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Ce sévère décrochage des électeurs Modem à l’égard d’Emmanuel Macron qui pourrait marquer la fin de la porosité entre la droite et LREM
©LUDOVIC MARIN / AFP

Panique à tribord

Selon un sondage réalisé par Elabe publié ce 22 août, les électeurs Modem ne seraient que 24% à estimer que l'action du gouvernement serait favorable au pays, contre 64% des électeurs LREM.

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Atlantico : Selon un sondage réalisé par Elabe publié ce 22 août, les électeurs Modem ne seraient que 24% à estimer que l'action du gouvernement serait favorable au pays, contre 64% des électeurs LREM. A l'inverse ils sont 58% à considérer que l'action politique d'Emmanuel Macron dégrade la situation du pays contre 6% des électeurs en Marche. Ne peut-on pas estimer, qu'au contraire des cadres Modem, l'électorat Modem aurait "décroché" ? 

Edouard Husson : C’est en effet l’un des résultats les plus frappants du sondage. Et l’un des plus inquiétants à l’échéance du quinquennat pour le président de la République. Si l’on regarde son électorat de premier tour, il y a trois composantes: un contingent important de socio-démocrates, Verts et libéraux de gauche; des électeurs du MoDem et un nombre non négligeable de Républicains déçus par François Fillon. Le ralliement de François Bayrou a été extrêmement important pour Emmanuel Macron. Prenez un thème comme la rigueur budgétaire, qui était le cheval de bataille de François Fillon. C’est un thème important au MoDem. Imaginez que ce sujet ait poussé Bayrou à faire voter Fillon: on aurait pu avoir une autre configuration de deuxième tour, Macron-Fillon ou même Le Pen-Fillon. Or Bayrou, qui avait aussi l’option de se présenter, a joué la carte Macron. Et, le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il n’a pas été récompensé. Il est plus que probable que les électeurs du MoDeM ne pardonneront pas à Emmanuel Macron la démission, aussi peu de temps après la présidentielle, de François Bayrou et Sylvie Goulard. La désaffection des électeurs du MoDeM est donc un coup dur pour Emmanuel Macron. C’est leur détachement du Président qui explique largement que seuls 10% des électeurs de Macron au premier tour considèrent que l’action présidentielle améliore leur situation. Profitons-en pour remarquer le faible pourcentage de personnes qui considèrent que la présidence d’Emmanuel Macron améliore leur situation personnelle: seulement 6% des Français de toute étiquette politique. Et seulement 36% pour qui elle reste stable. 58% des Français, dont 71% des électeurs du MoDem considèrent que leur situation personnelle se dégrade sous la présidence de Macron. Les résultats des électeurs de LREM sont également instructifs: il y a un tellement fort décalage entre le pourcentage de ceux qui jugent que la situation du pays (64%) s’améliore et ceux qui sont optimistes pour leur situation personnelle (13%) qu’on ne peut qu’anticiper un tassement du soutien au Président dans son propre électorat. 

En quoi cette situation pourrait-elle être un signe concernant la droite modérée ? Faut-il comprendre ce décrochage comme le signe d'une fin de la porosité existante entre centrisme, droite modérée et macronisme ? Comment analyser cette situation au moment même ou la droite modérée pourrait faire liste commune avec Laurent Wauquiez ? 

Emmanuel Macron n’a pas assez regardé Barack Obama. A peine élu, en novembre 2008, l’ancien président américain demanda qu’on lui analyse tous les facteurs qui auraient pu lui faire perdre l’élection; l’objectif était de se mettre à travailler d’emblée sur des bases solides pour une campagne de réélection. La plupart des politiques oublient, dès qu’ils ont gagné, que la victoire est soeur de la défaite; que la Roche Tarpéienne est près du Capitole. Nicolas Sarkozy, en 2007, n’a pas pris le temps d’analyser un paradoxe: le candidat de la « rupture » avait été élu d’abord par les personnes âgées; cela aurait dû entraîner une stratégie conservatrice plutôt que le mélange de populisme et de clinquant auquel nous avons eu droit, en termes de communication en 2007-2008. De même, Emmanuel Macron aurait dû analyser en détail le fait que l’alchimie électorale de 2017 était sans doute un phénomène non reproductible. A partir de là, il fallait se demander quelle partie de l’électorat de premier tour était d’adhésion plus fragile et où se trouvaient les réservoirs de voix. Il est très peu probable que la disparition du clivage droite/gauche soit durable. Quel électorat, du centre-droit, du MoDem ou de la gauche réformiste est le plus susceptible de lâcher le président? Ce qui est certain, c’est qu’il faut garder au moins deux sur trois de ces composantes de l’électorat de premier tour. Cela donne à l’électorat du MoDem une position absolument stratégique d’une part; ensuite, il faut choisir entre une stratégie de centre-gauche ou de centre-droit. Vu la déroute annoncée du progressisme, il est sans doute judicieux de cultiver un noyau dur MoDem/LR, en faisant le pari que Wauquiez sera broyé entre les macroniens de droite et le Rassemblement National. Or cette possibilité semble être en train d’échapper à Emmanuel Macron sans que l’on voie, pour autant, s’esquisser une élément d’alternative solide MoDem + gauche réformiste. 

Quels pourraient être les effets d'une telle situation sur les cadres LREM issus des rangs de la droite ?  

Edouard Philippe, Gérard Darmanin, Bruno Le Maire étaient de vraies prises de guerre. Et le meilleur ministre du gouvernement d’Edouard Philippe, Jean-Michel Blanquer, vient aussi de la droite modérée. Mais on a le sentiment que ces atouts du Président vis-à-vis de l’électorat des Républicains sont sous-utilisés. En fait, depuis quinze mois, sarkozystes et juppéistes n’ont pas cessé de faire des avances au Président. Si l’on ajoute le fait que les cadres fillonistes ont tendance à vouloir garder leur ancrage à droite mais que les électeurs de François Fillon restent étonnamment bienveillants vis-à-vis d’Emmanuel Macron, si l’on en croit les chiffres donnés par Elabe (58% pensent que la situation du pays s’améliore ou reste stable; 47% ont un jugement similaire concernant leur situation personnelle), il est probable que le Président applique une stratégie de séduction très court-termiste, consistant à se laisser désirer par un courant politique dont il pense qu’il lui restera fidèle jusqu’à la présidentielle. Or rien n’est moins sûr. En fait, vu sa réussite insolente en 2016-2017, Emmanuel Macron sous-estime le fait qu’une élection présidentielle, sauf exception, se construit dans la durée. Les cadres LR ont finalement été très peu courtisés, depuis un an alors qu’il était possible de déstabiliser Wauquiez; et les ministres venus de LR n’ont pas été suffisamment mis en valeur, à commencer par le Premier ministre, qui reste aujourd’hui encore l’un des meilleurs atouts du Président. Tout ceci ne présage pas d’une capacité à rallier en 2022 plus largement qu’en 2017 l’électorat de la droite modérée et du centre-droit. Bien entendu les ministres venus de LR ont brûlé leurs vaisseaux et n’ont nulle part où aller; mais il y a tous les cadres macroniens potentiels frustrés qui eux sont encore à LR et qui  ont entre leurs mains le succès ou l’échec de LREM aux prochaines élections européennes. 

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