Ce que notre obsession pour la disparition du vol 370 dit des difficultés de notre cerveau à accepter les mystères non résolus<!-- --> | Atlantico.fr
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Une semaine après la disparition de l'avion de Malaysia Airlines, le mystère n'est pas encore résolu.
Une semaine après la disparition de l'avion de Malaysia Airlines, le mystère n'est pas encore résolu.
©Reuters

L'angoisse

Une situation qui reste inexpliquée génère a priori plus de peurs et d'obsessions qu'une nouvelle terrible – même plus grave – mais clairement établie et sans zone d'ombre. A croire que le cerveau humain déteste plus l'inconnu que le tragique.

Alain Sautereau  Sautereaud

Alain Sautereau Sautereaud

Alain Sauteraud est psychiatre, spécialiste du  deuil et du trouble obsessionnel-compulsif. Il a écrit Comprendre et soigner les troubles obsessionnels compulsifs et Vivre après ta mort, psychologie du deuil, aux éditions Odile Jacob.  Il participe au site aftcc.org

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Atlantico : Une semaine après la disparition de l'avion de Malaysia Airlines, le mystère n'est pas encore résolu. Résultat : on parle beaucoup plus dans les médias de ce cas que d'autres crash qui seraient tout autant meurtriers. Quels sont les mécanismes cérébraux ou psychologiques qui rendent le mystère irrésolu si obsédant ?

Alain Sauteraud : Je ne peux pas vous répondre sur les mécanismes cérébraux mais sur les mécanismes psychologiques. L’homme ne supporte rien moins que l’aléatoire, l’imprévisible et le mystère (en ce qui concerne les mauvaises nouvelles) On est beaucoup moins exigeant sur les bonnes nouvelles ("pourquoi ai-je réussi ce concours alors qu’il y avait si peu de places ?"). Un accident sans explication est beaucoup plus inquiétant qu’un accident dont la cause connue parce que par définition on ne peut pas corriger l’erreur.

Existe-t-il des profils psychologiques plus sensibles que d'autres à l'angoisse ou à la confusion face aux questions restant sans réponses ? Sommes-nous tous égaux devant l'inexpliqué ?

Tout à fait, nous sommes très inégaux face à l’incertitude. Deux fonctions psychologiques gèrent l’incertitude : l’obsessionnalité qui concerne les dangers que l’on peut provoquer (ex. "commettre une erreur") et le souci (ex. "et si cet avion qui a l’air en bon état de marche était en fait dangereux ?"). Ces deux fonctions entraînent des comportements de vérification pour l’obsessionnalité et d’hyperéveil à l’affut des dangers potentiels pour le souci

Les évolutions technologiques qui permettent de localiser de plus en plus en temps réel un objet ou une personne nous rendent-elles encore plus angoissés quand justement elles ne parviennent pas à résoudre un mystère ? Devenons-nous intolérants qu'avant face à ce que l'on ne comprend pas ?

Non, elles repoussent seulement les limites du mystère, les fonctions psychologiques restent les mêmes. En effet, si les évolutions technologiques devaient avoir un impact, alors on pourrait penser que l'homo sapiens deviendrait de plus en plus anxieux, ou que le niveau d'anxiété changerait selon l'endroit où l'on vit. Or ce n'est pas vrai. Dans tous les pays, les niveaux d'anxiété sont similaires quel que soit le niveau de vie (sauf, très ponctuellement, en cas de déclenchement d'une crise grave).

Quel est selon vous la part de la responsabilité des médias dans la perception des événements inexpliqués ? Les médias en parlent-ils car cela nous angoisse, ou cela nous angoisse-t-il du fait du traitement médiatique ?

C’est en réalité un cercle vicieux. Les médias en parlent parce que cela intéresse les gens (l’inexpliqué et le mystère) et l’effet de zoom des medias fait croire en une fréquence élevée de ces phénomènes inexpliqués alors qu’ils sont rarissimes. Les médias focalisent certes sur le sujet, mais il n'est pas choisi au hasard. Il existe, et ce ne sont pas les médias qui ont provoqué ce qui est arrivé à cet avion.

Les médias ont un effet "dépressogène" sur les individus en focalisant sur les mauvaises nouvelles ; des études ont montré qu'une personne écoutant quatre heures par jour les actualités sera plus déprimé qu'une personne ne les écoutant que très brièvement. Mais les médias n'ont pas le pouvoir de créer le sentiment d'anxiété face aux événements inexpliqués.

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