Ces énormes conséquences économiques que pourrait avoir la multiplication des attaques de missiles et de drones dans la mer Rouge<!-- --> | Atlantico.fr
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Un cargo battant pavillon égyptien naviguant dans la mer Rouge, près de Port-Soudan.
Un cargo battant pavillon égyptien naviguant dans la mer Rouge, près de Port-Soudan.
©ASHRAF SHAZLY / AFP

Fret et transport maritime

Des navires commerciaux qui naviguaient dans les eaux internationales dans le sud de la mer Rouge ont été récemment visés par des attaques provenant du Yémen. Selon l'armée américaine, ces attaques représentent « une menace directe envers le commerce international et la sécurité maritime ».

Jean-Pierre Favennec

Jean-Pierre Favennec

Jean-Pierre Favennec est un spécialiste de l’énergie et en particulier du pétrole et professeur à l’Ecole du Pétrole et des Moteurs, où il a dirigé le Centre Economie et Gestion. 

Il a publié plusieurs ouvrages et de nombreux articles sur des sujets touchant à l’économie et à la géopolitique de l’énergie et en particulier Exploitation et Gestion du Raffinage (français et anglais), Recherche et Production du Pétrole et du Gaz (français et anglais en 2011), l’Energie à Quel Prix ? (2006) et Géopolitique de l’Energie (français 2009, anglais 2011).

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Atlantico : Le destroyer américain USS Carney a récemment fourni de l'aide à trois navires commerciaux visés par des attaques lancées depuis le Yémen dans les eaux internationales de la mer Rouge. Le Commandement militaire américain au Moyen-Orient a abattu des drones qui ciblaient les cargos. Alors que des attaques de drones et de missiles contre les navires transportant des marchandises en mer Rouge ont eu lieu, quelles pourraient être les conséquences économiques, notamment sur le fret et le transport maritime ? Si davantage de compagnies maritimes évitent la route de Suez et contournent le cap de Bonne-Espérance, les conséquences pourraient-elles être désastreuses pour les acheteurs de fret mondiaux ?

Jean-Pierre Favennec : Les attaques contre les navires commerciaux au Moyen Orient et dans les zones voisines sont, malheureusement, monnaie courante. Dans les années 1980 pendant la guerre Iran Irak (1980 – 1988), à partir de 1984 l’Irak qui dispose d’une supériorité aérienne va attaquer et couler de nombreux pétroliers iraniens. En représailles l’Iran attaquera des pétroliers en provenance du Koweït, de l’Arabie Saoudite, des Emirats Arabes Unis, alors alliés de l’Irak. L’Irak espérait, par ses attaques provoquer une réaction de l’Iran allant jusqu’à la fermeture du détroit d’Hormuz, situé à la sortie du golfe persique et par où passent près de 20 % des approvisionnements mondiaux en pétrole, ce qui aurait entrainé une vive réaction des pays occidentaux, destinataires d’une bonne partie de ce pétrole. L’Iran n’a pas fermé le détroit d’Hormuz et les pays occidentaux ont envoyé leur flotte protéger les tankers. La situation est revenue à la normale.

Un peu plus tard après l’invasion de l’Irak par les Etats Unis (2003) des pétroliers américains ont été attaqués dans le Golfe.

Plus récemment, en 2019, deux pétroliers étaient attaqués à la sortie du détroit d’Hormuz, dans le golfe d’Aden. Secourus par les navires de guerre américains, ces deux navires ont subi des dégâts importants mais n’ont pas été coulés et ont pu poursuivre leur route.

Dimanche 3 décembre 2023, plusieurs navires ont été attaqués dans le détroit de Bab El Mandeb qui sépare Djibouti et le Yémen et qui est la porte de sortie de la Mer Rouge. Ces attaques ont été réalisées au moyen de drones et de missiles par les rebelles Houthis, soutenus par l’Iran qui contrôlent une partie du Yémen. La flotte américaine, très présente dans la zone (en particulier pour soutenir Israël et contenir l’Iran) a porté secours à ces navires attaqués au prétexte qu’ils appartiendraient à des intérêts israéliens.

Quelques jours après un avertissement à la navigation dans le détroit de Bab-el-Mandeb, un porte-voitures exploité par Nippon Yusen a été saisi par les rebelles houthis et l'ensemble de l'équipage, pris en otage. Le regain de tensions dans la région de la mer Rouge pourrait-il avoir de fortes conséquences notamment pour les échanges pétroliers et sur le cours du pétrole ?

Les captures de navires et la prise en otages des équipages et des cargaisons n’est pas nouvelle. Il y a une dizaine d’années des pirates somaliens ont arraisonné de nombreux navires, en particulier des pétroliers et ont obtenu des rançons. L’intervention massive des flottes de guerre occidentales (américaine, britannique, française ..) a mis fin à ce piratage. 

Le piratage reste endémique dans quelques zones comme le Golfe du Bénin. Il est en diminution dans le détroit de Malacca, nouvelle route privilégiée des pétroliers du fait de la forte demande en or noir de l’Asie. 

Quelles pourraient être les conséquences économiques en cas de temps de transit plus longs et en cas de forte réduction de la capacité effective du commerce entre l’Asie et l’Europe ? Avec une offre qui aura tendance à diminuer, va-t-on assister à une augmentation des prix ?

Il est probable que les primes d’assurance vont augmenter et renchérir les taux de fret et le coût du transport. Certaines compagnies se sentant particulièrement menacées pourraient être tentées de dérouter des cargaisons destinées à l’occident vers le Cap de Bonne Espérance. Il est probable que ces déroutements seront limités. Les rebelles Houthis sont très liés à l’Iran même s’ils revendiquent une certaine autonomie qui les protège. Ils pourraient s’attaquer aux navires dans le Golfe Persique sur le modèle des attaques contre les installations pétrolières d’Arabie Saoudite en septembre 2019, attaques qui avaient affecté des installations cruciales pour Riyad, attaques revendiquées par les Houthis mais peut-être commanditées par l’Iran. Cependant la forte présence des navires de guerre américains aura certainement un effet dissuasif. 

Avec l’augmentation des délais de transit du fret maritime et avec la hausse des prix, une partie du fret ne va-t-elle pas être transférée vers le transport aérien et encore plus bousculer les équilibres économiques ? 

Il est impossible de transférer une part significative de transport maritime vers le transport aérien. Un navire peut transporter plus de 1000 fois ce que peut transporter un avion. 

Les mouvements relativement faibles de l'offre ou de la demande de services de fret peuvent-ils entraîner d'énormes fluctuations des prix du fret ?

Les taux de fret sont en augmentation mais pour l’instant cette augmentation est « raisonnable ».

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