Canicule : voilà ce qui se passe pour votre corps si vous vous exposez à un coup de chaleur<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Santé
Boire est essentiel, mais encore faut-il le faire correctement.
Boire est essentiel, mais encore faut-il le faire correctement.
©DENIS CHARLET / AFP

Températures extrêmes

Et aussi tout ce qu'il faut savoir pour s'en prémunir au mieux.

Michaël Rochoy

Michaël Rochoy

Michaël Rochoy est médecin généraliste. Il s'intéresse particulièrement au Covid-19 chez les enfants. Il est membre du Collectif Du Côté de la Science et cofondateur du collectif Stop postillons.

Voir la bio »

Nous sommes de nouveau dans une période de forte chaleur. Voici ce qu’il y a à savoir sur la canicule et sa conséquence médicale : le "coup de chaleur" (heat stroke).

Conséquences d’un coup de chaleur


Le coup de chaleur peut aussi arriver en courant par temps très chaud, sans boire. Dans ces conditions, le corps humain essaie tant bien que mal de rester autour de 37°C. Si la température centrale augmente, notre cerveau (hypothalamus) stimule notre système nerveux autonome (pas contrôlable) pour dilater nos vaisseaux et transpirer (en gros, on est rouge et on transpire). S'il fait trop humide, la sueur reste collée à la peau sans s'évaporer, augmentant la chaleur ressentie.
Au Canada, ils utilisent l'Humidex pour le mesurer : par exemple, avec une température à 40°C et un taux d'humidité à 50 % (ou 36°C avec 75 %), le score Humidex est à 55 (ce n’est pas une température, il n’y a pas d’unité).

L'hyperthermie augmente le métabolisme donc augmente les fréquences cardiaques et respiratoires.
Le sang est dérivé vers la peau et les muscles, pour tenter de réguler la température, à la place du système digestif ce qui provoque des vomissements, diarrhées (par ischémie gastrointestinale).

Les symptômes sont donc :
- Température du corps élevée (pouvant être > 40°C)
- Crampes
- Fatigue avec maux de tête, nausées, vomissements, diarrhées, soif...
- Respiration rapide, rythme cardiaque élevé...
- Symptômes neurologiques (confusion, hallucinations, syncope, etc.) 

Au-dessus de 42°C, plusieurs enzymes arrêtent de bosser. Dans les cas graves, cela peut entrainer une hypoglycémie, défaillance de plusieurs organes (rein, foie, poumons...), coagulation intravasculaire disséminée, des convulsions, voire la mort. Evidemment, c’est un sujet étudié dans la littérature scientifique, par exemple dans cet article, cet autre là, celui-ci, celui-là ou encore là (et ce n’est évidemment pas exhaustif !)

À Lire Aussi

(Sur)vivre à 50 degrés Celsius : existe-t-il des solutions techniques durables ?

Les personnes les plus à risque

Les personnes les plus à risque d’un coup de chaleur sont :
- les bébés, enfants,
- les personnes âgées
- les femmes enceintes
- les personnes obèses

- les personnes diabétiques, notamment parce que 1/ la canicule peut déséquilibrer la glycémie (déshydratation, diminution alimentaire…) ; 2/ l’hyperglycémie peut déshydrater (on urine davantage) ; 3/ et la canicule peut altérer le suivi (goutte de sang difficile à avoir, bandelettes/lecteur altérés et faux résultats)…
- les personnes ayant une hypertension artérielle,
- les personnes en mauvaise condition physique, pour d’autres raisons médicales (insuffisance cardiaque, respiratoire, rénale, etc.)

- les personnes qui ne perçoivent pas (ou mal) la chaleur, par exemple dans un contexte de trouble du spectre autistique (par exemple, lire ce thread de Petite Loutre)

- les personnes qui souffrent d'isolement social, et ont des difficultés d’accès à l’eau potable.

Evidemment, être SDF en période caniculaire expose à un risque de décès pour plein de raisons (parfois peu attendues comme évoquées dans cet article), dont la première est qu'ils sont à la rue...

Les conseils qui vont suivre concernent donc encore plus ces sous-groupes sus-cités que les adultes en bonne santé... MÊME SI tout le monde peut être concerné, insistons à nouveau là-dessus.

