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Cacaopocalypse : devrez-vous bientôt vous restreindre en chocolat pour cause de pénurie mondiale ?
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La fin du chocolat ?

Le chocolat devient de plus en plus cher sur le marché mondial (il risque de doubler d'ici 2025). Pourtant, la production devient de plus en plus chaotique.

Jean-Marc Boussard

Jean-Marc Boussard

Jean-Marc Boussard est économiste, ancien directeur de recherche à l’INRA et membre de l’Académie d’Agriculture.

Il est l'auteur de nombreux ouvrages dont La régulation des marchés agricoles (L’Harmattan, 2007).

 

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Atlantico : Comment peut-on expliquer la pénurie de la production cacao ? A-t-elle atteint son point de rupture ?

Jean-Marc Boussard : La réponse est très simple : si la demande augmente quand l’offre stagne, évidemment, les prix augmentent... La seule question, c’est savoir pourquoi l’offre ne semble pas suivre les indications du marché... Et ici encore, la réponse est facile : si je décide maintenant de planter un cacaoyer, celui- ne sera en production que dans 5 à 10 ans...Donc, les signaux du marché ne font d’effet que  dans le long terme. Entre temps, il aura pu se passer une foule de choses!
Et c’est là que se trouve un autre facteur à considérer: pour planter des arbres, j’ai besoin de plants, de fertilisants, et d’autres «inputs». Pour cela, je dois les acheter. Et si je suis pauvres - c’est le cas de la majeure partie des planteurs- il me faut l’aval d’une banque. Mais les banques elles-mêmes ne peuvent prêter que si elles sont sûres que la  hausse des prix va continuer... Or personne ne peut l’affirmer, en particulier parce que si tous les producteurs se mettent à augmenter leurs surfaces sans contrôle, rien ne dit que l’on ne pourrait pas basculer dans la surproduction... Donc, les banques, prudentes, ne prêtent pas,  et les prix continuent d’augmenter....

Quelles sont les conséquences de cette sousproduction pour les agriculteurs et cultivateurs locaux? Et pour l’environnement ?

Pour le moment c’est très utile aux producteurs, qui peuvent espérer des gains importants. Cela pourrait même leur donner les moyens d’étendre leurs plantations pour effectuer des investissements « rentables », en se passant des banques. Mais gare à l’avenir ! Car si tous les producteurs du monde raisonnent comme cela, nous  risquons  fort dans dix ans, quand les nouvelles plantations seront en pleine production,  de nous retrouver avec des excédents et des prix ridiculement bas. Cela nourrira la colère des planteurs qu’il faudra calmer à coup de subventions.
Quant à la question sur l’environnement, elle n’a pas beaucoup de sens, car il est difficile de dire si  les plantations de cacao ont une influence positive ou négative sur la chose... Ce que l’on peut craindre, c’est que des plantations excessives détériorant les cours, que nous nous trouvions dans quelques années, à la place de la forêt primitive, devant de grandes surfaces de cacaoyères abandonnées.

Le chocolat est-il destiné à redevenir un produit de luxe ?

De toute façon, c’est déjà un produit de luxe, en ce sens que les très pauvres n’en mangent pas, ou rarement…  Je me souviens d’une enquête auprès de producteurs de cacao camerounais :  le chocolat, ils n’en avaient jamais vu. En revanche, le prix du cacao (et même, les différentes qualités! ) ils connaissaient très bien...Il s’agit là d’une parfaite illustration du rôle des prix dans le monde économique: ils  permettent aux consommateurs de signaler leurs besoins au producteurs  sans que les uns et les autres se connaissent, ni même connaissent la nature exacte des produits primaires et finaux (car évidemment, très peu de croqueurs de chocolat connaissent  le monde magique  que l’on découvre en entrant dans une cacaoyère...).
Le problème, c’est que ce rôle de médiateur, les prix ne le remplissent qu’imparfaitement. À cause des délais de production ou des erreurs de prévision, ils montent trop vite et trop haut, ou baissent trop fort et trop bas, C’est pourquoi il est souvent nécessaire que les États interviennent pour en modérer les fluctuations, en général au bénéfice de tout le monde : Jamais la production de cacao (et donc, le bénéfice des consommateurs) n’a été aussi grande qu’à l’époque des « prix garantis ». Qui évitaient les plantations excessives suivies d’abandons ou d’arrachages inutiles... 

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