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Ce que la conversion tardive des Français aux politiques de l'offre aura coûté au pays
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La France a un incroyable retard

Selon une enquête OpinionWay pour le Figaro et LCI, 63% des Français estiment que notre pays devrait s'inspirer du modèle allemand - basé sur l'offre plutôt que sur la demande - pour redresser son économie.

Olivier Babeau

Olivier Babeau

Olivier Babeau est essayiste et professeur à l’université de Bordeaux. Il s'intéresse aux dynamiques concurrentielles liées au numérique. Parmi ses publications:   Le management expliqué par l'art (2013, Ellipses), et La nouvelle ferme des animaux (éd. Les Belles Lettres, 2016), L'horreur politique (éd. Les Belles Lettres, 2017) et Eloge de l'hypocrisie d'Olivier Babeau (éd. du Cerf).

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L’économie n’est pas une science, mais une science sociale. C’est-à-dire que des théories contradictoires peuvent cohabiter au lieu de se succéder par une procédure scientifique de falsification. C’est particulièrement le cas des théories concernant les sources de la croissance et les façons de la stimuler. Il existe deux grandes écoles de pensée économique concernant la façon de susciter la croissance : encourager la demande - soutenir la consommation - ou encourager l'offre - soutenir la production. Selon les tenants de la politique de l’offre, l’argent injecté dans l’économie permet de stimuler l’activité économique grâce à un effet multiplicateur. Peu importe dans ces conditions, que l’argent finance au départ du travail inutile : payer des gens pour creuser des trous puis les reboucher aura tout de même un impact économique positif. Peu importe aussi que la relance soit financée par le déficit budgétaire et l’endettement.

Beaucoup de discours de médias ou d’homme politiques font aujourd’hui encore référence à cette « relance » qu’il reviendrait à l’Etat de susciter par ses dépenses, la « rigueur » (traduisons : la réduction du déficit) étant symétriquement vue comme un étouffoir de la croissance. Le problème, c’est que cette politique dite keynésienne (il n’est pas certain que Keynes l’approuverait aujourd’hui) ne relance plus rien depuis longtemps. Justifiant les déficits répétés, elle a entraîné un creusement dramatique de l’endettement public rendant nécessaire l’accroissement de la fiscalité que nous vivons, et cela sans que la croissance ne revienne.

A l’opposé du spectre théorique, les tenants de l’économie de l’offre soutiennent que la croissance économique à long terme ne peut être suscitée que par l’encouragement de l’offre, c’est-à-dire de la production des entreprises. Cette école est née dans les années 70 mais prend sa source dans la loi des débouchés exprimée par Say : l’offre crée sa propre demande. Dans cette optique, lever les freins à l’initiative privée, à la compétitivité et plus généralement au dynamisme des entreprises est impératif si l’on veut retrouver la croissance.

Alors que la politique keynésienne atteint une impasse (il est désormais impossible d’accroître encore les déficits, le maintien des niveaux actuels nécessitant même toujours plus de prélèvements), le vent semble enfin tourner en France en faveur des politiques de l’offre. Les Français ne croient plus que les dépenses publiques soient l'incontournable vecteur de la croissance. Ils se rendent compte qu’en accroissant le taux de prélèvement, en renchérissant sans cesse le coût du travail, elle obère la compétitivité, fait fuir les cerveaux et les fortunes, tue le dynamisme économique.

Dans un texte intitulé « Le grand retour (forcé) des politiques de l’offre » publié dans La Tribune du 29 décembre 2011, je concluais en disant : « la seule question à présent n'est pas si mais à quel moment les politiques auront le courage d'assumer ouvertement ce choix inéluctable ». Deux ans plus tard, les esprits semblent certes plus mûrs, le CICE du gouvernement, aussi imparfait soit-il, ayant été le symbole fort d’une prise de conscience de nos dirigeants. Est-ce trop tard ? Il n’est jamais trop tard pour bien faire, mais c’est en tout cas bien tard. La charge de la dette et le déséquilibre budgétaire primaire sont tels que le passage à une réelle politique de l’offre, qui implique une baisse des prélèvements, n’est possible qu’au prix de coupes radicales dans les dépenses. Or la remise en cause du périmètre d’action de l’Etat et de ses moyens est encore aujourd’hui le point aveugle des politiques publiques. Si néanmoins l’opinion devient réellement favorable aux politiques de l’offre, on peut imaginer qu’un futur gouvernement aura le courage d’entreprendre la grande remise à plat des missions de l’Etat qu’exige l’objectif de la baisse des dépenses.

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