Ces entreprises françaises dont Emmanuel Macron comprend si peu les enjeux<!-- --> | Atlantico.fr
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"Réveillez-vous !", "nous n'y sommes pas", avait lancé le 21 novembre Emmanuel Macron à ceux qui voudraient une "pause" dans les réformes.
"Réveillez-vous !", "nous n'y sommes pas", avait lancé le 21 novembre Emmanuel Macron à ceux qui voudraient une "pause" dans les réformes.
©SARAH MEYSSONNIER / POOL / AFP

Réveillez-vous ? Oui, mais qui doit se réveiller de quoi…

La semaine passée, le président de la République s’est illustré par l’une de ces petites phrases dont il a le secret. A défaut de comprendre ceux de l’économie française ou ceux de ses propres responsabilités…

Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega est universitaire, spécialiste de l'Union européenne et des questions économiques. Il écrit sous pseudonyme car il ne peut engager l’institution pour laquelle il travaille.

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Depuis les années 70, les entreprises françaises se modernisent ; bien obligées : elles doivent se débattre dans la mondialisation avec des boulets de plus en plus lourds aux pieds, une inflation réglementaire de tous les instants couplée à un marché du travail rigide et à un régime monétaire fixiste. Et maintenant, elles font face à une hausse des taux d’intérêt surprise et surréaliste de 400 points de base, contre laquelle le pouvoir macroniste ne dit mot et n’a pas l’intention de se réveiller.

Depuis les années 70, l’Etat, les organismes sociaux et les collectivités locales ne se modernisent pas aussi vite ; ces organismes publics sont protégés de la concurrence du grand large et des licenciements, ils opèrent dans des domaines où les gains de productivité sont rares, ils dépensent d’autant plus que les mouvements populistes grandissent (il faut arroser…), et ils peuvent assez facilement repousser les additions à plus tard, débudgétiser et empiler les dettes. Mais le pompon est atteint depuis 2017 où le chef de cet Etat boursoufflé ne manque aucune occasion de faire la leçon à ces entreprises qu’il ne connait pas et qui sont plus qu’indulgentes envers lui et sa bande.

Cela a commencé dès le tout début avec la « raison sociale » des entreprises et autres gadgets sur le nombre de bourgeoises des grandes écoles dans les conseils d’administration, alors qu’il aurait fallu une campagne de 100 jours pour la réforme de l’Etat, dans la foulée de l’élection et de la décomposition du monde politique. Et ensuite, il y a eu toutes ces immixtions dans des dossiers particuliers, y compris via la CDC et la BPI. La priorité était d’obtenir une vingtaine de « licornes » (un animal-mirage, réveillez-vous), sans doute le fin du fin de l’action publique soucieuse de l’intérêt général. Les énarques du passé avaient des complexes vis-à-vis de Londres ou de Bonn, les énarques d’aujourd’hui ressortent groggys d’un stage de 15 jours dans la Silicon Valley, sans bien comprendre les ressorts de cet écosystème (ils rêvent de start-up solidaires, vertes et remplies de CDI-à-vie). Le gouvernement a passé tellement de temps à jouer au mécano industriel et au spécialiste du Private Equity avec l’argent du contribuable qu’il a juste négligé son rôle. Ses missions de base. Ce pour quoi on vote. Et maintenant que l’échec est total (sur l’école, l’hôpital, la diplomatie, la sécurité, etc.), notre agence de communication qu’est l’Elysée ne se contente plus de diversions et de dispersion, ou de placer ses sbires dans les banques, ou de truquer les chiffres : elle recherche des boucs-émissaires.

Les PME ne jouent pas le jeu. Elles ne sont pas gentilles. Dans leur grande distraction capitaliste, elles ne créent plus assez d’emplois (qui se dévouera pour dire à ToutanMakron que la productivité du travail est en recul historique de 6% depuis 5 ans ??). Elles participent de l’inflation, via leur cupidité : la « greedflation » (tous les grands auteurs en politique monétaire se retournent dans leur tombe, Jacques Rueff ton pays fout le camp) ; assez cocasse quand on prétend par ailleurs redresser leur taux de marge au nadir. Elles ont du mal à voir la cohérence entre les objectifs de « simplification administrative » et de « réindustrialisation » et les réalités de terrain, de la ZAN (zéro artificialisation nette) à la fiscalité en passant par le mille-feuille administratif et la jurisprudence de la chambre sociale de la cour de cassation. Elles ne comprennent pas le génie transcendantal de notre grand timonier, qui avait tout compris du secteur privé en deux ans et demi chez Rothschild (à un poste très proche du terrain, et sans rapport aucun avec la vente de son carnet d’adresses de la direction du Trésor). Salauds d’entrepreneurs, vous ne méritez pas notre Sauveur ! Vous êtes sous Tranxen 200 ou quoi ? Réveillez-vous !

