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Un tiers des Français se dit excité à l'idée "d'observer des gens en plein ébat sexuel".
Un tiers des Français se dit excité à l'idée "d'observer des gens en plein ébat sexuel".
©Reuters

Débauchés

Le dernier sondage "Sexe 2.0" de l'Ifop sur les fantasmes des Français a rendu des conclusions étonnantes : les Français seraient de plus en plus exhibitionnistes et voyeurs.

Jean-Roger Dintrans et François Kraus

Jean-Roger Dintrans et François Kraus

Jean-Roger Dintrans est psychiatre et sexologue, chargé de cours à Paris V et à Paris VII.

François Kraus est directeur d'études du département Opinion et Stratégies d'Entreprise à l'Ifop.

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Permettant de satisfaire sa libido ou d’entretenir les liens affectifs au sein du couple, les expériences sexuelles virtuelles viennent peu à peu enrichir le répertoire sexuel des Français. Certes, ces jeux sexuels virtuels restent des formes minoritaires de la sexualité. Mais le désir des gens, et notamment des jeunes, d'expérimenter des choses nouvelles, susceptibles de rompre avec la relative banalité de leur vie sexuelle, en font une source de créativité et de diversification de la sexualité. Ainsi, ces outils technologiques participent, au même titre que les sextoys ou d’autres pratiques sexuelles dites « rares » ou « transgressives », au développement d’une vie érotique plus variée. Plus largement, on note que l’intégration de ces nouvelles technologies dans la sexualité tend à inverser le mouvement de dissimulation de l’activité sexuelle et d’intériorisation des pulsions induit par le processus historique de civilisation. Car en garantissant aux gens un total anonymat tout en leur permettant d’élargir leurs choix de partenaires potentiels, Internet constitue un terrain idéal pour accomplir des fantasmes voyeuristes ou exhibitionnistes que l’on ne pouvait pas assouvir dans la vie réelle. L’engouement pour des sites spécialisés comme les sites de sexcam tient donc au fait qu’ils permettent aux adeptes de ce genre de pratiques d’assouvir des pulsions difficiles à réaliser dans la « réalité ».

Près d’un Français sur trois (31%) admet être excité à l’idée d’observer des gens en train de se livrer à des jeux ou à des ébats sexuels et près d’un sur cinq (19%) voit son désir attisé par l’idée de se faire surprendre en train de faire l’amour. Le potentiel d'excitation de ce genre de situations est donc loin d’être négligeable même si, dans la vie réelle, rares sont ceux qui assouvissent ce type de fantasmes.

Si plus d’un Français sur deux (54%) a déjà surpris des gens en train de se livrer à des jeux ou à des ébats sexuels en plein air ou dans des lieux publics, seule une proportion marginale (3%) admet en avoir épié de manière délibérée. De même, si plus des trois quarts des Français (76%) se sont déjà livrés à des ébats sexuels en plein air ou dans des lieux publics et un peu plus d’un sur dix (13%) se sont déjà fait surprendre à cette occasion, rares sont ceux qui se sont faits surprendre volontairement (à peine 1,5%).

Consistant à échanger par voie électronique des messages, photos ou vidéos à caractère sexuel, le « sexting » est ainsi une pratique particulièrement répandue chez les jeunes de moins de 25 ans : plus du tiers (35%) a déjà reçu des photos ou des vidéos d'autrui nu ou dénudé et un quart d’entre eux (25%) a déjà envoyé des photos ou des vidéos d’eux nus ou dénudés, sachant qu’ils sont aussi nombreux à avoir sollicité (26%) ou avoir été sollicités (26%) pour envoyer des photos ou des vidéos intimes.

Vidéo X amateur destinée à un usage privé, la sextape est une pratique plus limitée si l’on en juge la proportion de jeunes ayant déjà cherché à mettre un peu de piment dans leur vie de couple en filmant leurs ébats avec leur partenaire (11%). Elle n’en reste pas moins un fantasme appartenant au domaine du réalisable pour quatre jeunes sur dix (40%).

La disposition des Français à faire l’amour virtuellement via une webcam est de plus en plus forte – 22% des Français pourraient se livrer à une telle expérience, contre 17% en 2009 – mais elle reste, dans les faits, une pratique encore limitée dans l’ensemble de la population (8% contre 6% en 2009). En revanche, elle se développe fortement chez les jeunes : la proportion de jeunes de moins de 25 ans s’y étant déjà adonnés a doublé en 4 ans, passant de 9% en 2009 à 16% en 2013. Au total, plus d’un jeune sur trois (35%) s’est donc déjà livré ou déclare qu’il pourrait se livrer un jour à ce type d’expérience.

