Au-delà des vaudevilles bourgeois et politiques, ce que la science sait aujourd’hui de l’inclinaison pour l’adultère<!-- --> | Atlantico.fr
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Même si on ne peut en l'occurrence pas parler d'adultère, l'affaire Hollande-Gayet, que la relation soit avérée ou pas, met la tromperie sur le devant de la scène
Même si on ne peut en l'occurrence pas parler d'adultère, l'affaire Hollande-Gayet, que la relation soit avérée ou pas, met la tromperie sur le devant de la scène
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La preuve par 69

Les suppositions autour d'une relation amoureuse entre le président de la République et la comédienne Julie Gayet mettent en lumière l'éventualité d'une femme trompée au palais de l’Élysée. Bilan de ce que la science trouve comme origine à ce comportement aussi vieux que l'amour lui-même.

Michelle  Boiron

Michelle Boiron

Michelle Boiron est psychologue clinicienne, thérapeute de couples , sexologue diplomée du DU Sexologie de l’hôpital Necker à Paris, et membre de l’AIUS (Association interuniversitaire de sexologie). Elle est l'auteur de différents articles notamment sur le vaginisme, le rapport entre gourmandise et  sexualité, le XXIème sexe, l’addiction sexuelle, la fragilité masculine, etc. Michelle Boiron est aussi rédactrice invitée du magazine Sexualités Humaines

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Atlantico : Même si on ne peut en l'occurrence pas parler d'adultère, l'affaire Hollande-Gayet, que la relation soit avérée ou pas, met la tromperie sur le devant de la scène. Au-delà du vaudeville, peut-on expliquer l'acte d'adultère scientifiquement ? La tromperie résulte-t-elle d'un processus interne identifié ?

Michelle Boiron : Je voudrais tout d’abord dire que l’adultère signifie le fait d’avoir un rapport sexuel avec une autre personne que son conjoint. L’adultère ne se conçoit que dans le cadre du mariage. Or, ce qui était un acte grave, voire pénalement répréhensible,  n’est plus considéré aujourd’hui comme une cause légitime de divorce. Ce terme a donc beaucoup perdu en pertinence. C’est pourquoi il est préférable de parler d’infidélité. L’infidélité est un acte posé librement ; il s’agit toujours de déloyauté, d’inconstance, voire de trahison, qui procèdent d’un comportement et, à ce titre, on ne peut pas dire qu’il existe une explication scientifique à l’infidélité. En revanche, c’est bien le cerveau qui est à l’origine de nos émotions et qui est « le premier organe sexuel ». On a pu ainsi mettre en évidence le rôle joué par certaines hormones, les phéromones notamment, dans l’attirance sexuelle. Mais je voudrais insister sur un point qui me paraît essentiel, c’est la relation entre le stress et le désir sexuel. Des études en sociobiologie ont montré que le stress conduit à renforcer les relations entre les personnes et que l’acte sexuel apparaît comme un moyen efficace pour faire face à ces situations de stress. Il n’est dès lors pas étonnant que l’on trouve dans la catégorie des hommes politiques, catégorie soumise à des situations de stress intenses et répétés, des sujets qui ressentent le besoin d’avoir une activité sexuelle importante. Pour revenir aux hormones, il a été démontré que l’ocytocine, hormone essentielle dans le processus amoureux, « réduit l’expression biologique du stress » (Hervé Allain). Ainsi l’amour et le stress sont-ils intimement liés.

Il reste que tout n’est pas explicable scientifiquement et qu’il est difficile de réduire la sexualité à des données neurochimiques qu’on a réussi à identifier. 

La contraception a-t-elle considérablement changé la donne, libérant ainsi une inclinaison pour l'adultère qui aurait jusqu'ici été plutôt "endormie" ? Depuis l'introduction du préservatif et de la pilule, le phénomène adultérin a-t-il explosé ?

Les moyens contraceptifs ont certes permis de gérer les risques de l’adultère ou de l’infidélité, mais de là à dire qu’ils ont fait exploser le phénomène adultérin, je ne pense pas.

La réponse à cette question est plutôt à trouver dans l’apparition et le développement d’une nouvelle morale sexuelle. Il faut partir du couple : on est passé de la notion de devoir conjugal à une recherche de plaisir sexuel, pour la femme notamment. Celle-ci n’admet plus d’être traitée de « peine à jouir » ; elle ne veut plus faire semblant et accepter de ne pas avoir de plaisir. Elle revendique le plaisir partagé, veut être partie prenante, n’accepte plus les stigmates de la passivité. Si on peut considérer qu’un « tiers » a toujours joué un rôle dans la sexualité du couple, sous forme de recours à la pornographie, à des fantasmes ou des scénarios, la question du tiers dans la relation se pose désormais autrement. Celui qui dans le couple n’aura pas été comblé n’hésitera plus à trouver dans le tiers réel, dans un autre partenaire, celui qui lui donnera le plaisir qu’il revendique. C’est peut être cela la vraie nouveauté.

