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Ce que veut vraiment dire le mot "socialiste"
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Stricto sensu

S'il est un sujet sur lequel Manuel Valls est resté particulièrement constant depuis 2007, c'est celui du changement de nom du Parti socialiste. Dans son interview à l'Obs, qui lui aussi a changé de nom, il a réaffirmé cette volonté. A nouvelle réalité, nouveaux mots.

Jean Garrigues

Jean Garrigues

Jean Garrigues est historien, spécialiste d'histoire politique.

Il est professeur d'histoire contemporaine à l' Université d'Orléans et à Sciences Po Paris.

Il est l'auteur de plusieurs ouvrages comme Histoire du Parlement de 1789 à nos jours (Armand Colin, 2007), La France de la Ve République 1958-2008  (Armand Colin, 2008) et Les hommes providentiels : histoire d’une fascination française (Seuil, 2012). Son dernier livre, Le monde selon Clemenceau est paru en 2014 aux éditions Tallandier. 

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Atlantico : Dans son interview à l'Obs, Manuel Valls a proposé de changer le nom du parti socialiste, ce qui a suscité de vives réactions. Qu'est-ce que le socialisme?

Jean Garrigues : Ce n'est pas simplement une question de définition mais une question d'histoire et de pratiques qui se sont multipliées en France et dans le monde depuis le début du 19e siècle. Ceux qui ont créé le Parti socialiste en 1969 à Issy-les-Moulineaux l'ont inscrit dans une tradition de redistribution des richesses qui passe par le rôle de l'Etat. L'objectif étant de rendre les chances de chacun dans la société plus égales.

Originellement, l'objectif du socialisme est révolutionnaire, il est de rompre avec l'économie de marché. Mais depuis le Congrès d'Epinay en 1971, l'économie de marché est implicitement acceptée. Aussi, et toujours de manière très implicite, la pratique des socialistes, notamment au pouvoir depuis les années 1980, est une pratique plus social-démocrate. Elle a en effet consisté à gérer l'économie de marché dans un sens plus protecteur que la droite libérale mais dans un cadre qui n'est finalement pas si éloigné de la pratique des libéraux.

Quelle a été l'évolution des courants de pensées qui traversent le socialisme ? Quelles ont été les grandes ruptures au sein du socialisme ?

Epinay ne marque pas véritablement une rupture socialiste au sens de la doctrine. C'est une rupture stratégique initiée par François Mitterrand et dont l'objectif est d'acclimater le parti socialiste aux institutions de la Ve république. Pour en faire un parti qui pourra gérer les affaires de manières décomplexée. Epinay représente surtout une évolution vis-à-vis du PC et du rapport au pouvoir. Il s'agit de faire du PS un parti d'exercice du pourvoir. Ce qui peut poser un problème du point de la vue de la doctrine.

C'est le grand paradoxe du socialiste, notamment lors du tournant de la rigueur dans les années 1980. Le parti s'inscrit dans la pratique d'une gestion du libéralisme alors que la doctrine reste révolutionnaire. La fortune, l'argent, le capitalisme sont des mots tabous pour le socialisme alors même qu'ils négocient avec les contraintes de l'économie libérale. Finalement les socialistes n'ont jamais mis en accord leur doctrine avec leur pratique politique. Et de manière paradoxale, celui à qui on reproche un manque de courage politique, à savoir François Hollande, en mettant en œuvre le pacte de responsabilité avec Manuel Valls aux commandes, met en convergence la pratique politique et l'affirmation d'une doctrine de gestion plus ou moins libérale de l'économie de marché.

Dans ce cas, peut-on encore parler de socialisme ?

Si l'on se réfère à l'histoire de la famille socialiste depuis le début de 19e siècle jusque dans les années 1980, intellectuellement, il serait faux de parler de socialisme. Le parti qui se dit socialiste n'est plus un parti socialiste, si ce n'est qu'il se revendique de cette tradition et de ses grandes figures socialistes, comme Jean Jaurès, Léon Blum, etc. Mais ce parti n'est plus véritablement un parti socialiste. La proposition de Manuel Valls de changer le nom du parti n'est en rien absurde, elle acte simplement une réalité politique qui n'est pas neuve.

Propos recueillis par Carole Dieterich

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