 5 des flux directs étrangers entrants. Les causes de cette attractivité résident dans la politique d’ouverture, la centralité du territoire et l’abondance de main d’œuvre qualifiée. D’une certaine façon à cette époque, la qualité des infrastructures contrebalançait un environnement administratif et fiscal déjà perçu négativement ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Il n’y a plus contrebalancement principalement à cause de la pression fiscale devenue excessive.

La dégradation de l’attractivité de la France est assez récente donc et surtout depuis 2006 et 2007 date à partir de laquelle on observe une nette diminution des investissements directs étrangers entrants. Un chiffre : les flux d’IDE ont été divisés par 2 depuis cette date. De même on observe une sensible décrue de la valeur des projets d’investissement ainsi que du nombre d’emplois crées. Un chiffre : ce dernier a décru de 40% entre 2006 et 2012 (avec notamment la réduction des emplois dans les filiales étrangères en France).

Ce repli de l’attractivité de la France semble plus marqué que dans le reste du monde et qu’en Europe. C’est d’ailleurs ce qui paraît le plus inquiétant. D'un point de vue conjoncturel, plusieurs raisons l'expliquent : la crise économique mondiale depuis 2008 mais aussi l’attractivité croissance des pays émergents. Sur le plan structurel, c’est surtout la dégradation de certaine composante de l’attractivité française comme l’excessive pression fiscale et l’archaïsme de son système éducatif qui pêchent.

Mais ce n’est pas tout : la faiblesse de la compétitivité comme élément d’in-attractivité -encore que le sens de la causalité entre compétitivité et attractivité n’est pas aussi simple notamment dans le cadre d’une relation bidirectionnelle - la pression fiscale, le déficit, l'endettement, les contraintes réglementaires forment les principaux éléments d’une in-attractivité relative structurelle de l’économie française depuis 2006-2007.

Pour appuyer ce propos on précise généralement de façon assez unanime quelles que soient les études sur la question, que la gouvernance publique, la réglementation, le code des impôts, l’environnement assez peu propice à la création d’entreprise, et la question des rigidités du marché du travail doivent impérativement être améliorés et assouplis. Seules les innovations, la qualité des transports et des télécommunications sauvent la France. Cela ne nous empêchera pas de dire que dans la mesure où il s’agit bien d’un avantage comparatif franco-français, il faille encore les renforcer pour retrouver une l'attractivité perdue.

Concrètement, en quoi cette baisse de l'attractivité est-elle problématique pour l'économie française ?

Alexandre Delaigue : Les investissements étrangers ont plusieurs aspects importants. Premièrement, ils sont le canari dans la mine de charbon. Les étrangers n'ont pas d'attachement particulier pour la France, ils vont là ou cela leur semble le plus intéressant, ce que ne feront pas des dirigeants d'entreprise nationaux qui peuvent avoir un réflexe "nationaliste". Les étrangers sont un symptôme important.
Les étrangers représentent 500 milliards d'actifs détenus en France; ils sont aussi et surtout les principaux investisseurs en titres de la dette publique (ils achètent près des deux tiers des émissions d'OAT), dont la France sera un gros émetteur cette année. On n'attire pas les mouches avec du vinaigre, et le premier qui perdrait à la désaffection des investisseurs, ce serait le gouvernement, s'il ne parvient pas à continuer à s'endetter pour payer les dépenses publiques.

Pascal de Lima : Bien évidemment, l’attractivité d’un pays joue sur plusieurs paramètres dont l’investissement direct étranger entrant est le principal canal de profusion. Avec des investissements, on résout beaucoup de problèmes notamment dans les secteurs où il existe une réelle demande non pourvue. Pourtant, bien que le niveau d’épargne soit élevé en France visiblement celui-ci ne suffit pas à booster les investissements à l’échelle nationale. Ce sont donc les investissements en provenance de l’étranger qui doivent prendre la relève dans une économie en mal de compétitivité. D’une certaine façon, on peut dire ici, qu’une in-attractivité du territoire est handicapant pour l’attrait des investisseurs et donc assèche la liquidité qui pourrait faciliter la R&D, l’innovation et la compétitivité notamment hors-prix, puis finalement par l’amélioration des marges, la compétitivité prix. On a un lien possible et tangible d’enchaînements.   

