Le califat, c’est fini ? Un général américain prévient que l'EI (re)devient un "simple" groupe terroriste<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
Combattre militairement cette insurrection coûterait au moins 2 milliards de dollars d’après une estimation, et les vies de près de 5 000 soldats américains.
Combattre militairement cette insurrection coûterait au moins 2 milliards de dollars d’après une estimation, et les vies de près de 5 000 soldats américains.
©

THE DAILY BEAST

La semaine dernière, le secrétaire d’Etat américain à la Défense prédisait "une défaite de longue durée" pour Daech. Maintenant, un haut gradé américain prévient que le groupe terroriste se prépare non plus à une guerre, mais à une guérilla.

Nancy A. Youssef

Nancy A. Youssef

Nancy A. Youssef est une journaliste égypto-américaine. Elle est correspondante pour The Daily Beast.

Voir la bio »

Nancy A. Youssef. The Daily Beast.

La capitale de l'Etat islamique en Irak subit désormais la grande offensive. Mais Daech ne disparait pas. Au contraire, le groupe terroriste commence à changer d’appellation : il n’est plus un "califat" mais une "insurrection", a déclaré la semaine dernière un haut gradé américain engagé dans la lutte contre l'Etat islamique.

C’est bien plus qu’un changement de nom, ou même de tactique. Cela peut bien vouloir dire qu’il n’y aura jamais de "victoire définitive" sur Daech, même s’il perd le contrôle de la deuxième plus grande ville d’Irak, contrairement à ce que déclarait Ash Carter, secrétaire d’Etat à la Défense, qui prétendait à la victoire il y a à peine une semaine lorsque la campagne de Mossoul a commencé.

Après avoir entraîné les forces locales durant deux ans à combattre l'Etat islamique ou le cibler par des frappes aériennes, les officiels américains disent aujourd'hui que l'organisation peut évoluer vers le genre de menaces qui a paralysé l’Irak depuis les années suivant l'invasion américaine en 2003. Combattre militairement cette insurrection coûterait au moins 2 milliards de dollars d’après une estimation, et les vies de près de 5 000 soldats américains. Au plus fort de l’insurrection, il a fallu plus de 170 000 hommes pour l’affaiblir. Une nouvelle insurrection de l'Etat islamique pourrait employer les combattants étrangers afin de ne pas seulement menacer les Irakiens, mais aussi l’Occident. Et il incombera probablement aux jeunes combattants irakiens – qui, il y a à peine deux ans, avaient jeté leurs uniformes et leurs armes à Mossoul avant de fuir – pour repousser Daech et lancer une contre-insurrection.

Durant un point d'étape avec des journalistes, le général major Gary Volesky, commandant des troupes au sol de la coalition américaine en Irak, a dit que ses troupes voyaient des équipes de trois à cinq personnes utiliser des mortiers et des armes de petit calibre par intermittence dans les villes jadis contrôlées par Daech comme Falloujah ou Ramadi. ''Il ne s'agit pas du genre d’insurrections organisées auxquelles les gens peuvent penser" dit Volesky. Mais "on voit des indices… C’est ce à quoi nous préparons les Irakiens."

Volesky prévient que de telles attaques dans des villes libérées sont une raison pour laquelle les Etats-Unis conseillent aux forces kurdes et irakiennes chargées de libérer Mossoul de procéder doucement. Des forces qui bougent trop rapidement peuvent être la cible d’attaques de revers. Mais est-ce qu'un mouvement djihadiste qui n’a plus de "califat" peut réussir à se transformer en une insurrection efficace ? Ou bien est-ce que les Etats-Unis envoient un signal d’alarme au Premier ministre irakien ,Haidar Al-Abadi, et son gouvernement à majorité chiite afin de ne pas ignorer la minorité sunnite en Irak ? Après tout, c’est ce genre de discriminations qui a provoqué l’essor de Daech.

