Ces arrière-pensées qui animent l’extrême-gauche dans sa défense de Pap Ndiaye après son éviction <!-- --> | Atlantico.fr
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Gabriel Attal a remplacé Pap Ndiaye au ministère de l'Education nationale lors du remaniement ministériel.
Gabriel Attal a remplacé Pap Ndiaye au ministère de l'Education nationale lors du remaniement ministériel.
©Ludovic MARIN / AFP

Victime de l’extrême-droite, vraiment ?

Des personnalités de gauche comme Edwy Plenel, Jean-Luc Mélenchon ou Philippe Meirieu considèrent que Pap Ndiaye a été remercié par le chef de l'Etat lors du remaniement à cause de ses prises de position contre l'extrême-droite.

Guillaume Bigot

Guillaume Bigot

Guillaume Bigot est membre des Orwéliens, essayiste, et est aussi le Directeur Général d'une grande école de commerce. Il est également chroniqueur sur C-News. Son huitième ouvrage,  La Populophobie, sort le 15 septembre 2020 aux éditions Plon.

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Atlantico : Philippe Meirieu, professeur honoraire en sciences de l’éducation, estime dans une tribune publiée dans les colonnes du Monde que « Pap Ndiaye paye de son éviction d’avoir pris ses distances avec les marqueurs politiques et éducatifs de l’extrême-droite ». Selon Edwy Plenel, « pour celles et ceux qui en doutaient encore, l’affaire est désormais entendue : il ne fait pas bon, sous le règne d’Emmanuel Macron, déplaire à l’extrême-droite. Pap Ndiaye vient d’en faire la dure expérience ». Quelles sont les arrière-pensées qui animent l’extrême gauche à travers sa défense de Pap Ndiaye après son éviction ?

Guillaume Bigot : Philippe Meirieu part du principe qu’il existerait, aujourd’hui en France, des forces politiques représentatives (mesurées par des sondages ou capables de faire élire des candidats) qui pourraient être légitimement qualifiées d’extrême droite. Ce présupposé est tout simplement faux.

Les partis auxquels pensent Philippe Meirieu lorsqu’il parle d’extrême droite (Reconquête et le Rassemblement national) peuvent être qualifiée de populistes. Ils sont, certes, les plus à droite sur l’échiquier politique mais ils manquent à ces partis trois caractéristiques pour les ranger à l’extrême droite. Dans notre pays, si les mots ont un sens, l'extrême droite a toujours été violente, antisémite et anti-républicaine. Aucune de ces caractéristiques ne s’appliquent au RN ou à Reconquête.

Ces mouvements ne présentent aucune trace d’antisémitisme, n’appellent pas à la violence et ne souhaitent pas renverser la République. Ils ne se rattachent à aucune des trois matrices de l’extrême droite dans l'histoire de notre pays. 

La première matrice est celle de la droite légitimiste pour reprendre le classement des droites par René Rémond. Cette droite ultra monarchiste voue aux gémonies la République. On peine à trouver un lien entre Reconquête ou le RN et cette première matrice. 

L’extrême droite s’est aussi manifestée sous l’occupation. Elle a alors revêtu deux visages. Celui d’une petite poignée de fascistes et de nazis français (tels Philippe Henriot ou Marcel Déat plutôt venus de la gauche voire de l’extrême gauche). Celui de notables (essentiellement de centre droit ou de centre gauche) qui ont sabordé la République et se sont jetés dans les bras de l’Allemagne. Ici encore, on voit mal le lien de filiation entre ce que Philippe Mérieux appelle l’extrême droite et ces deux familles de collabos. 

Il reste une dernière matrice pour l'extrême droite hexagonal, c’est l’Algérie française. C’est dans ce combat d’arrière-garde après 1962 et dans ce climat de rancune que Jean-Marie Le Pen a fondé son Front National. Pour tarir cette source empoisonnée, sa fille a justement tenu à changer le nom de son parti et à en chasser son père. A présent, le RN comme Reconquête non seulement n’éprouvent aucune nostalgie pour l’empire mais se réclament du général de Gaulle.