Jean-Marc Daniel : Au risque de paraître paradoxal, je dirais que la France ne devrait pas être une terre d’accueil d’investissements étrangers mais une terre d’exportation de son épargne. Le discours sur la compétitivité, le rapport Gallois, le « colbertisme participatif » de Montebourg, la défense de l’attractivité du territoire relèvent d’une vision économique mercantiliste dépassée. J Rueff rappelait régulièrement que les fanatiques des exportations et des investissements étrangers ne comprenaient pas ce constat fondamental qu’il n’y a pas de différence entre le commerce national et le commerce international. Une entreprise vend, indépendamment de la nationalité de son client. Un pays a besoin d’investissement, indépendamment de leur nationalité. Ce dont manque la France, c’est d’investissement et la première priorité devrait être de cesser de décourager les Français d’investir en France.

Il y a cependant une différence que l’on ne souligne pas assez entre les investissements nationaux et les investissements étrangers. Tout investissement réclame rémunération et, dans le cas d’un investissement étranger, cette rémunération finit par quitter le territoire : les apports extérieurs d’aujourd’hui sont les sorties de revenu de demain. Accepter cette ponction future n’a de sens que si la croissance future est fortement favorisée par l’investissement étranger. C’est le cas pour  les pays qui sont en retard sur le plan technologique et utilisent les investisseurs étrangers comme source de progrès technique. Un pays en développement est demandeur d’investissements étrangers parce que cela lui apporte du savoir faire.

En France nous n’en sommes pas là.

Au passage remarquons qu’il est toujours surprenant de voir le monde patronal qui lutta férocement contre les nationalisations réclamait la venue des fonds souverains chinois ou arabes en France car cela revient à réclamer d’être nationalisé mais non plus par l’Etat français mais par un État étranger… !!

Quelles sont les solutions pour rendre l'économie française à nouveau attractive ? Cela passe-t-il obligatoirement par de nouvelles réformes politiques ?

Jean-Marc Daniel : Ce qu’il faut, ce n’est pas chercher à attirer des investisseurs étrangers mais redonner aux investisseurs français les moyens d’investir. En outre, comme notre pays vieillit, il faut impérativement reconstituer notre épargne et mieux utiliser celle dont nous disposons. C'est-à-dire que compte tenu de notre démographie, il faut dégager de l’épargne pour que nous devenions investisseurs dans les pays jeunes et porteurs de croissance. Or, même si notre déficit extérieur se réduit, nous sommes toujours en déficit et cela traduit en économie un manque d’épargne. On ne le dira jamais assez mais un déficit extérieur mesure un manque d’épargne.

Nous allons encore entendre des discours sur les mesures à prendre pour faire venir tel ou tel fonds étranger mais l’enjeu est de préserver nos investisseurs et de leur donner les moyens d’investir non seulement en France mais à l’extérieur. Cela passe par un allègement des impôts sur les entreprises et une réduction du déficit budgétaire qui détourne une partie de l’épargne du financement de la création de richesse.

Au lieu de multiplier les comités « Théodule », les réunions, les palabres, les déclarations enflammées sur des thèmes multiples et variés, nos dirigeants feraient mieux de s’attaquer à notre vrai problème, dont la résolution en résoudra bien d’autres, qui est l’excès de nos dépenses publiques.

Pascal de Lima : Ici, on peut dire beaucoup de choses mais il y a des erreurs à ne pas commettre. Comme par exemple croire qu’il faille diminuer le poids de l’Etat pour rendre plus attractif le territoire France, en gros diminuer l’Etat providence. Mais l’Etat providence est un facteur d’attractivité. Non, en revanche il est clair qu’une simplification administrative, une baisse de la pression fiscale et un juste équilibre entre marché et État providence sont les clés des réformes à venir.