Conseils en cas de canicule

Il y a de très nombreux conseils qui existent en période de canicule.

Le premier c’est déjà savoir qu’il y a une canicule, et s’informer sur la situation, par exemple sur https://vigilance.meteofrance.fr/fr.Pour les prévisions via the European Centre for Medium-Range Weather Forecasts : ECMWFAdvancing global NWP through international collaboration

Le deuxième conseil, ou plutôt série de conseils, c’est de rester au frais à domicile en écoutant les conseils d’Assurance maladie :
- fermez les volets/rideaux exposés au soleil
- fermez les fenêtres si la température extérieure est supérieure à celle intérieure (ouvrez soir/nuit/matin si ça s'inverse)
- privilégiez la pièce la moins chaude du domicile
- limitez les appareils électriques (four, ordinateur...)
- utilisez un ventilateur s'il fait moins de 32°C (pour éviter de brasser de l'air chaud). Un ventilateur sert idéalement à vous refroidir (donc orienté vers soi, après s'être humidifié). Parfois, il peut aussi être utilisé comme extracteur d'air, en l'orientant vers l'EXTÉRIEUR le soir/nuit (si air extérieur plus froid qu'intérieur)
- si vous avez une climatisation, réglez le thermostat 5°C en dessous de la température ambiante (et pour rappel, pas de clim’ en-dessous de 26°C !)
- si besoin, humidifiez votre peau (gant de toilette, brumisateur, douche sans se sécher ; aérez-vous avec un ventilateur). Attention : prendre un bain / une douche très froids est une fausse bonne idée : votre cerveau va se dire "oulalala il caille ici, augmentons le thermostat". En pratique, si vous êtes à 38°C, privilégiez donc 4-5° en-dessous (tiède-froid) que du 18°C.
- si le logement est trop chaud, essayez de sortir pour aller dans des lieux climatisés (magasins, ciné...) 

Le troisième grand conseil, c’est pour l’extérieur :

- évitez de sortir entre 11h-21h
- protégez-vous avec chapeau, lunettes de soleil, crème solaire, vêtements clairs, amples et légers (idéalement coton ou lin)
- portez des vêtements légers autant que possible (short, jupe/robe, etc.) ; si votre employeur refuse, rappelez-lui que vos compétences ne dépendant pas de votre tenue…
- restez dans les zones ombragées et espaces rafraîchis
- évitez les activités (sport, jardinage, bricolage...) ; s vous devez en faire : privilégiez les moments les moins chauds (tôt le matin ou tard le soir), faites des pauses et buvez souvent.
- si vous êtes debout, asseyez-vous régulièrement à l'ombre ou a minima fléchissez les jambes (pour prévenir les crampes) 
- évitez autant que possible les lieux chauds tels que les voitures, logements surchauffés, sans espace vert alentour... Il faudrait une action des autorités de Santé pour faciliter l'accès à des lieux climatisés comme le suggère cet excellent thread de Matthieu Brandely, en particulier dans les grandes villes avec des ilôts de chaleur.

Le quatrième grand conseil, c’est pour le travail.

Si vous travaillez ou employez des gens exposés, de savoir aménager le poste. Le seuil où il faut demander un aménagement du poste de travail est à 34°C selon la Caisse Nationale d’Assurance Maladie. Pour l’Institut national de recherche et de sécurité, le travail au-dessus de 33°C présente des dangers (notez qu’en France, il n’y a pas de notion de température ressentie selon taux d’humidité avec l’Humidex par exemple).

Le cinquième conseil concerne la prise de médicaments :
- certains vont altérer l'adaptation de l'organisme à la chaleur (ATTENTION toutefois à ne pas les modifier sans avis médical)
- le paracétamol ne traite pas le coup de chaleur (il traite la fièvre) ; il n’a donc pas d’intérêt contre un coup de chaleur, même s’il n’est bien sûr pas contre-indiqué si vous avez des douleurs par ailleurs.
- évitez autant que possible les AINS (ibuprofène, kétoprofène, ANTADYS...) ou si vous en avez vraiment besoin, hydratez-vous bien pour protéger les reins.

Le sixième conseil va concerner l’hydratation :
- il faut bien boire, assez pour ne pas avoir soif (boire avant la soif, idéalement, parce que c’est un signal tardif — mais c’est plus facile à dire qu’à faire…). C'est souvent environ 1-2 litres par jour mais il n'y a pas un chiffre précis, ça dépend de votre condition, sudation...
- MAIS attention, il ne faut pas se forcer massivement jusqu'à en être nauséeux ! Boire trop d'eau peut entraîner une hyponatrémie... Ainsi, la semaine de canicule début août 2018, 4 % des passages aux urgences des 75+ ans étaient liés à la chaleur : 2 % pour déshydratation, 1% pour coup de chaleur… et 1% pour hyponatrémie par excès d'hydratation.
- Attention, chez les personnes souffrant de troubles cognitifs notamment, le signal de soif peut être perdu ; il faut penser à stimuler régulièrement. 

En cas de difficulté à avaler les liquides, il existe des solutions :
- l’eau gélifiée ; de la poudre épaississante (Thick & Easy par exemple) pour la constituer soi-même ;
- des fruits et légumes frais riche en eau (melon, pastèque, prune, raisin, agrumes, fraise, pêche, courgette…)
- des crudités (concombre, tomate), sauf si diarrhée ;
- des soupes froides, compotes, yaourts... 

Concernant les boissons à privilégier :

- privilégiez des eaux minéralisées (si riche en minéraux, mélangez-la avec celle du robinet plus ou moins du sirop), éventuellement des jus de fruits sans sucre ajouté (diurétique sinon).
- vous pouvez prendre des boissons pour sportif (avec électrolytes), notamment en cas d'effort (travail, etc.) A noter qu'il ne s'agit pas de faire la promotion de boissons pour électrolytes au long cours, qui ne sont utiles que ponctuellement dans un contexte de forte transpiration : exercices intenses, exposition forcée à la chaleur (SDF), effort + canicule... 
- évitez alcool, caféine (café, thé, coca), boissons sucrées (sodas) qui favorisent la déshydratation  
- boire ou manger glacé n’est pas idéal (parce que ça atténue vite la sensation de soif et peut inciter à ne pas s'hydrater suffisamment, et parce que le sucre augmente les urines).

Il ne s’agit pas non plus de devenir la Police de la Bonne Boisson : si vous êtes en bonne santé, que vous êtes dans un logement bien tempéré et que vous avez envie de manger une glace, allez-y… il faut juste voir ces conseils pour ce qu’ils sont !

Enfin, le septième et dernier conseil est de penser à vos proches fragiles (enfants, personnes âgées, avec troubles cognitifs ou handicaps) : proposez souvent des boissons et prenez régulièrement des nouvelles. Et de continuer à se méfier du reste : les noyades d’enfants ont augmenté de 30 % en été 2018 lors des fortes chaleurs par exemple… Enfin, ne pas oublier que la pandémie de COVID-19 continue de sévir, et qu’un rassemblement large dans des lieux climatisés bondés est à risque d’infection.

Après ces conseils sur la prévention, parlons brièvement du traitement à adopter en cas de coup de chaleur, avec pour objectif de refroidir le corps :
- enlever les vêtements en trop
- se mettre à l'ombre / dans un lieu climatisé (en évitant d'être seul)
- s'asperger d'eau tiède/fraîche et s'asseoir face à un ventilateur (c’est l’évaporation de l’eau qui va refroidir le corps) ; c’est le plus efficace !
- douche/bain frais
- chiffon frais sur le cou, aisselles, aines…

Vous pouvez retrouver la plupart de ces conseils sur Assurance maladie et sur Santé publique France :

ameli.fr/assure/sante/t…
santepubliquefrance.fr/determinants-d…
santepubliquefrance.fr/les-actualites…
Il existe aussi un numéro vert Canicule Info Service (0800 06 66 66) ouvert à certaines périodes de l’année.

Pour terminer ce long fil, rappelons que les canicules et coups de chaleur sont liés :
- au réchauffement climatique (vous pouvez par exemple voir les valeurs records par ville ici : infoclimat.fr/climatologie/n…)
- et favorisé par les îlots de chaleur urbain (température supérieure en ville, avec peu de zones vertes ou bleues, revêtements très absorbants...) 

La prise en charge à long terme des canicules doit donc passer par des actions politiques, en faveur de l’écologie et du climat, mais aussi de l’architecture urbaine, et des informations médicales de santé publique.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !