Bruno Le Maire défend ses coupes budgétaires, et redécouvre Frédéric Bastiat, c’est politiquement courageux<!-- --> | Atlantico.fr
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Bruno Le Maire lors d'une conférence de presse.
Bruno Le Maire lors d'une conférence de presse.
©ERIC PIERMONT / AFP

Atlantico Business

"Quelle journée de merde !" Le ministre de l'économie a défendu hier, devant la commission des finances, ses coupes budgétaires et donné des pistes de réformes pour sortir les dépenses publiques des risques de faillite. Bercy a redécouvert que Bastiat était français et chef de file de l'école libérale.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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En défendant devant les députés ses coupes budgétaires déjà décidées, en prévoyant d'en faire de nouvelles au cours de l'année 2024, et surtout en annonçant la nécessité de réformes difficiles sur le terrain social pour ramener la France dans les clous d'un déficit budgétaire à 3% en 2027,  ce qui signifie plus de 10 Milliards d’économies à faire au titre de 2023 .. 12 milliards en 2024. Et plus de 20 milliards en 2025 .. au titre du budget de l État et des comptes sociaux . la note est lourd et fait hurler les députes de l’opposition mais pas qu’eux .

Bruno Le Maire a initié un changement transgressif de la politique économique et surtout. Il met les responsables politiques devant leur devoir de cohérence. Alors que les courants de gauche s'en donnent à cœur joie, les courants de droite qui séduisent les Français vont devoir eux aussi relire Frédéric Bastiat, cet économiste français du 19e siècle qui a décrit les mécanismes et la puissance d'une économie de marché, connu et célèbre dans toutes les démocraties libérales occidentales, sauf en France, évidemment peut-être parce que la France n'est pas libérale, même quand elle se réveille politiquement à droite.

"Quelle journée de merde" pour Bruno Le Maire selon l'expression de l'un de ses conseillers. Pourquoi ? Tout simplement pour reprendre l'expression de Frédéric Bastiat : "Tout le monde veut vivre aux dépens de l'État mais oublie que l'État vit aux dépens de tout le monde".

1er point : Sur le plan économique, le ministre de l'économie ne pouvait pas faire autrement que de ramener la barre au plus près de l’équilibre comme disent les marins  (même si la majorité de la droite n'est pas d'accord, parce que ca n’est pas confortable ). En période de crise grave avec des risques énormes comme pendant la période de Covid, la France ne pouvait pas faire autrement que de mettre à l'abri tous les actifs de production, à commencer par les humains, mais aussi les entreprises, les camions, les avions, etc. Donc la France, comme la plupart des pays occidentaux, a pratiqué le "quoi qu'il en coûte" pendant les confinements ce qui a coûté très cher mais a sauvé le pays d'une ruine brutale et certaine. Seulement voilà, la France s'est endettée (entre 200 et 300 milliards selon les dépenses retenues). La dette était soutenable, ce qui veut dire que nous avons pu emprunter sans difficultés. L'endettement de 3000 milliards d'euros resterait soutenable si par ailleurs, la France n'était pas accro à la dépense publique et sociale. Quand les risques sont là, la dépense se justifie... Une fois que les risques ont été éliminés, il faut absolument revenir à un modèle de financement plus équilibré et plus sobre... Ce que n'a pas fait la France. La France continue de l'endetter chaque année avec des dépenses publiques et sociales qui approchent les 60 % du PIB.

Ces dépenses sont toutes des dépenses courantes de fonctionnement et pas d'investissement. L'équation ne devient pas tenable si la croissance pique du nez comme c'est le cas en 2024 et si les besoins de financement des grandes mutations sont incontournables (digital, environnement, nucléaire, etc.).

Il fallait donc se résoudre à alléger le train de vie en supprimant certaines dépenses publiques et sociales (plus de 12 milliards d'euros) ce que le ministre a fait par décret, sauf qu'il va falloir continuer à réduire le montant des dépenses en 2024 et surtout préparer des réformes de structures pour revenir à un niveau plus supportable. Et là, il fallait bien sauter dans le grand bain du parlement. Même si l'usage de l'article 49.3 est devenu banal.

Économiquement, Bruno Le Maire ne pouvait pas s'affranchir de cette entreprise. Parce que sans réduire le déficit budgétaire, et surtout sans le réduire durablement, la France ne parviendrait pas à éviter le risque du déclin. Déclin. Parce qu'il n'y a pas d'investissement. Déclin parce que trop d'impôt, déclin parce que des possibilités de financement de plus en plus chères. Déclin parce que les agences de notation, qui sont un peu les maîtres des marchés, ne nous auraient pas raté cette fois.

Bruno Le Maire a donc pris cette décision courageuse qui nous fait entrer dans l'ère plus normale de l'après "quoi qu'il en coûte"... Cela dit, politiquement ça va être compliqué.

Sur le plan politique, la nouvelle direction va être très difficile à tenir parce que si la gauche est culturellement étatiste, militante de l'État providence, et opposée à toute réforme libérale... La droite dans son ensemble n'est pas très partante pour changer de logiciel.

La droite française n'est pas libérale, ni le centre, ni les républicains, ni le RN. Marine Le Pen, qui se voit déjà présidente de la République, est encore loin d'admettre qu'il faille réduire la voilure. Bruno Le Maire n'a pas oublié qu'il faisait de la politique, car il ne s'est pas privé de remarquer haut et fort que le programme défendu par Marine Le Pen prévoyait 10 milliards de dépenses supplémentaires alors qu'il faudrait en gommer plus du double. Mais au-delà de l'extrême droite qui n'a jamais été libérale, on ne peut pas dire que les autres courants de la droite soient de chauds partisans de l'entreprise, de sa liberté, du commerce international... Bref, de tout ce qui concourt dans une économie à l'activité et au progrès. L'État grand et fort est l'apanage de toute la représentation nationale. Alors que nous avons certes un problème de financement, mais nous avons surtout un problème d'efficacité.

Les services publics ne marchent pas et ce n'est pas parce qu'on apportera plus de moyens qu'ils marcheront mieux. Comme disait Bastiat : "Ce pays est trop gouverné, voilà le mal... L'État pourrait être efficace dans la police, la justice, la défense s'il ne s'occupait pas de mille préoccupations accessoires... La liberté n'existe plus quand c'est l'État qui veut tout faire et que le peuple est surtaxé... etc., etc. Bastiat encore lui disait que la représentation nationale ne changera pas puisqu'elle existe par l'élection... L'objectif doit être de changer l'opinion publique..."

Bruno Le Maire a ouvert un chantier immense parce qu'à l'exception de David Lisnard , le président des maires de France mais qui est surtout connu à Cannes, il va trouver peu d'alliés sincères au sein du gouvernement pour le soutenir dans cette aventure de libéralisation. Il n'a pas d'autre choix que d'aller à contre-courant de la culture partagée en France sinon la maison France aura du mal à rester debout.

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