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Ces enfants qui ont été volés par les régime de Franco parce que leur mère était communiste
©AFP

Enfance volée

L'Eglise catholique et le ministère espagnol de la santé consentent à ouvrir leurs archives à ceux qui pensent qu'un membre de leur famille a été volé sous le règne du Général Franco. Cette pratique répandue consistait à purger les femmes républicaines trop proches des communistes et des anarchistes pendant la guerre civile.

Bernard  Bessière

Bernard Bessière

Bernard Bessière, professeur émérite d'Aix-Marseille Université, est spécialiste de l'histoire et de la culture de l'Espagne contemporaine. Il a publié récemment avec Bartolomé Bennassar : Espagne : histoire, société, culture, Paris, La Découverte, 2017,[3e édition mise à jour]

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Atlantico : L'Eglise catholique espagnole et le ministère de la santé ont accepté d'ouvrir leurs archives aux parents qui pensent que leurs enfants ont été volés à leur naissance. On découvre cet épisode méconnu selon lequel, à l'époque du Général Franco, dans les années 1930, les autorités espagnoles ont procédé au vol et à l'enlèvement de dizaines de milliers de bébés. Dans quel contexte ce projet s'inscrit-il ? 

Bernard Bessière : C'est à partir de la fin de la guerre civile, en 1939-1940 que le régime, sous l'influence du colonel Antonio Vallero Naleira de l'armée espagnole et psychiatre, ce qui est rare lance cette mode. Il s'agit d'une vague de vol d'enfants de femmes dites "rouges", impures, portants un gène rouge ; à savoir, des communistes, des socialiste et des anarchistes. L'anti Espagne dans la dialectique de Franco. Pour éliminer ce gène, il fallait voler les enfants. Cela fait vingt ans que l'on parle de cette histoire. Des équipes d'historiens ont travaillé sur ce scandale épouvantable qui a eu lieu également dans d'autres pays. Les femmes qui étaient internées dans des prisons spécialement faites pour elles, accouchaient normalement. La plus connue étant Las Ventas à Madrid. Elle n'existe plus cependant. Les enfants étaient pris après leur naissance et une bonne sœur, elles inspiraient confiance auprès des femmes, expliquaient que les enfants étaient morts. Elles insistaient sur le fait qu'elles avaient tout tenté pour le sauver. Mais ce n'était en réalité pas le cas. Cette politique s'est généralisée à partir de 1939.

Qui étaient les victimes de ces vols d'enfants et comment se sont-ils déroulés ? A qui étaient revendus ces enfants ?

Les principales victimes de ce système étaient des femmes qui étaient accusées à juste titre d'appartenir au camp républicain. Le Général Franco a fait passer une loi dès le mois de février 1939 de responsabilité politique. Il décrétait alors que les républicains, s'ils se rendaient seraient jugés humainement, ce qui n'a jamais été le cas soient elles étaient soumises à la justice. Tous les opposants de gauche étaient concernés. C'était des "indésirables". Elles soutenaient l'Espagne républicaine. 

Le rôle de l'Eglise catholique est bien connu des historiens. Elle a été inféodée au régime franquiste. C'est le monseigneur Pla I Deniel qui avait baptisé le coup d'Etat de Franco se sainte croisade. Les hôpitaux et les cliniques étaient régis par l'Eglise et les infirmières étaient des religieuses. L'Eglise a vraiment joué un rôle central.

Les enfants ont été revendus ou donnés à des gens issus de la hiérarchie, des généraux et des élites issues du franquisme, notamment des militaires qui étaient en mal d'enfants ou qui ne pouvaient pas en avoir. Ces familles qui étaient dans ce besoin en ont acheté. On ne connait pas le nombre d'enfants qui ont été vendus ainsi. Un ordre de grandeur serait plutôt 40 000 enfants. On ne dispose pas d'une comptabilité. Le sujet était tabou. 

Comment est-ce que ce système a prospéré pendant et après la fin de l'ère franquiste ? Est-ce que les institutions comme l'Etat ou l'Eglise en ont tiré des bénéfices ? 

Franco est mort en 1975. Une transition a eu lieu jusqu'en 1976. Ces vols d'enfants se sont poursuivis jusqu'à ce moment. Ce système était le plus répandu dans l'après-guerre, entre 1950 et 1960. L'épiscopat espagnol était lié à l'Etat jusqu'en 1962. Le concile Vatican 2, sous l'égide de Jean XXIII a prôné la séparation des églises et des régimes dictatoriaux. Les églises ne devaient plus en être leurs comparses. 

Je ne suis pas spécialiste de ce sujet, mais il serait probable que des profits juteux en aient été tirés pour les institutions religieuses et les couvents. Des chercheurs travaillent dessus. L'ancien Premier ministre, José Luis Zapatero a promulgué une loi de mémoire historique en 2007. C'est un effort considérable, tout à fait nouveau. La droite d'origine franquiste s'y est opposé bec et ongles. L'Eglise ouvre enfin ses dossiers. C'est une étape importante. 

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