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Capturé par l'Etat islamique, menacé, injurié, le père Mourad s'accroche en chantant dans la nuit
©SAFIN HAMED / AFP

Bonnes feuilles

Le témoignage extraordinaire du père Jacques Mourad, enlevé par Daech en 2015. Il y a fait l’expérience de l’extrême souffrance mais aussi de la grâce, et nous invite à choisir la paix. A retrouver dans "Un moine en otage" publié par les Editions de l'Emmanuel.

Jacques Mourad

Jacques Mourad

Moine et prêtre syriaque-catholique originaire d’Alep (Syrie), Jacques Mourad était le supérieur du monastère de Mar Elian, près de Palmyre, où il se consacrait, entre autres, au dialogue avec les musulmans. Il fut enlevé le 21 mai 2015 par les soldats du califat. Il restera cinq mois dans les geôles de l’EI, à Raqqa, « capitale » de Daesh en Syrie. Il vit aujourd’hui auprès des réfugiés en Irak.
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À certains moments, mon cœur est plein de compassion. D’autres fois, au contraire, je m’effondre. Un jour de ramadan, un cheikh aleppin vient me trouver et vocifère d’une façon extrêmement brutale. Je ne parviens plus à sourire. Chaque jour ou presque, on vient nous menacer : «Vous vous convertissez à l’islam ou on vous coupe la tête!» Mais là, c’est un flot d’insultes et de calomnies : il me traite de chien, d’hérétique, de traître, de croisé. Tout y passe. Je le laisse cracher son venin sans me défendre, mais sans sourire non plus. Ce qui est en train d’arriver est trop violent. Ou, si c’est aussi violent que les autres fois, c’est la fois de trop. Je ne supporte plus. Je me sens brisé, au bord d’une sorte de dépression. Cela fait plusieurs semaines que je suis enfermé ici à subir cette torture morale, sans voir le soleil ni la lune, sans aucune liberté. Je craque. J’ai même envie de demander aux djihadistes de m’égorger pour en finir une bonne fois pour toutes. La mort me paraît plus douce que cette captivité oppressante. Ce soir-là, je suis dans une grande colère. Je n’ai plus de patience, plus aucune force pour endurer encore ces menaces. La prière ne parvient pas à me calmer : je n’arrive même plus à réciter mon chapelet, qui d’habitude m’apaise. Mon esprit est trop agité. Je cherche le sommeil, en vain. Je me retourne dans tous les sens. Terrassé par la fatigue, je m’assoupis finalement quelques heures.

Soudain, je me réveille en pleine nuit, en train de chanter en arabe Nada te turbe sur l’air de Taizé. Pourtant, la version arabe de cet hymne n’existe pas : je ne le connais qu’en espagnol ! En outre, depuis le début de ma captivité, je suis tellement perturbé que je ne me rappelle plus les paroles des chants religieux, moi qui en ai si souvent chanté depuis mon enfance !

En général, les seules paroles qui me reviennent sont celles de Fayrouz, peut-être parce qu’elle est liée aux plus beaux souvenirs de ma vie passée. Seul ou avec Boutros, je chante souvent ses chansons, j’ai besoin de les entendre. En mettant en mots et en musique des tragédies mêlées d’espérance, elles expriment ce que je vis profondément et cela me donne du courage. Mais cette nuit-là, ce n’est pas Fayrouz qui me réveille, mais sainte Thérèse d’Avila. Son hymne à la confiance jaillit de mon cœur en langue arabe : c’est comme un électrochoc.

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