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Campagne présidentielle : 
et si la France précisait enfin 
sa position vis-à-vis de l'Europe ?
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Hymne à la joie

Initiatrice de l'aventure européenne avec Jean Monnet, la France s'est depuis perdue dans un discours ambigüe à l'égard de Bruxelles.

Jean-Luc  Sauron

Jean-Luc Sauron

Jean-Luc Sauron est professeur associé à l'Université Paris-Dauphine.

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The Economist, hebdomadaire britannique très libéral et voix du monde des affaires anglo-saxon, titrait récemment à propos de notre campagne présidentielle : "La France dans le déni". Il s'agissait, pour cette revue, de souligner combien les solutions proposées par nos différents candidats pêchaient par leur méconnaissance des contraintes économiques. Selon elle, seule la poursuite d'une cure énergique de nos finances publiques et notre alignement sur les solutions libérales permettraient à la France de redresser la barre.

Il n'est pas certain que The Economist ait bien identifié la nature du déni français. Il est ancien et perdure. Il consiste, pour les Français, à rester attachés à une vision universaliste ou planétaire du rôle de la France tout en raisonnant dans le stricte cadre national sans souhaiter s'informer et tirer des leçons sur ce qui se déroule ailleurs ! Cette contradiction trouve sa réalisation la plus aboutie dans la relation, de plus en plus malade, qu'entretient la France avec l'Europe.

Débutée par la volonté de Robert Schuman et de Jean Monnet (et d'autres grands Européens : de Gasperi, Adenauer, Spaak), l'aventure européenne correspondait principalement au projet de bannir la guerre comme mode de résolution des conflits intra-européens. Mais si la France s'est engagée aussi fortement dans la construction de la CEE, Guy Mollet passant le relai au Général de Gaulle, c'était comme substitut à un empire colonial vacillant puis disparu.

Depuis l'incompréhension entre la France et les autres Européens se maintient. Le summum ou l'archétype de cette relation peut se résumer dans le titre de l'accord qui a permis à la CEE de sortir de la crise de la "chaise vide". En France, il s'agit du fameux "compromis de Luxembourg" (comprenez l'accord imposé par la France à ses partenaires). Ce même accord s'appelle partout ailleurs en Europe "l'accord sur le désaccord" (comprenez la France pense ce qu'elle veut et les 5 autres, dans l'Europe des Six, ont une autre interprétation de la situation). Combien de Premiers ministres français ou de ministres des affaires étrangères ou européennes ont soutenu à nos parlementaires que nous gardions la parfaite maîtrise de notre destinée nationale grâce audit compromis, nous permettant de nous extraire du rapport de forces européens pour imposer notre volonté aux autres !


Au milieu des années 2000, un petit ouvrage avait fait grand bruit en Allemagne : "Europa ohne Frankreich" (l'Europe sans la France). En avez-vous entendu parler ? Cet ouvrage, entre autres idées, évoquait l'idée que notre pays n'était peut-être pas aussi nécessaire qu'il le croyait à la poursuite de l'aventure européenne. Qu'écrirait aujourd'hui son auteur en prenant connaissance de la place de l'Europe dans la campagne présidentielle en cours ou des "propositions" des candidats relatives à l'avenir de notre place dans l'Union européenne ?

Personnellement, j'ai la douloureuse impression de revivre le drame de Tchernobyl où les nuages radioactifs ukrainiens s'étaient arrêtés à nos frontières après avoir traversés toute l'Europe d'est en ouest. Cela fait rire mes enfants de savoir que cette "information" a pu être soutenue pour justifier de notre exception sanitaire. Qui a pu croire cela ? Qui a pu tenter de faire croire pareilles balivernes ?

Les Français ferment les yeux sur les difficultés et s'attendent à les rouvrir, comme dans leur enfance, sur un monde pacifié et en plein essor économique. Que les Grecs, les Portugais, les Espagnols, les Italiens, les Irlandais, les Britanniques soient tous mal gouvernés et soient responsables de leurs difficultés est une évidence partagée par beaucoup de nos compatriotes.

Il est urgent que, au cours des derniers jours de la campagne avant le premier tour, les candidats nous expliquent avec qui ils comptent gouverner en Europe. En effet, il est aussi, voire plus important, d'établir des alliances au sein du Conseil européen ou du Parlement européen que de récupérer tel ou tel allié électoral en France. C'est plus dans chacune des capitales européennes que sur certaines grandes places en France que se décide notre avenir.

Il est urgent de sortir la France et les Français d'un inconscient "d'images d'Epinal" d'une France impériale imposant sa volonté à ses voisins. Dénoncer cette imposture est la seule voie pour échapper à l'impasse où nous conduisent les populismes de gauche et de droite qui représentent près de 30% de notre corps électoral.

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