Bruno Le Maire cherche des alliés dans la classe politique pour redresser les comptes publics et financer la transition énergétique<!-- --> | Atlantico.fr
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Bruno Le Maire à l'issue du Conseil des ministres.
Bruno Le Maire à l'issue du Conseil des ministres.
©Ludovic MARIN / AFP

Atlantico Business

Le ministre de l'Economie s'oppose à toute nouvelle ristourne sur les prix de l'essence parce qu'il veut respecter son objectif de redresser les comptes publics et de trouver les moyens d'engager la transition énergétique. Il lui faut maintenant trouver les soutiens politiques.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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La hausse des prix du pétrole et par conséquent la hausse des prix de l'essence à la pompe, ajoutée à l'inflation qui pèse sur les produits alimentaires, crée une situation qui met le ministre de l'économie et des finances dans une position compliquée. Compliquée par rapport à la Commission européenne, compliquée par rapport aux marchés, compliquée par rapport à la classe politique et pas seulement aux écologistes et à l'opposition de gauche.

Bruno Le Maire s'est visiblement donné deux objectifs dans l'exercice de sa fonction de ministre de l'économie :

  1. Redresser les comptes publics afin de protéger la signature de la France sur les marchés financiers, donc stopper l'endettement public qui avoisine les 120 % du PIB, donc éviter de laisser croître les dépenses de fonctionnement à défaut de pouvoir les diminuer drastiquement.

  2. Participer à l'effort que la transition climatique va imposer.

Il croit dur comme fer à la nécessité de travailler sur ces deux axes, indépendamment de l'impact politique qu'ils peuvent avoir sur son propre positionnement. Beaucoup le soupçonnent en effet de penser à la prochaine présidentielle. Face aux prétendants qui se manifestent dans la classe politique de droite et du centre, les analystes politiques n'excluent pas qu'à côté d'Édouard Philippe, de Gérald Darmanin, de Laurent Wauquiez, et de beaucoup d'autres, Bruno Le Maire a la possibilité d'occuper un terrain qui n'est pas encore trop fréquenté mais très surveillé par les milieux économiques.

Les chefs d'entreprise et les acteurs des marchés financiers sont obsédés par la question de la performance économique, de son financement et surtout de l'acceptation de l'effort par l'opinion publique.

C'est dans ce cadre que le ministre de l'économie évite de céder à toute mesure qui serait démagogique ou populiste, alors qu'il appartient à une gouvernance où dans le passé, le Président de la République a quand même été tenté , souvent, d'acheter la paix sociale. Depuis les gilets jaunes jusqu'aux dernières émeutes dans le sillage de la bataille des retraites en passant par le Covid, l'État a signé beaucoup de chèques. Certains ont contribué à soutenir l'activité économique et à sauver le système économique, d'autres ont aggravé l'endettement sans beaucoup d'effet.

Aujourd'hui, le ministre de l'économie est face à des problèmes pratiques et urgents. Comment calmer les prix des produits alimentaires et faire pression sur les prix de l'essence. Il multiplie donc les réunions de médiation entre la grande distribution et les industriels pour qu'ils s'entendent sur une modération des marges et parallèlement, il fait passer la pédagogie du marché auprès des consommateurs pour qu'ils fassent jouer la concurrence.

La gestion des prix de l'essence va être plus délicate à gérer parce que la part des dépenses de transport et de mobilité est plus importante que la part des biens alimentaires. L'augmentation d'un plein d'essence fait plus de mal au budget de la famille que le prix du Nutella, surtout que le consommateur peut changer de marque pour son chocolat du matin.

Sur ce dossier-là, le ministre de l'économie est sous pression mais proclame haut et fort qu'il ne financera pas une nouvelle ristourne sur le prix de l'essence. La ristourne de 20 centimes par litre qui avait été appliquée pendant presque un an a coûté 12 milliards d'euros.

Pour le budget dont il cherche à contenir les dépenses, il se refuse à s'engager sur une nouvelle dépense de cet ordre-là. D'autant que politiquement, la ristourne envoie des signaux très impactants et contradictoires.

D'un côté, les pays producteurs de pétrole se sentent confortés dans la politique de hausse des prix, parce qu'en fait le coût de la ristourne se retrouve dans leurs poches ;

Mais de l'autre côté, les automobilistes ne sont nullement incités, ou encouragés à freiner leur mobilité ou à chercher une mobilité non carbonée. En clair, si on veut engager la transition énergétique, il faut laisser les prix des énergies fossiles monter et aider l'utilisation d'une électricité propre. D'où les aides et subventions à la voiture électrique.

Cette position devrait être soutenue par les écologistes qui ne souhaitent que le changement dans la mobilité… Mais disons que les écologistes ont du mal à soutenir que ce soit un ministre de l'économie de droite, ministre de Macron, qui fasse ce type de politique.  En attendant d'y voir plus clair, Bruno Le Maire négocie avec Total un engagement de plafonner les prix à la pompe à 2 euros le litre. D'après beaucoup d'études réalisées auprès des automobilistes, le prix de 2 euros semble être le prix maximum au-delà duquel l'opinion se fâche.

Bruno Le Maire risque donc de se retrouver seul face à une classe politique qui est sans doute convaincue de lutter contre le réchauffement climatique, mais qui n'est guère pressée d'en assumer les conditions budgétaires. Il se retrouve d’autant plus seul que le programme qu’il incarne dans l’immédiat n’est guère populaire.

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