On observe d’ailleurs le même niveau de pratique pour les jeux réalisés via une messagerie instantanée : 17% des jeunes se sont déjà livrés à des jeux sexuels sur un outil de type Skype ou MSN et près du double (36%) pourraient le faire. Le téléphone est quant à lui un outil un peu moins prisé pour ce type de jeux, que ce soit vocalement (13%) ou via la webcam d’un téléphone portable (3%).

L’observation de spectacles érotiques en direct (« live show sexuel ») est aussi une pratique de plus en plus répandue si l’on en juge la proportion de jeunes ayant déjà visionné le show sexuel d’une personne devant sa webcam, que ce soit comme simple spectateur (22%) ou en tchatant avec elle (18%). Dans le détail, on remarque que les adeptes de ce genre de shows sont, sans surprise, beaucoup plus nombreux dans la gent masculine (29% des hommes de moins de 25 ans) que féminine (11%) tout en étant surreprésentés dans les catégories populaires (16%) et chez les gays et bisexuels (53%). 

La proportion de jeunes ayant eux-mêmes déjà réalisé un live show sexuel devant leur webcam est en revanche plus faible (10% en moyenne), confirmant l’idée selon laquelle y compris sur le web, les pratiques exhibitionnistes comptent toujours moins d’adeptes que les pratiques voyeuristes.

Jean-Roger Dintrans, psychiatre sociologue, analyse les résultats de ce sondage.

Atlantico.fr : Y a-t-il une évolution des fantasmes des Français ? A-t-on réellement des fantasmes différents que les générations précédentes ?

Jean Roger Dintrans : Les fantasmes cités ne sont pas différents de ceux de la génération précédente : voir et/ou être vu était théorisé comme "pulsion scopique" et conçu par Freud comme propre à tout humain en tant que reste de la curiosité infantile. Faire l'amour dans un lieu inhabituel, et en particulier naturel (dans la mer, dans une forêt, dans la nature de façon plus générale) revient entre autres à souhaiter bouleverser les habitudes et redonner de l'intensité à la vie érotique. C'est là aussi un fantasme fort classique et en particulier très féminin. 

Le sondage révèle une grande tendance à l'amour dans les lieux publics : 3 Français sur 4 ont déjà fait l'amour en plein air. Comment peut-on interpréter cette tendance à l’exhibitionnisme sexuel ? Que révèle-t-il  ?

Jean Roger Dintrans : Tout en rappelant  que les fantasmes ne sont pas structurellement faits pour être agis/réalisés mais qu'en réaliser certains, surtout si c'est de façon imprévue, peut apporter parfois beaucoup de plaisir, il est loin d'être certain que ces réalisations soient plus agies de nos jours qu'autrefois. C'est sans doute la capacité à le dire, le déclarer qui a changé grâce à la plus grande - désormais trop grande aux dépens de la qualité de l'intime ? -  liberté de parole acquise récemment. L'opposition  autrefois observée entre l'intérêt et l'ouverture à la sexualité exprimés par les jeunes générations et le désintérêt, la rigidité morale, la réserve des générations plus anciennes tend à s'estomper (voire à s'inverser en milieu de vie !).

Le sondage révèle également une tendance des Français au sexe virtuel, une grande partie ayant déjà envoyé des clichés dénudés via smartphone, et 1 sur 10 a déjà réalisé sa propre sextape. Comment expliquer cet engouement des Français pour le sexe virtuel ? 

Jean Roger Dintrans : L'engouement des contemporains pour le sexe virtuel n'est sans doute que l'expression, dans le domaine de la sexualité,  de la tendance de l'humain... à utiliser des outils nouveaux ! 

Note méthodologique : Le "sexe 2.0" est une enquête sur le sexe virtuel via les webcams et les nouvelles technologies réalisée par  l'Ifop pour le site CAM 4. Elle a été réalisée par internet du 27 février au 1er mars 2013 auprès d’un échantillon de 1 113 personnes âgées de 18 à 69 ans, extrait d’un échantillon national représentatif de 1 200 personnes âgées de 18 ans et plus. La représentativité de l’échantillon a été assurée par la méthode des quotas (sexe, âge, profession de la personne interrogée) après stratification par région et catégorie d’agglomération. Précision sur la méthode d'administration utilisée : En raison du caractère intime du sujet abordé, l’Ifop a fait le choix d’une méthode auto-administrée par ordinateur. Celle-ci permet de lever le biais qu’implique la présence d’un enquêteur et de libérer la parole des personnes qui n’auraient pas souhaité aborder certains sujets devant un enquêteur ou en présence d’une personne du ménage si l’entretien se déroulait devant un tiers.

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