Ce paradoxe des données personnelles à prendre en compte pour mieux gérer la protection de notre vie privée en ligne <!-- --> | Atlantico.fr
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Une vue du logo d'Alipay dans l'immeuble de bureaux du groupe Ant à Shanghai, le 28 août 2020.
Une vue du logo d'Alipay dans l'immeuble de bureaux du groupe Ant à Shanghai, le 28 août 2020.
©Hector RETAMAL / AFP

Confidentialité sur Internet

Si une majorité d’internautes expriment un fort attachement à la protection de leurs données, ils l’oublient très vite si cela leur permet l’utilisation gratuite de services en ligne.

Wei Xiong

Wei Xiong

Wei Xiong est professeur de finance et professeur d'économie à l'Université de Princeton.

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Atlantico : Wei Xiong, vous avez mené une étude sur le "paradoxe des données personnelles" en vous intéréssant aux utilisateurs du système de paiement Alipay. Comment expliquer que des internautes attachés à la confidentialité de leur vie en ligne cèdent si facilement au partage de leurs données une fois sur Internet ?

Wei Xiong : Il est intéressant de noter que les résultats de notre étude montrent que les utilisateurs d'Alipay n'ont pas abandonné la protection active de la confidentialité de leurs données en autorisant aveuglément toutes les demandes. Plus précisément, nous avons reçu des réponses à l'enquête de 14 250 utilisateurs d'Alipay. En réponse à une question qui demandait explicitement s'ils sont préoccupés par la confidentialité de leurs données lors du partage de données personnelles avec des mini-programmes (encore peu connus en Europe, les "mini-programmes" sont notamment disponibles sur l'appli chinoise WeChat. Ce sont des sortes de sous-applications auxquelles les utilisateurs peuvent accéder sans avoir à quitter WeChat, NDLR), 46% ont déclaré être très préoccupés, 39% sont préoccupés et seulement 15% ne sont pas préoccupés. Au cours de la période d'un an allant de juillet 2019 à juillet 2020, les utilisateurs "non concernés" ont en moyenne initialement visité 14,3 mini-programmes et autorisé le partage de données avec 11,2 d'entre eux, les utilisateurs "concernés" ont initialement visité 15,5 mini-programmes et autorisé 11,5, et les utilisateurs "très concernés" ont initialement visité 16,3 mini-programmes et autorisé 11,3. Dans la mesure où le dernier groupe a rejeté près de 25% des demandes de partage de données, ces utilisateurs "très préoccupés" n'ont pas renoncé à protéger activement la confidentialité de leurs données en autorisant aveuglément toutes les demandes.  

Qu'est-ce qui pousse les utilisateurs d'Alipay soucieux du respect de la vie privée à ignorer leurs préoccupations en matière de confidentialité en autorisant le partage des données ? Notre analyse révèle une curieuse corrélation positive entre les préoccupations des utilisateurs d'Alipay en matière de confidentialité des données et les demandes numériques. En d'autres termes, les utilisateurs les plus soucieux de leur vie privée ont également tendance à utiliser leurs mini-programmes autorisés plus fréquemment et plus largement. Ainsi, les exigences plus élevées des utilisateurs soucieux de la protection de leur vie privée en matière de services numériques finissent par compenser leurs préoccupations en la matière et les incitent à partager leurs données personnelles avec les mini-programmes.

La compréhension de ce paradoxe de la confidentialité des données peut-elle nous permettre de mieux gérer la protection de notre vie privée en ligne ?

Oui, comprendre le paradoxe de la confidentialité des données nous permet de comprendre pleinement la nature des préférences des consommateurs en matière de confidentialité. Les préférences en matière de confidentialité sont souvent considérées comme innées. Si tel était le cas, les préoccupations en matière de protection de la vie privée dissuaderaient les utilisateurs d'avoir recours de manière intensive à des services numériques qui nécessitent généralement le partage de données personnelles, ce qui entraînerait une corrélation négative entre les préoccupations en matière de protection de la vie privée et les demandes numériques. Au contraire, nos résultats suggèrent que les préoccupations en matière de vie privée sont peut-être une préférence développée par le processus d'utilisation des services numériques. En d'autres termes, au fur et à mesure que certains utilisateurs prennent plaisir à utiliser des services numériques puissants et pratiques, ils peuvent également s'inquiéter davantage des risques potentiels liés au partage intensif de leurs données avec ces programmes. Ainsi, la protection efficace de notre vie privée en ligne deviendra encore plus urgente au fil du temps.

Peut-on concilier l'efficacité économique des sites web/médias avec la préservation de la vie privée des internautes ?

C'est possible, mais c'est une tâche difficile qui nécessiterait une utilisation intelligente des techniques de données modernes.

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