Ce que Mérieux, Pap Ndiaye ou Plenel appellent l’extrême droite, ce sont, en réalité, des mouvements qui veulent tarir les flux migratoires en organisant de référendums sur cette question. Ce sont aussi des mouvements qui s’inquiètent de la montée des trafics de stupéfiants, de la violence gratuite ou de l’islamisme et qui osent établir le lien entre ces désordres et l’immigration. Or, ni le référendum, ni la défense de l’ordre public ou de l’autorité de l’État ne sont des marqueurs d’extrémisme, ni même des marqueurs de droite. La qualification d’extrême droite relève donc plutôt de l’exorcisme que de la science politique, c’est une formule vaudou pour disqualifier les thèses que l’on combat. 

De manière ironique, si l’on cherche parmi les forces idéologiques qui traversent la société française aujourd’hui celles qui sont à la fois réactionnaires, antisémites, anti-républicaines et violentes, on tombe sur l’islamisme. L’islamisme n’est pas l’extrême droite mais, en 2023, c’est encore ce qui s’en rapproche le plus. Un psychanalyste ne manquerait pas de trouver hautement suspecte la traque perpétuelle de l’extrême droite par des Philippe Meirieu, Edwy Plenel ou Pap Ndiaye qui, par ailleurs, ne cessant de lui trouver des excuses et de minimiser le danger de subversion qu’il représente. Un vichysme anachronique ne cache t-il pas un vichysme contemporain ? 

À travers la défense de Pap Ndiaye contre l’extrême droite et contre Emmanuel Macron, l’extrême gauche ne cherche-t-elle pas, tel un cheval de Troie, à avancer ses pions, son agenda et ses objectifs politiques qui seraient dangereux pour la démocratie et la République ?

Si l’on considère qu’il n’existe pas d’extrême droite (autre que groupusculaire), il est également délicat d’identifier une extrême gauche digne de ce nom. Certes, des députés se réclament de l’extrême gauche. Mais ces représentants de la gauche populiste paraissent surtout imiter la radicalité de leurs aînés, en empruntant des méthodes et des slogans au gauchisme d’antan. L'extrême gauche d'aujourd'hui relève davantage du folklore. Sa vision de la lutte des classes me semble d'ailleurs très « empruntée ».

Avec Arnaud Benedetti, nous avons essayé, dans un article récent pour Marianne de montrer que cette croyance dans l’imminence d’un péril d’extrême droite relevait d’un mirage anachronique mais aussi d’un leurre permettant à ceux qui s’accordent pour escamoter la souveraineté populaire de faire taire leur contempteurs.

La mondialisation heureuse défendue par les fonds de pension et la créolisation irénique prônée par Mélenchon s’accordent, au moins, sur la mise hors-jeu du droit des peuples à rester eux-mêmes. 

Cette soi-disant extrême gauche, qu’il s’agisse de LFI ou d’EELV, est favorable à l’immigration donc à la baisse des salaires. Elle défend, sans s’en rendre compte, une ligne très favorable au capital. Ils sont les idiots utiles du Medef. 

La lutte rituélique contre la soi-disant extrême droite menée par cette extrême gauche de pacotille permet aussi à d’autres forces d’avancer leurs pions. 

Notons, pour commencer, que le discours de Mélenchon à l’égard de l’islamismea changé du tout au tout. Le temps où il voyait le voile comme un instrument d’auto-discrimination paraît antédiluvien. Depuis le leader insoumis répète son catéchisme islamique et considère tous ceux qui critiquent le voile comme des islamophobes. 

La principale raison de cette inflexion est électoraliste. Mais d’autres considérations moins tactiques peuvent aussi contribuer à expliquer ce spectaculaire revirement. Mélenchon vient du trotskysme. En considérant sa propre trajectoire, le camarade Jean-Luc peut se dire : à 20 ans, nous étions révolutionnaires et rêvions de pendre les patrons. A 40, nous sommes devenus des notables favorables à la social-démocratie. N’oublions pas que Mélenchon a été un sénateur mitterrandien qui a voté Maastricht. Mélenchon peutainsi projeter sa propre histoire sur les militants vindicatifs des banlieues, indigénistes ou islamistes et se dire que jeunesse va bien finir par se passer. 