La France est aujourd’hui au 6ème rang mondial pour les dépôts de brevets internationaux de la robotique au service à la personne. La France est un pays innovant et ses innovations doivent être mieux valorisées pour en faire un pays attractif. Tout le problème serait celui du passage de l’invention vers l’innovation et ce procédé bloque encore trop en France. Si la France se place au 6ème rang, il faut savoir cependant que qu’elle pâtit d’une R&D entreprise encore insuffisante, qu’elle pâtit d’une coopération insuffisante entre le monde de la recherche et les entreprises. Une solution serait de titulariser dans les universités et grandes écoles, des professeurs titulaires provenant à 50% des métiers de la recherche, et 50% des médecins qui rencontrent les patients tous les jours, à savoir dans les métiers des médecins praticiens. Il faudrait aussi sanctionner les laboratoires de recherche en France publiant des articles de rang 1 mais ne traitant pas d’une « maladie à soigner » qui intéresse la collectivité, en gros les fumisteries mathématiques déconnectées d’un encrage d’intérêt général. Ainsi on créerait des synergies entre les entreprises et le monde académique et les fonds seraient alloués à des sujets qui concernent l’actualité. Il faudrait également renforcer les pôles de compétitivité. L’insuffisance de start-up innovantes et plus particulièrement dans le secteur industriel est aussi un mal français. Ici que fait la BPI ? Par rapport au réseau bancaire j’entends ?

Car la France perd de son attractivité pour les jeunes talents : il faut urgemment développer une immigration simplifiée pour les porteurs de projets et renforcer l’attention des étudiants étrangers.

Enfin il faut réduire la pression fiscale, développer l’évaluation de l’efficacité des politiques publiques, alléger les contraintes réglementaires, attirer les talents au mérite avec des tests cognitifs neutres et non des systèmes de critères de reproduction socio-culturelle, et tout miser sur l’innovation. Ces quelques propositions sont déjà assez connues. Pourtant elles ne sont pas appliquées. Pourquoi, c’est aussi une question à laquelle il faudra réfléchir et résoudre une bonne fois pour toute.

Alexandre Delaigue : L'attractivité est un symptôme, et croire qu'il faut s'occuper de cela à l'exception du reste est une erreur profonde. Ce n'est pas avec un crédit d'impôt ou une niche fiscale de plus qu'on résoudra les problèmes de l'économie française. Ce n'est pas non plus avec des campagnes grandiloquentes et un énième comité Théodule de l'attractivité que l'on obtiendra quelque résultat que ce soit. Certaines mesures pourraient être de bon sens, comme regrouper les multiples structures qui s'occupent de cela et travaillent toutes dans leur coin, mais il ne faut pas se leurrer : si elles sont séparées c'est qu'elles constituent des chasses gardées, résultat d'arbitrages politiques. La vraie question serait de savoir ce que l'on veut en France, et de s'y tenir. Veut-on être un pays avec un état-providence conséquent ? La contrepartie, c'est une économie productive qui permet de payer pour cela, comme le font les pays nordiques, donc une organisation économique qui favorise la concurrence, et ne passe pas son temps à préserver les rentes et avantages acquis dès qu'ils se manifestent.
Répétons-le : l'attractivité est un sujet périphérique. Personne n'est contre le fait d'être attractif : tout le monde préfère être attirant que repoussant. Pour le gouvernement, "l'attractivité" n'est qu'une façon de mettre du rouge à lèvres sur le cochon. Gageons que le "conseil à l'attractivité" conclura que la politique du gouvernement en la matière est la bonne, qu'il faut peut-être quelques mesurettes de plus : une petite aide fiscale, un lamento sur le droit du travail français qu'il faut "réformer" sans changer quoi que ce soit, et qui sait, changer la moquette des salons VIP de l'aéroport de Roissy pour que les hommes d'affaires étrangers s'y sentent plus à l'aise. La France sera "attractive" lorsqu'elle aura un taux de croissance digne de ce nom, au lieu de stagner comme elle le fait depuis 2007.

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