Quoi qu'il en soit, la déclaration de Volesky était un signal de plus de la part d'une coalition américaine qui croit en la défaite de Daech mais qui craint que malgré ses pertes de territoires, Daech puisse encore terroriser l’Irak. Le signal d’alarme est arrivé lors de ce qui semblait être une nette avancée des forces irakiennes et kurdes vers le centre-ville de Mossoul. Mercredi dernier, elles ont continué à avancer vers Mossoul, et des communiqués faisaient état d'habitants des villages sur la route de la ville en train de célébrer la défaite de Daech.

Les forces irakiennes et kurdes sont désormais à trente kilomètres du centre-ville de Mossoul. L’armée américaine dit que cette phase de l'opération pourrait durer des semaines ou des mois. Cependant, il peut y avoir un changement de tempo. Ces derniers jours, Daech a perdu des villes importantes. Durant ces batailles, l'Etat islamique semblait plutôt sur la défensive, avant de carrément abandonner le territoire. La défaite la plus symbolique est la perte de la ville syrienne de Dabiq samedi dernier. Dabiq a été reprise par l’opposition syrienne avec un appui de la Turquie.

Jadis, Daech avait déclaré vouloir se battre jusqu’à la mort pour cette ville. Citant une ancienne prophétie, il avait prédit que Dabiq deviendrait un jour le site d’une bataille apocalyptique entre les chrétiens et les musulmans. Depuis sa défaite, Daech promet que cette bataille apocalyptique viendra plus tard, sans en préciser la date. A Raqqa, la capitale syrienne de Daech, les habitants disent que les familles des membres de Daech arrivent en masse de lieux comme Dabiq et Mossoul. On note aussi à intervalles réguliers le retour d'attentats de type insurrectionnel en Irak. Des bombes explosent quasi quotidiennement, elles visent en général la communauté chiite majoritaire et les forces de sécurité irakiennes.

Une série d’attentats a fait 55 morts à Bagdad la semaine dernière. Et en juillet dernier, au moins 324 personnes sont mortes lorsqu’un camion piégé a explosé dans un quartier commerçant du centre-ville de Bagdad. C’était l’attentat le plus meurtrier depuis la chute du régime de Saddam Hussein en 2003. Daech a revendiqué les deux attentats.

Après deux années de règne brutal, Daech ne pourra peut-être plus attirer les sunnites vers son insurrection. Pas depuis que le groupe terroriste a pillé leurs villes, décapité leurs citoyens et criminalisé le fait de fumer, de se raser et de jouer de la musique. "Daech rassemble ses ressources et les réorganise pour une guerre asymétrique. Mais un des problèmes de Daech est que tout le monde sait ce qu’est la vie sous Daech" dit Daveed Gartenstein-Ross, chercheur à la Fondation pour la défense et la démocratie de Washington. "Daech n’a plus la main désormais".

Mais il y a des alternatives. Al Qaeda, par exemple, s’est rapproché des sunnites de la région au lieu de les terroriser. Cela a permis à l'organisation de revenir sur le devant de la scène et de recruter à nouveau. Cela dit, Daech a probablement beaucoup de moyens pour déclencher et entretenir une insurrection. Et tout comme Al Qaeda, il peut très bien se réinventer. Même si l'organisation a subi de lourdes pertes dernièrement, elle contrôle encore Raqqa, ce qui lui permet d’avoir une base et d’y préparer une reconquête.

Les officiels américains et kurdes discuteraient d’un plan pour libérer la ville, mais on ne sait pas bien ce que les Kurdes auraient à gagner dans une bataille violente pour une ville à majorité arabe. "Tant qu’ils tiennent encore Raqqa, les dirigeants de Daech n’ont pas besoin d’abandonner le califat'', a expliqué un officiel américain au Daily Beast. En revendiquant des attentats, il n’est pas impossible que Daech exploite la frustration de différents groupes afin de venir à bout du gouvernement irakien actuel. "C’est tout à fait possible; dans certains endroits, on voit des insurrections qu’on croirait initiées par Daech alors que ce sont des insurrections sunnites" explique M. Gartenstein-Ross. Et il est tout aussi possible que l’armée américaine ait tort. Après tout, l’année dernière, le commandement américain avait prévu une expansion de Daech en Lybie, alors que c’est l’inverse qui est arrivé.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !