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Ce qu’Emmanuel Macron peut espérer de l’Espagne et du Portugal pour rééquilibrer les rapports de force au sein de l’Union européenne
©EMMANUEL DUNAND / AFP

Mission impossible

Jeudi et vendredi, Emmanuel Macron sera en visite en Espagne et au Portugal. Deux rencontres qui seront placées sous le signe de l'Union Européenne et de sa relance.

Bruno Alomar

Bruno Alomar

Bruno Alomar, économiste, auteur de La Réforme ou l’insignifiance : 10 ans pour sauver l’Union européenne (Ed.Ecole de Guerre – 2018).

 
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Atlantico : Alors que l'Union Européenne apparaît en manque de leadership, et que le Européenne franco-allemand ne semble plus soudé, quels rôles peuvent jouer l'Espagne et le Portugal dans la relance de l'Union Européenne ?

Bruno Alomar : Le couple franco-allemand est en effet très profondément divisé. Sur des sujets comme la Grèce (que l'Allemagne et 14 Etats voulaient sortir de l'euro, contre la France et deux Etats qui y ont mis leur veto), comme l'énergie ou les migrants, France et Allemagne ne sont pas d'accord. Plus fondamentalement, ils ne sont plus d'accord sur grand-chose dans la construction européenne, si ce n'est son principe. C'est maigre.
Le Portugal et l'Espagne sont deux pays très attachés à la construction européenne. Leur entrée dans l'Union en 1986 a correspondu à une ère de modernisation comme ces pays, très en retard par rapport au reste de l'Europe occidentale, n'en avaient pas connue depuis longtemps.
Ce sont aussi des pays qui se sont efforcés de "rester" dans le jeu européen au cours des années récentes. Rester dans le jeu en mettant en oeuvre - beaucoup plus que la France - leur énergie à essayer de satisfaire aux exigences budgétaires et financières du Pacte de stabilité et de croissance.
Donc, ce sont des pays qui sont favorables à la construction communautaire. Ils restent cependant un pays "moyen" et un "petit" pays.

Pedro Sanchez, qui a récemment accédé à la présidence espagnole, souhaite resserrer les liens entre son pays et l'Union Européenne. Le Portugal a exprimé cette même volonté. Ensemble, France, Portugal et Espagne peuvent-il réellement redonner du souffle à l'Europe et ré-équilibrer les rapports de force ? 

C'est la position traditionnelle de la gauche modérée espagnole, et en ce sens, c'est tout à fait logique. Idem pour le Portugal.
Resserrer les liens, ce sont des beaux mots. Quelles réalités concrètes mettre derrière ces mots ? Quels projets ? Quelles politiques ? Il n'y en a pas vraiment qui se dessinent. D'autant plus que concernant l'Espagne, il ne faut se méprendre : ce gouvernement est extrêmement fragile.
Si par "ré-équilibrer les rapports de force" l'on entend "un contre poids de pays du Sud vis-à-vis des pays du Nord", ceci appelle quelques remarques.
D'abord, il est illusoire de prétendre construire l'Europe contre la volonté des pays du Nord. La réalité, c'est que les pays du Nord, mieux gérés, ont plus de prise sur une UE dont on oublie souvent qu'elle est avant tout un ensemble économique, c'est à dire un marché.
Ensuite, la France ne doit pas se tromper. Elle a fait l'Europe pour contenir l'Allemagne et pour se développer économiquement. Le piège - dans lequel sont tombés J.Chirac, N.Sarkozy, F.Hollande et E.Macron - c'est de croire que l'on pouvait en quelque sorte contourner les réalités économiques, c'est à dire le besoin de gérer ses finances et réformer son économie, par une sorte d'alliance de revers diplomatique. Une fois que les sommets diplomatiques sont finis, la réalité économique, elle, demeure.
Par ailleurs, et ceci va de pair avec son affaiblissement économique, la France a, de fait, pris la tête des pays du sud de l'Europe. On l'a bien vu avec le sujet grec. Faire de la France le plus fort des pays du sud de l'Europe, c'est précipiter son déclin. Hélas, c'est le chemin pris depuis 20 ans. Le seul chemin pour la France, c'est de tenir seule tête à l'Allemagne, en rappelant au monde qu'elle est - contrairement à l'Allemagne - une puissance militaire, diplomatique et culturelle. Mais pour faire cela, il faut aussi réformer l'économie française, ce qui n'est toujours pas fait.

Enfin s'attend-on à une nouvelle ère où avec une Allemagne en crise politique, un Royaume-Uni en plein Brexit et une Italie assez hostile à l'UE, France-Portugal et Espagne pourrait devenir les trois hommes forts de l'UE  ? 

Non. L'Europe est en train progressivement de se désintégrer, et son incapacité à traiter les sujets essentiels l'explique.
Par contre, il est possible que la France, en soignant ses relations diplomatiques avec ces pays, se mette en meilleure position quand il s'agira l'année prochaine de changer les responsables des institutions européennes (nouvelle Commission, nouveau Parlement, nouveau président de la BCE).
Mais à ce jeu, avant de s'intéresser à l'Espagne et au Portugal, la France ferait mieux de soigner sa relation passablement dégradée avec son grand voisin italien, lui aussi pays fondateur de l'UE.

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