Ce débat citoyen sur l’euthanasie mené au mépris de toute rigueur et neutralité<!-- --> | Atlantico.fr
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Tout est orienté de façon assez insidieuse, en gardant bien sûr une apparence très professionnelle, par des personnes convaincues du résultat à obtenir : que la Convention aboutisse à demander une loi sur l’euthanasie et/ou le suicide assisté.
Tout est orienté de façon assez insidieuse, en gardant bien sûr une apparence très professionnelle, par des personnes convaincues du résultat à obtenir : que la Convention aboutisse à demander une loi sur l’euthanasie et/ou le suicide assisté.
©JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP

Joué d'avance

Les membres de la Convention Fin De Vie se sont prononcés en majorité pour légaliser l'euthanasie et le suicide assisté ce weekend.

Henri de Soos

Henri de Soos

Henri de Soos est diplômé de Sciences Po Paris et titulaire d'une maîtrise de droit. D'abord volontaire du mouvement ATD Quart Monde, il a ensuite été DRH d'une grande entreprise industrielle pendant près de trente ans. À partir de 2011, il s'est spécialisé dans les questions liées à la bioéthique. Au sein de l'association Alliance VITA, il a notamment été responsable du service d'écoute SOS Fin de vie. Marié et père de famille, il a publié L'impasse de l'euthanasie (Ed. Salvator, 2022).

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Atlantico : Les membres de la Convention Fin De Vie se sont prononcés en majorité pour légaliser l'euthanasie et le suicide assisté ce weekend. Pour vous le résultat était "joué d’avance". Pourquoi ?

Henri de Soos : Lorsqu’il a décoré Line Renaud de la Légion d’honneur, le 2 septembre dernier, Emmanuel Macron lui a promis une loi « pour mourir dans la dignité » (slogan historique des partisans de l’euthanasie) avec sa fameuse phrase : « C’est le moment de le faire, alors nous ferons ».

Quelques jours plus tard, il lançait la Convention citoyenne sur la fin de vie, pour que les Français soient consultés dans le cadre d’un débat qui se voulait démocratique, transparent, équilibré, serein...

Mais puisque tout semblait jouer d’avance, avec une loi annoncée pour 2023, comment croire à ce qui apparaissait d’emblée comme simulacre de consultation?  Cette Convention citoyenne a donc suscité de la méfiance dès sa constitution.

Les débats ont-ils été aussi équilibrés et neutres qu'ils prétendaient l'être ? (Quels exemples avons-nous?)

Les débats se sont déroulés jusqu’à présent dans un climat respectueux des opinions de chacun, il faut le reconnaitre. Mais tous les travaux sont en fait préparés et conduits par un Comité de gouvernance majoritairement composé de membres du CESE et du CCNE, deux organes qui se sont prononcés récemment en faveur de l’euthanasie. En réalité, tout est orienté de façon assez insidieuse, en gardant bien sûr une apparence très professionnelle, par des personnes convaincues du résultat à obtenir : que la Convention aboutisse à demander une loi sur l’euthanasie et/ou le suicide assisté. Sur le timing suivi, sur le choix des intervenants extérieurs, sur la formulation des questions à débattre et des votes, on a pu constater une méthodologie toute entière orientée vers ce but.

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En voici quelques exemples concrets :

-       La bibliographie volumineuse remise aux participants a été présentée par les organisateurs comme « le socle documentaire le plus objectif et le plus neutre possible ». En fait, elle recense de multiples ouvrages favorables à l’euthanasie, mais aucun des quatre livres publiés début 2022 pour alerter sur ses dangers[1].

-       Le Comité de gouvernance n’a pas voulu permettre aux participants de passer une journée d’immersion dans une structure de soins palliatifs, comme l’avait proposé avec bons sens la SFAP (Société Française d’Accompagnement et de soins Palliatifs). Or comment prendre position sur cette réalité de la fin de vie, sans aller voir comment cela se passe concrètement sur le terrain ?

-       Dès la 1ère session en décembre, les 5 personnalités françaises qui ont eu droit à la parole pour des interventions étaient toutes favorables à l’euthanasie. Les 3 prétendues « expertes », invitées pour présenter la législation sur l’euthanasie en Belgique et sur le suicide assisté en Suisse, étaient en réalité des militantes particulièrement engagées dans leur pays.

-       De même lors de la 4ème session en janvier, le choix des intervenants étrangers a été très significatif : à part l’expert des Pays-Bas, favorable à l’euthanasie mais se posant de sérieuses questions sur les dérives qu’il constatait dans son pays, les trois autres du Québec, de l’Oregon (aux Etats-Unis) et de l’Italie étaient des personnes engagés dans des organisations militant activement pour l’euthanasie ou le suicide assisté.

Par quel moyen aurait-on pu éviter ce simulacre et avoir une vraie délibération, véritablement neutre et équilibrée, pour réfléchir posément à ce sujet d'importance ? 

Plusieurs conditions étaient nécessaires, puisque d’emblée il y a eu une forte suspicion compte tenu des prises de position d’Emmanuel Macron. Deux d’entre elles me paraissent déterminantes :

-       Il aurait fallu confier l’organisation à une instance moins partisane que le CESE, par exemple au CNSPFV (Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie). Une de ses missions n’est-elle pas de « contribuer à l’animation du débat sociétal et éthique » sur ces sujets ? On pouvait espérer qu’il respecterait une meilleure neutralité déontologique.

-       Il aurait fallu faire beaucoup plus la vérité sur ce qui se passe réellement dans les quelques pays qui ont légalisé l’euthanasie ou le suicide assisté, en faisant appel à des experts neutres et non pas des militants. Ceux-ci auraient expliqué les législations, mais aussi les difficultés et les dérives multiples qu’on constate dans ces pays (ce qui n’a pratiquement pas été fait au CESE).

Maintenant, c’est trop tard. Il ne faudra pas s’étonner que les conclusions de la Convention citoyenne, attendues pour le mois prochain, soient d’emblée discréditées et contestées.



[1] Erwan Le Morhedec, Fin de vie en République, Le Cerf ; Damien Le Guay, Quand l’euthanasie sera là, Salvator ; Henri de Soos, L’impasse de l’euthanasie, Salvator ; Dr Jean-Marie Gomas et Dr Pacale Favre, Fin de vie : peut-on choisir sa mort ?, Artège.

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