Peut-être même que le leader insoumis estime qu'il rend service à la République, en recyclant des luttes (telles que l’islamisme ou l’indigénisme) qui sans son « bruits et de fureurs » seraient bien plus séparatistes ou violentes. 

Jean-Luc Mélenchon pense ainsi manipuler un Taha Bouhafs ou une Assa Traoré, à la fois pour séduire un certain électorat mais aussi rallier ces militants ou ces causes (l’islamisme, l’indigénisme) au jeu politique au nom d’une lutte des classes sur jouée. Mais un cheval de Troie peut en cacher un autre. 

Ce n’est pas Mélenchon qui manipule les islamistes ou les indigénistes. Ce sont les islamistes et les indigénistes qui manipulent Mélenchon. Houria Bouteldja, des Indigènes de la République, qui parlait de lui comme d’un «butin de guerre » doit d'ailleurs se frotter les mains. 

Le leader insoumis s’est lancé dans une course à l’échalotte pour être plus wokiste et plus écolo que Sandrine Rousseau mais, ici encore, est pris celui qui croyait prendre. Mélenchon est bien plus vectorisé par les minorités bobos écolos qu'ils pensent lui-même vectoriser. On peut choisir d’appeler extrême gauche la lutte contre le progrès technique et économique menée par Sandrine Rousseau et ses amis. On peut toujours croire que les ultras réactionnaires islamistes ou indigénistes forment la pointe avancée du progressisme. Mais en prenant un peu de recul, on voit clairement qu’une gauche vintage est devenue le jouet de forces infiniment plus réactionnaire que le plus brutal des capitalismes. La gauche boomeur de Mélenchon est l’idiot utile de cette gauche melon d’eau : verte écolo à l’extérieur et vert islam à l’intérieur. 

LFI et la Nupes semblent avoir compris qu’ils n’arriveraient pas au pouvoir par les urnes et tentent désespérément de créer les conditions d’une insurrection (vaguement) légitime en agitant l’épouvantail d’une extrême-droite Frankenstein qui commence à la social-démocratie républicaine. Quels sont les dangers réels pour la démocratie derrière ces attaques ? Sommes-nous vraiment face à une insurrection qui vient ? Ce jeu trouble de l’extrême gauche et ces accusations ne masquent-elles pas une vraie menace ?

Sans doute faut-il considérer séparément l’aventurisme de LFI ou d’EELV qui n’ont pas hésité à se montrer compréhensifs avec les émeutiers et le cynisme du PS ou du PC qui, sans aller aussi loin, continuent à faire chauffer leur petite cuisine électorale sur le réchaud de la Nupes. 

Quoiqu’il en soit, un Mélenchon ou une Rousseau jouent avec des allumettes. Ces acteurs politiques pensent utiliser une violence qui est, par nature, spontanée et très difficilement contrôlable. 

Pierre Brochand, l’ancien patron de la DGSE, a raison : en termes de menaces à l’ordre public, les quelques jours d’émeutes de juillet dernier sont ce qui est arrivé de plus grave depuis la Libération. 

J'ajoute que si la France a connu d’innombrables soulèvements, ce sont les premières émeutes anti-françaises de son histoire. Les communards ou les vendéens étaient patriotes. Ajoutons que le calme n’est probablement revenu que parce que les dealeurs ont calmé les « jeunes ». En tous cas, pas parce que force est restée à la loi. 

Or, si Mélenchon et Rousseau ont presque soutenus les émeutiers alors qu'Emmanuel Macron préside, imagine-t-on ce qu’ils pourraient faire demain si Marine Le Pen est aux affaires ? Ils chercheront sûrement à rejouer la guerre d’Espagne sans comprendre qu’ils participeront à une horrible série B, une sorte de remake de la bataille d’Alger, de Mad Max et la Chute du Faucon Noir.

