Ces indices qui montrent que la Chine se prépare puissamment à la guerre<!-- --> | Atlantico.fr
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Le président chinois Xi Jinping passe en revue les troupes à Hong Kong lors d'une cérémonie officielle.
Le président chinois Xi Jinping passe en revue les troupes à Hong Kong lors d'une cérémonie officielle.
©ANTHONY WALLACE / AFP

Stratégie chinoise

L'industrie militaire chinoise produit davantage d'équipement de défense que l'industrie américaine et européenne.

Jean-Vincent Brisset

Jean-Vincent Brisset

Le Général de brigade aérienne Jean-Vincent Brisset est chercheur associé à l’IRIS. Diplômé de l'Ecole supérieure de Guerre aérienne, il a écrit plusieurs ouvrages sur la Chine, et participe à la rubrique défense dans L’Année stratégique.

Il est l'auteur de Manuel de l'outil militaire, aux éditions Armand Colin (avril 2012)

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Atlantico : La Chine semble se préparer à la guerre. C’est en tout cas ce que peuvent laisser à penser certains signes, notamment du côté industriel : le pays développe, à l’évidence, sa marine et sa technologie. Peut-on effectivement dire de la Chine qu’elle se prépare au conflit ?

Jean-Vincent Brisset : Premier point à mentionner : la préparation de la Chine n’est pas récente. Le phénomène débute à l’issue de la guerre en Irak. Je fréquentais à l’époque un certain nombre de militaires chinois qui étaient très conscients de la vétusté et l’obsolescence complète de leur armée. Ils s’en plaignaient sans pour autant pouvoir se vanter de résultats très probants face à leurs représentants politiques. Ce n’est que dans le milieu des années 1990 qu’ils ont réussi à les convaincre et que nous avons assisté au premiers achats militaires, au lendemain de la guerre du Golf. Il y a ensuite eu une montée en puissance, à partir des années 2000 : le politique voulait alors disposer d’une force militaire sérieuse et les budgets ont connu une augmentation très conséquente, quoique les chiffres exacts n’étaient pas nécessairement diffusés. Toujours est-il que la Chine a tenu à s’équiper… et à faire savoir qu’elle s’équipait. Cette volonté politique est d’ailleurs allée au-delà des seuls souhaits des militaires.

Parmi les signes qui, aujourd’hui encore, illustrent la volonté chinoise à préparer la guerre, on peut évoquer la montée en puissance de sa marine, la montée en puissance relativement importante de l’armée de l’air qui prend actuellement beaucoup de volume. Bien sûr, il faut aussi évoquer l’armée de terre, dont l’évolution est moins visible mais qui demeure absolument non négligeable. Sans oublier, bien sûr, la progression observée du côté matériel. Notons, à cet égard, que les troupes sont bien mieux formées à l’utilisation de leur matériel, ce qui n’a pas toujours été le cas. Les premières patrouilles anti-piratage, installées dans le golfe d’Aden, étaient contraintes de faire du cherry-picking pour former des équipes capables de rester plus de quinze jours en mer. Seule l’élite de la marine chinoise était alors envoyée en opérations, au risque de dépouiller les autres unités restant dans l'espace national.

Désormais, les comportements sont beaucoup moins irresponsables sur l’aspect technique. La marine chinoise intervient d’ailleurs en mer de Chine du Sud, où elle agresse et aborde des bâtiments filipino, vietnamiens et parfois même américains quand ils ne montrent pas les capacités opérationnelles nécessaires pour résister. D’autres démonstrations ont également pu avoir lieu sur le plan aérien, ainsi que des exemples d’interceptions. Il y a encore du progrès à faire mais on est loin de la collision qui a pu être observée en 2001 au sud de l’Ile de Hainan.

Autre point important : la Chine insiste désormais pour assurer des exercices réalistes et mettre en place des formations pertinentes. Il s’agit de s’inspirer de ce qui peut se faire à l’étranger, de rencontrer les militaires déployés au sein des forces de l’ONU notamment et reprendre le mode de fonctionnement des pays évolués sur le plan militaire. 

Enfin, il ne faut pas non plus perdre de vue que la Chine a tendance à flirter avec la ligne médiane que peut représenter Taïwan, sur le continent, et celle que peut représenter le Japon dans l’archipel.

A quel conflit la Chine pourrait-elle se préparer, au juste ?

Contrairement à la Russie, la Chine n’a pas d’ennemi. Il n’est pas de pays, à l’heure actuelle, qui veuille du mal à la Chine. En revanche, force est de constater qu’elle nourrit de son côté un certain nombre de revendications, notamment sur la mer de Chine du Sud, sur celle de l’Est et sur Taïwan. Ce sont trois revendications pour lesquelles le pays se prépare à tout et veut s’assurer d’être en mesure de réagir en cas de provocation estimée. Notons par ailleurs qu’il s’agit d’un pays impérialiste, qui n’hésite pas à conquérir, en mer de Chine, des zones que le droit international lui interdit pourtant en théorie. Elle cherche à s’implanter dans les zones économiques exclusives d’un certain nombre de nations indépendantes comme la Malaisie ou les Philippines. Puis, une fois sur place, elle défend bec et ongle sont nouveau nid. Il y a une vraie possibilité de conflit, susceptible d’émaner d’une interception ou d’un abordage non maîtrisé contre un navire des Philippines ou du Vietnam, par exemple. La situation serait évidemment pire si le vaisseau était américain…

Il faut aussi évoquer les revendications concernant Taïwan. Cela fait des années, maintenant, que la Chine explique que si Taïwan se décidait à sortir du statu quo à l’aide d’un référendum d’indépendance ou de quelque autre moyen, elle s’estimerait en droit d’intervenir militairement et de reconquérir le territoire.

Quelles sont les limites actuelles des forces militaires chinoises ? Sur quel point cherchent-t-elles le plus à se renforcer ?

Il n’y a pas, à l’heure actuelle, de problèmes de recrutement en Chine. En revanche, il y a des problèmes de combats interarmées, qui demeurent très complexes. Il faut aussi évoquer les importants problèmes de redéploiement à travers le territoire chinois, qui constituent un souci propre à la Chine.

Par ailleurs, rappelons aussi que tous les escadrons, même quand ils ont le même nom, ne sont pas logés à la même enseigne. Selon qu’ils sont basés dans le nord ou dans le sud, ils ne disposeront pas nécessairement du même matériel et les procédures de maintenance diffèrent parfois. Il y a donc un vrai souci d’harmonisation au niveau de l’ensemble des forces chinoises. 

La Chine peut-elle rattraper l’Occident et tout particulièrement les Etats-Unis sur ce sujet ?

La Chine peut effectivement rattraper les pays d’Occident les plus avancés sur le plan militaire. En revanche, elle demeure encore loin de pouvoir prétendre rattraper les Etats-Unis. Nous pensions, il y a encore quelques années, que la Chine pourrait s’appuyer, d’ici 2030-2035, sur au moins quatre porte-avions et une aviation à 2000 appareils de combat moderne.

La guerre en Ukraine jette sur leur stratégie une lumière potentiellement différente. Il faut savoir que les forces chinoises ont hérité d’une doctrine basée sur le modèle soviétique qui veut que l’on ne jette rien, même quand on rachète du matériel plus moderne. La guerre en Ukraine illustre bien le fait que cette stratégie, qui faisait doucement rire en Occident, peut s’avérer très efficace pour pallier un manque.

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