Carnage sur les marchés financiers chinois : mais comment Xi Jinping va-t-il réagir ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Vladimir Poutine et Xi Jinping lors d'une rencontre à Pékin en 2022.
Vladimir Poutine et Xi Jinping lors d'une rencontre à Pékin en 2022.
©ALEXEI DRUZHININ / SPOUTNIK / AFP

Sanctions contre la Russie, 2e effet kiss cool

La Chine a prévenu qu’elle ne tolérerait pas d’être affectée par les conséquences des sanctions prises contre la Russie. Au regard de ce qui se passe sur ses propres marchés financiers, cela va-t-elle la pousser à plus ou moins de soutien à Vladimir Poutine ? Et la guerre d’Ukraine peut-elle en faire une alternative au dollar pour tous ceux qui cherchent a à échapper à la domination occidentale ?

Mary-Françoise Renard

Mary-Françoise Renard

Mary-Françoise Renard est professeur d'économie à l'Université Clermont Auvergne. Elle est l'auteure de "La Chine dans l'économie mondiale" aux presses universitaires Blaise Pascal. 

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Depuis quelques jours les marchés financiers chinois semblent décrocher. Quelle est concrètement l’ampleur de ce qui se passe sur les marchés financiers ? Comment expliquer une telle situation ?

Mary-Françoise Renard :Les problèmes qui pèsent ces jours-ci sont la hausse des cas de Covid et les risques de reconfinement de la Chine, ce qui est déjà le cas à Shenzhen. Il y a eu une montée des cas rapide et brutale qui a inquiété les marchés. Les confinements peuvent aussi peser sur les marchés car ils font craindre une pression sur l’économie. Qu’il s’agisse de l’indice qui suit les sociétés chinoises cotées à New-York ou de celui qui suit celles cotées à Hong Kong, la chute est certaine. Mais les causes sont multiples. La situation sanitaire souligne les limites du système de santé chinois et les craintes d’un ralentissement des approvisionnements dans certains domaines. La situation géopolitique est un sujet d’inquiétude supplémentaire.

Quelle part de cette situation est attribuable au conflit ukrainien ? A quel point la proximité de la Chine avec la Russie inquiète-t-elle les marchés ?

C’est difficile de le quantifier. Ce qui est certain, c’est que les marchés financiers n’aiment pas l’incertitude et n'aiment pas les guerres. Le conflit ukrainien va impacter tous les pays. De surcroît, la Chine est le premier partenaire commercial de l’Ukraine, qui était l’une des entrées importantes des routes de la soie en Europe.  La crainte que la Chine aide la Russie et souffre de sanctions occidentales a bien sûr alimenté cette baisse. Mais il y a plusieurs explications qui se cumulent.

Alors que la Russie a demandé une aide de la Chine à plusieurs reprises pour l’aider à faire face aux sanctions occidentales, et que la Chine a prévenu qu’elle ne tolérerait pas d’être affectée par les conséquences des sanctions prises contre la Russie, quelle peut être la réaction de la Chine ? Xi Jinping peut-il être tenté d’apporter un soutien plus net à Vladimir Poutine ou au contraire de se dédouaner ?

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Le problème aujourd’hui de la proximité entre la Chine et la Russie est double. Il est politique et économique. La Chine va-t-elle soutenir la Russie ? S’il elle essaie de contrer les représailles européennes et américaines, elle risque elle-même des représailles des Etats-Unis et cela risque de la pénaliser. Ce n’est apparemment pas ce qu’a décidé la Chine. Elle entretient une position volontairement ambiguë : elle ne soutient pas la Russie mais ne la critique pas. Elle ne peut pas soutenir un pays qui commet une ingérence étrangère mais s’est abstenue au Conseil de sécurité de l’ONU. Du point de vue économique, elle n’a pas soutenu la Russie. Le ministre des Affaires étrangères a réaffirmé l’amitié indéfectible entre la Chine et la Russie mais, presque en même temps, l’agence officielle chinoise Xinhua rappelait les effets positifs de la coopération de la Chine avec les Etats-Unis. Ce que l’on sait par ailleurs, c’est que la banque asiatique d‘investissement dans les infrastructures, dont la Chine est le principal actionnaire, a annoncé qu’elle suspendait tout nouvel investissement avec la Russie. La nouvelle banque de développement, dont le siège est à Shanghai, a annoncé la même chose. Et les entreprises chinoises ont tendance à baisser leurs exportations vers la Russie. Les informations ne sont pas très faciles à avoir mais il semble que la vente de smartphones ou de pièces détachées d’avion par exemple, ait diminué. La Chine a aussi élargi les marges de la fluctuation du rouble par rapport au Yuan, ce qui n’est pas soutenir la monnaie Russe. Au-delà des paroles, on n’a pas l’impression que, dans les faits, la Chine soutienne économiquement la Russie. Elle peut certes accroître ses importations russes en matière d’énergie ou d’armement, mais elle a aussi tendance à diversifier ses partenaires afin de limiter sa dépendance. Sans doute parce que le prix à payer serait trop élevé pour Xi Jinping qui doit demander un troisième mandat lors du congrès du parti communiste à l’automne.

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Pékin a annoncé relancer l'économie et introduire des politiques favorables aux marchés, a déclaré le haut responsable économique Liu He. Cela est-il le signe que la situation est grave ?

Ces mesures, de court terme, ont beaucoup fait remonter le cours de la bourse. Indépendamment de cela, la situation est inquiétante. La Chine a plusieurs problèmes économiques et elle a besoin d’un tauxminimumde croissance. On parle beaucoup de la dépendance des pays à l’égard de la Chine, mais elle est aussi très dépendante des autres car très insérée dans la mondialisation. Donc tous les problèmes que connaissent les pays, et notamment la guerre en Ukraine, atteignent aussi la Chine.  Il faut aussi rappeler que le Premier ministre avait annoncé un taux de croissance de 5,5% alors qu’on attendait plutôt 4. Cela signifie que le gouvernement interviendra pour atteindre ce taux. Le Conseil d’Etat annoncé le 16 mars un certain nombre de mesures visant à soutenir les marchés, ce qui a permis aux marchés boursiers de rebondir.

Dans le cadre de la guerre en Ukraine et des sanctions prises à l’encontre de la Russie, devons-nous nous attendre à ce que certains pays cherchant une alternative au dollar se rabattent sur la monnaie chinoise ? Le RMB est-il actuellement en mesure de devenir une monnaie refuge ?

Il y a peu de chances. La part du dollar dans les transactions mondiales a baissé, mais elle a baissé au profit de l’euro, du dollar canadien, etc. pas au profit du Yuan. Il n’est pas encore totalement convertible donc les opérations sont beaucoup plus longues et difficiles, même si les choses se sont améliorées, notamment grâce à l’intermédiation d’Hong Kong. La Chine aimerait que le Yuan devienne une monnaie internationale, ce qui est en train de se faire très progressivement. Mais ce n’est ni une monnaie qui est véritablement internationale ni un potentiel substitut au dollar. L’objectif est bien de dédollariser le monde, mais ce n’est pas encore le cas.

Est-il possible que le conflit en Ukraine fasse perdre sa centralité au dollar, notamment au profit de la monnaie chinoise ?

Pour faire perdre sa centralité au dollar, il faudrait une monnaie de substitution et cela est très compliqué. La guerre peut inciter à une diversification des réserves, mais le Yuan est encore trop loin du dollar pour être une alternative crédible.  

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