La violence qui vient risque d’être chaotique. Les groupuscules identitaires, les islamistes ou les écolos radicaux seront, bien sûr, tentés de récupérer le désordre à leur profit mais cette explosion n’aura ni chef, ni but. Ce n’est pas à une convergence des luttes (dans le sens d’une alliance contre l’ordre établi( à laquelle nous pourrions assister mais à une convergence des haines. La haine de ceux qui détruisent le climat, la haine des écolos radicaux, la haine des beaufs complotistes, la haine des gagnants de la mondialisation, la haine des mâles blancs de plus de cinquante ans, la haine des bobos wokistes, la haine des mécréants, la haine des musulmans, la haine des Français, la haine des étrangers, la haine des racailles, la haine des babtous, la haine des flics et la haine des gauchos. Bref, la haine de tous contre tous. 

L’ordre public pourrait alors s’effondrer. Aucun pays n’est d’ailleurs à l’abri d’un scénario de type « mérovingien ». Ce risque est lié à la combinaison de facteurs de désordres systémiques. Nous ne nous en rendons pas compte mais nous sommes au-dessus d’un volcan. 

Économiquement, un pays comme la France ne continue à fonctionner qu’au prix de déséquilibres croissants. D’un côté, une économie ouverte aux quatre vents de la mondialisation, avec quelques-uns qui en profitent à bloc et de l’autre des aides sociales massives qui maintiennent un tissu économique et social ravagé. L’emprunt et le déficit commercial ne cessent de s’aggraver comme le décalage entre la production et la consommation. Le système est structurellement instable. 

Ces déséquilibres se retrouvent au sein de chaque pays et entre les grandes zones économiques du monde. D’ailleurs, la parenthèse, ouverte en 1991, de la mondialisation américaine est en train de se refermer avec la guerre en Ukraine et son prolongement en mer de Chine. Ici encore, tout pourrait rapidement se détraquer, les chaînes logistiques, la sécurité des routes maritimes et l’équilibre qui en découle. Le réchauffement climatique est en soi un autre facteur de désordre, aggravé par la peur millénariste du Co2.

Bien sûr, les différences de pression démographique et de niveau de développement entre pays encore développés et sous-développés constituent un autre facteur majeur de déstabilisation. Les vagues migratoires sont rendues bien plus redoutables par le réveil de l'Islam au Sud du Vieux continent. 

Dans ce contexte de montée des périls, nous assistons à ce qui est peut-être le plus grave. L’arrivée aux manettes d’une génération qui ne sait plus diriger. Qui ne sait plus commander et qui ne veut plus commander car elle n’a plus de raison légitime pour le faire. On ne peut diriger qu’au nom d’un bien commun qui relie dirigeants et les dirigés et que grâce à un lien de confiance. Or, c’est désormais, le mépris, la défiance et le rien commun qui dominent. Les dirigeants sont de plus en plus mal élus. Macron et ses clones partisans de la mondialisation sont détestés mais les populistes sont honnis et c’est finalement l’abstention et la rage qui gagnent du terrain. 

D’ailleurs, les élus et les élites ne sont plus obéis. Les commandes ne répondent plus. Tout se détraque. La société devient de plus en plus ingouvernable. A cet égard, la poursuite de la construction européenne par nos dirigeants contribue à saper leur autorité. Pas seulement par l’effet du référendum de 2005 bafoué. L’absence de légitimité de l’UE explique aussi son absence de pouvoir. L’UE n’a ni les moyens matériels, ni les moyens juridiques, ni la force morale d’exercer aucun monopole de la force en lieu et place des Etats nations qu’elle désarme. L’importation, somme toute assez récente de ce concept anglo-saxon d’État de droit en France, est un autre levier très efficace pour désarmer l’État. En réalité, les forces de sécurité ont encore les moyens de France d’empêcher l’effondrement de l’ordre public si celui-ci devait se produire mais en recevront-elles l’ordre ?

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