Un autre facteur responsable de « l’explosion de l’adultère », c’est l’infidélité valorisée par la société. La publicité  incite à consommer  dans le domaine sexuel ; de nombreux sites internet  prônent et encouragent l’adultère, en valorisant les rencontres d’hommes et de femmes mariés. Ces publicités couvrent actuellement nos panneaux publicitaires parisiens.

Certaines personnes ont-elles naturellement une plus grande propension pour l'adultère que d'autres ? Pourquoi ?

Je pense qu’on peut repérer certaines personnalités qui ont une plus grande propension à l’infidélité. Même si cette liste n’est pas exhaustive, on peut citer : les insatisfaits de nature ; les personnalités narcissiques qui n’ont pas un moi fort et sont obligées en permanence d’aller tester leur valeur et leur pouvoir de séduction ; ceux qui ont un vide existentiel, un manque à combler ; les jouisseurs, à la recherche perpétuelle du plaisir ; ceux qui sont en permanence à la recherche de nouveautés, de sensations ; ceux qui ont besoin en permanence du regard de l’autre pour se rassurer ; sans oublier les personnes qui ont des stress importants à gérer : hommes politiques, vedette, présidents de sociétés etc.

Comme je l’ai dit plus haut, la sociobiologie a prouvé  que le désir, l’amour et l’acte sexuel sont des moyens pour apaiser le stress et l’anxiété : c’est une bonne indication ! Un bon médicament !

Sur le plan psychologique, l'idée de transgresser une règle morale peut-elle être un facteur incitatif ? La recherche d'un "plaisir coupable" peut-elle expliquer, au moins en partie, pour certaines personnes la démarche adultérine ?

L’être humain est un être de manque et de désir. De ce manque et de ce désir procède la tentation qui conduit  parfois à l’infidélité. La sexualité se nourrit avant tout de transgression, d’interdit, de culpabilité. C’est ce qui crée l’excitation. Certains êtres sont en effet davantage enclins à la transgression que d’autres. Il leur faut franchir la limite, pour pouvoir parvenir à la jouissance. Il faut observer que la culpabilité accompagne les premières manifestations de la sexualité. L’enfant qui se masturbe se sent évidemment coupable; mais, en même temps, cette culpabilité va inconsciemment étayer sa jouissance. De même, il existe une culpabilité originaire qui est celle de l’enfant, liée à ses désirs incestueux vis-à-vis du parent du sexe opposé au sien. Il craint les représailles de l’autre parent, son rival, et se sent coupable de ce qu’il ressent. On pourrait alors dire que lorsque ce problème d’Oedipe n’est pas réglé, se rejouera dans l’adultère, la recherche d’un partenaire interdit, la recherche d’un plaisir coupable car transgressif.

Hommes et femmes envisagent-ils l'adultère de la même manière, tant sur le plan psychique que physique ? Pourquoi ?

Même si l’adultère existe chez l’homme comme chez la femme, la différence essentielle était, au XIXème siècle, qu’il était quasiment encouragé chez l’homme et condamné chez la femme. Aujourd’hui, les différences tendent à s’estomper. Toutefois, la femme continuera souvent à avoir un rôle passif, ne prenant pas l’initiative de rechercher un partenaire en dehors de son couple, mais acceptant l’offre d’infidélité qui lui sera faite. De plus, l’homme aura tendance à  dissocier sexualité et sentiment alors que la femme aura une notion plus globale de l’amour. Selon Maurice Maschino, « les hommes sont prêts à tout pour faire l’amour, y compris aimer. Les femmes sont prêtes à tout pour aimer, y compris faire l’amour ». Statistiquement, 10% des femmes seraient infidèles contre 25% des hommes.

Enfin, même si les moyens de contraception permettent des rapports sans risque de maternité,  inconsciemment, certaines femmes assimileront rapport sexuel avec un tiers et incertitude de la paternité, intolérable pour le mari. Le danger de l’infidélité est toujours lié au risque de la paternité ; c’est une des raisons principales qui ont contraint la femme à rester fidèle

Une récente étude belge (voir ici) portant sur l'ADN d'environ 1 500 hommes ayant vécu entre aujourd'hui et les années 1800 montre que le nombre d'enfants dont le père officiel n'était en réalité pas le père biologique est particulièrement faible. Comment l'expliquer ? Par le passé était-on plus fidèle, ou davantage à l'écoute des cycles de la femme pour éviter tout "accident" ?

Le doute sur la paternité a toujours existé et ce n’est hélas pas les nouveaux moyens de contraception qui ont beaucoup changé la donne.

Les accidents ont toujours existé notamment avec la méthode Ogino, dites des températures. Cette méthode n’était pas totalement fiable et surtout inappropriée pour les femmes adultères car trop aléatoire.

Aujourd’hui, les méthodes de contraception sont totalement efficaces mais pas toujours parfaitement respectées. Je pense que c’est lié plus généralement aux conduites à risques que prennent les infidèles dans tous les domaines : du risque de grossesse  mais aussi sur les risques de maladies sexuellement transmissibles, ce qui est encore plus grave.

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