Pendant que la macronie joue au DG de choc sans mandat, tout ce qui relève de la responsabilité publique est en chute libre voire en faillite, en dépit d’un niveau de prélèvements publics à son zénith. La France recule en Afrique et partout. La qualité des services publics se dégrade. L’armée a 72 heures de munitions en cas de guerre. La police observe les points de deal et écrit des rapports. Le juge administratif croule sous les dossiers, il faut dire qu’un tiers de ces derniers concerne désormais le seul contentieux des migrants (sans rapport aucun avec l’argent public que touche les associations, j’imagine). Nous avons pris une claque historique dans le nucléaire, un dossier stato-centré, 100% sous la responsabilité du pouvoir (NB : qui était cette directrice de cabinet qui pressa jadis EDF de publier une liste de 24 réacteurs à fermer ? un indice : comme tous les bureaucrates incompétents, elle a été promue, elle est maintenant Premier Ministre). Autre point fort traditionnel, l’aérospatial s’est fait sauvagement disrupter en quelques années (ils ont Elon Musk, nous avons Stéphane Israël), mais là comme ailleurs il n’y aura aucun réveil, Ariane 6 sera peut-être en partie réutilisable en 2035, à condition de payer cher et de prier ; quand SpaceX arrivera sur Mars. Il n’y a eu aucune réforme sérieuse de la carte territoriale, et les collectivités sont plus infantilisées que jamais. L’Etat-Providence est colmaté au fil de l’eau, à la petite semaine, sans stratégie aucune : la réforme des retraites à points, suédoise et ambitieuse, a fait place à une réforme comptable et hypocrite ; et tout le reste est à l’avenant, donquichottesque dans les discours et dans les budgets, minable sur le terrain. Réveillez-vous, l’école subit une déstructuration moléculaire et tout le monde regarde ailleurs.  

On nous a vendu la démocratie participative, on n’a récolté aucun referendum, aucun retour du Parlement, aucune innovation en dehors de machins comme la convention pseudo-citoyenne, aucun déblocage du fait que nos médias sont tantôt subventionnés par Bercy tantôt aux mains de 5 oligarques tous très proches des contrats publics. On nous a vendu une réforme prométhéenne de l’Europe (les discours grandiloquents de Strasbourg), on n’arrive même pas à forcer la BCE à publier les transcripts de ses réunions avant la 2e partie de ce siècle. On nous avait parlé de nominations exemplaires, nous avons Darmanin, Breton, et une foule de petits marquis macroniens bien logés un peu partout ; les conflits d’intérêt prolifèrent, Paris pue. On nous avait fait miroiter l’évaluation des politiques publiques, la baisse des dépenses, un rééquilibrage du « couple » franco-allemand, une meilleure maitrise de l’immigration : nada. Si j’étais à la tête d’une PME, je ne suis pas sûr que j’apprécierais de recevoir des leçons de la part d’un politique qui donne de si fâcheux exemples et qui laisse de si gros déficits à nos enfants ; je me réveillerais en effet.        

Pourquoi ?? Parce que notre Président est fondamentalement un khâgneux, quelqu’un qui croit pouvoir exceller en tout, mais qui en brillant comme un luminaire fonctionne en fait comme un extincteur. Un adversaire acharné de la conviction, un continuateur de la culture du non-choix qui fait tant de mal à notre pays depuis 50 ans. Qui croit qu’on peut avoir 15 priorités, « en même temps ». Qui multiplie les OPA sur tous les sujets d’actualité. Le Liban. Les SDF. Le réchauffement en 2080. La facture de gaz. La souffrance animale. Les femmes battues. Le plan hydrogène. Et quand cela tourne mal, parce qu’évidemment cela ne pouvait marcher qu’avec le budget des Etats-Unis (ou au moins avec l’aide de la BCE), Macron se transforme en Valmont. « Ce n’est pas ma faute ».

C’est donc la faute des réfractaires, des PME, des salariés, des non-vaccinés, des haineux. D’ailleurs ce sont souvent les mêmes. Des gros naïfs qui croient encore qu’un responsable politique doit s’occuper en priorité de la sphère publique, du régalien, de la Constitution et de l’efficience des services publics. Des provinciaux bas de plafond ; qui, comme disent les jeunes, n’ont pas le Wifi dans toutes les pièces. Le mieux serait un poste de Président de l’Union européenne ou mieux de l’ONU, pour ne plus s’attarder sur cette engeance. Réveillez-moi. Vivement 2027.  

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