Ces armes occidentales achetées et payées par l’Ukraine mais qui ne lui parviennent pas <!-- --> | Atlantico.fr
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Le nombre de chars, par exemple des Leopard, a fluctué en fonction des disponibilités, car les Allemands et les Espagnols avaient des chars en dépôt qui devaient être mis en service.
Le nombre de chars, par exemple des Leopard, a fluctué en fonction des disponibilités, car les Allemands et les Espagnols avaient des chars en dépôt qui devaient être mis en service.
©INA FASSBENDER / AFP

Situation confuse

Selon le New York Times, il semblerait en outre qu’une partie des armes données soit arrivée dans un état de délabrement avancé.

Viatcheslav  Avioutskii

Viatcheslav Avioutskii

Viatcheslav Avioutskii est spécialiste des relations internationales et de la stratégie des affaires internationales.

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Atlantico : Un récent papier du New York Times explique que certaines des armes envoyées à l'Ukraine par d'autres pays sont inutilisables et que des contrats de livraison d’armes payés d'avance ne sont pas encore livrés. Qu’en est-il et comment expliquer cette situation ?

Viatcheslav Avioutskii : En réalité, cette affaire de commerce révélée par le New York Times était déjà connue depuis l'année dernière. Mais de quoi s'agit-il exactement ? Il y a deux aspects très intéressants à considérer ici. Tout d'abord, il y a l'aspect lié à la guerre en cours en Ukraine, qui nécessite de nombreuses armes et une logistique sujette à des lacunes, il faut le reconnaître. D'un autre côté, il y a un autre aspect très important que le président Macron a abordé aujourd'hui. Il s'agit de la faiblesse de notre complexe militaro-industriel et de notre engagement dans l'OTAN. Ce que nous avons constaté, c'est qu'il y avait initialement un grand chaos qui a suivi le début de l’invasion russe en février 2022, avec de nombreuses armes et équipements en mauvais état. Cependant, il est important de noter que les armées de l'OTAN, à quelques exceptions près, disposent d'un nombre limité d'armes et d'équipements. Par exemple, l'Allemagne a réduit le nombre de militaires et mis de nombreux équipements en dépôt au fil des années, depuis la chute du mur de Berlin et la fin de l'URSS. Il était donc nécessaire de fournir rapidement des armes à l’Ukraine, mais il n'était pas possible de se déshabiller complètement ou de prendre les armes déjà utilisées car cela aurait pu mettre en péril la sécurité des pays-membres de l’OTAN. Cela signifiait qu'il fallait récupérer des armes des dépôts, ce qui a révélé que beaucoup d'entre elles étaient en mauvais état. Les Ukrainiens étaient conscients que la plupart de cet équipement était en mauvais état. En fin de compte, ils étaient satisfaits d'avoir ces armes, même si elles n'étaient pas en bon état. En outre, il est évident qu'en Ukraine, il y a un manque de chaînes logistiques et d'infrastructures de réparation d'armes, ce qui commence à devenir évident aujourd'hui. Il faut signaler que cette situation s’est améliorée depuis le début de la guerre.

Autre aspect, depuis l'année dernière on a pu observer plusieurs défauts en Allemagne et en Espagne lorsqu'il a été question de livrer des chars. Le nombre de chars, par exemple des Leopard, a fluctué en fonction des disponibilités, car les Allemands et les Espagnols avaient des chars en dépôt qui devaient être mis en service. Cela nécessitait une action rapide, car construire de nouveaux chars prend des mois, voire jusqu'à un an. En résumé, il est clair que le système logistique présente des lacunes.

Certains intermédiaires se sont retrouvés dans une situation délicate lorsqu'ils n'ont pas pu honorer leurs commandes. Au début, nous fournissions principalement des équipements d'origine soviétique provenant de dépôts en Allemagne ou dans certains pays de l'Est. Ensuite, nous avons progressivement basculé vers des équipements d'origine occidentale. Certaines armes, comme les obusiers de 155 millimètres, étaient essentielles pour stabiliser le front l'année dernière, notamment pendant l'été. Les militaires ukrainiens ont signalé que ces armes étaient assez délicates. Par exemple, elles devaient être ramenées en Pologne toutes les trois semaines environ pour des travaux de réparation et de maintenance. J'ai vu des interviews de conducteurs de chars et d'autres équipages qui expliquaient, par exemple, qu'il fallait maintenir l'intérieur propre et en bon état, car il ne fallait surtout pas laisser de boue à l'intérieur de ces engins. Cela rendait la production de combat très difficile. Si on ne respectait pas ces consignes, les équipements pouvaient dysfonctionner.

Cette affaire soulève surtout un problème dont le président Macron a parlé lors de son discours au Bourget. Il a souligné la nécessité de réactiver l'industrie de défense occidentale, notamment en Europe, afin d'augmenter les livraisons d'armes vers l'Ukraine et de renforcer la capacité de réponse face à d'autres adversaires, sans les nommer explicitement, mais clairement en référence à la Russie. Il est apparu que les armées de l'OTAN, incluant les forces européennes, ne disposent pas de stocks suffisants et que leurs équipements sont limités. En effet, si les armées européennes de l'Union européenne, membres de l'OTAN, venaient à perdre leur équipement, il serait difficile de le remplacer rapidement. Le président a également souligné la nécessité pour l'Europe d'être indépendante en termes de production d'armes et d'équipements militaires, car elle dépend actuellement au moins en partie de fournisseurs extérieurs. Bien qu'il n'ait pas abordé ouvertement cette question, il a fait allusion à la Suisse, qui n'étant pas membre de l'Union européenne ni de l'OTAN, interdit la livraison d'armes dans les pays en guerre. Cela a posé de nombreux problèmes, notamment lorsqu'il s'agit de certains composants suisses utilisés dans les chars européens. Macron a souligné la nécessité de relocaliser toute la chaîne de production en Europe afin d'éviter les problèmes logistiques, mécaniques et de nombre insuffisant de production.

Il faut également mentionner récemment la livraison de chars israéliens de type Merkava en Europe, soulignant que bien qu'Israël ait adopté une position de neutralité dans le conflit ukrainien, il a fait une exception en exportant ces chars vers l'Europe pour remplacer ceux d'origine occidentale qui ont été envoyés en Ukraine. La France et le Royaume-Uni sont les deux seuls pays qui n'ont pas considérablement réduit leurs capacités militaires, mais même la France, en examinant la situation de plus près, ne dispose pas d'une capacité suffisante pour maintenir la capacité de combat nécessaire tout en fournissant un soutien adéquat.

Est-ce plutôt une précipitation de l’Ukraine dans le choix de ses fournisseurs ou plutôt des entrepreneurs véreux qui tentent de bénéficier de la frénésie d'acquisition ?

Globalement, il semble évident que les armes n'ont pas été fournies en quantité suffisante, ce qui a entraîné des problèmes. D'après ce que j'ai compris, il y a eu des retards et des litiges lorsqu'il s'agit d'armes fournies par des intermédiaires privés plutôt que par des États considérés comme fiables, tels que l'Ukraine. Ces armes étaient souvent en mauvais état car elles avaient été mal entretenues. Je ne pense pas que l'Allemagne ait délibérément fourni des armes de mauvaise qualité. Ils ont fourni ce qui était disponible dans la mesure du possible. Cependant, cela soulève une question importante concernant nos limites et notre capacité réelle en termes de puissance militaire et de combat.

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