Bruno Le Maire aurait bien besoin d’un patronat sincèrement plus libéral qu’il ne l’est ...<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Bruno Le Maire s'adresse aux médias après avoir participé à une réunion avec les associations patronales au ministère de l'économie à Paris, le 23 mai 2022
Bruno Le Maire s'adresse aux médias après avoir participé à une réunion avec les associations patronales au ministère de l'économie à Paris, le 23 mai 2022
©ERIC PIERMONT / AFP

Atlantico Business

Bruno Le Maire a donc reçu les partenaires sociaux pour étudier tous les moyens de lutter contre l’inflation mais faute d’un programme véritablement libéral, on en restera au soulagement des personnes fragiles et on ne règlera pas le problème

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Voir la bio »

Il va quand même falloir que le patronat s’énerve un peu. Parce que, s’il continue de critiquer mollement la distribution mensuelle de chèques aux consommateurs de ce pays pour que tout le monde ait l’impression de faire ce qu’il faut pour protéger le pouvoir d’achat, ça risque de mal se terminer. Sous le prétexte que le régime Macron n’est ni de droite, ni de gauche, on a l’impression que ce qu’il fait ne pourra pas marcher. 

Face à des symptômes de maladies qui pourraient être graves, on préfère distribuer du Doliprane pour soulager la douleur plutôt que d’opérer le mal à la racine. Que la majorité de la population et des syndicats de salariés demande à réactiver des protections, c’est normal mais que le patronat qui grogne contre l’étatisme (et il a raison) en finisse par réclamer lui aussi des aides et des directives, on rêve. Parce que le ministre de l’économie lui-même souhaiterait sans doute un patronat plus ambitieux sur le front des réformes structurelles en présentant un programme sincèrement libéral. 

Sur le terrain de l’économie, tout le monde s’est félicité du maintien et même de la promotion de Bruno Le Maire au sein du nouveau gouvernement. Et notamment les chefs d’entreprise pour lesquels le locataire de Bercy offre une garantie de stabilité dans l’application des mesures budgétaires et d’une fidélité aux principes de solidarité et de coordination européenne. 

Le monde des affaires considère que le ministre de l‘économie a bien géré le quoi qu’il en coute pendant le Covid. Il a su protéger les systèmes de production, empêcher la destruction des actifs à un coût finalement supportable

D’abord, parce que les taux d’intérêt étaient négatifs et ensuite, parce que cet argent a été principalement utilisé à la modernisation du système économique (transition digitale et mutation énergétique). La meilleure preuve est que le système économique est reparti sur les chapeaux de roue dès que le virus a reculé. 

Alors bien sûr, la guerre en Ukraine que personne n’avait prévue a évidemment cassé ce rebond euphorique ; le gouvernement de ce deuxième quinquennat se retrouve donc obligé de gérer une nouvelle crise liée à l‘inflation importée et aux risques de récession. Avec des ruptures d’approvisionnement d’un côté et des pénuries de main d’œuvre de l’autre. 

Alors le président de la République ne peut pas faire autre chose que d’appeler une fois de plus le Samu socio-économique que dirige désormais Élisabeth Borne et son numéro 2 Bruno Le Maire pour calmer les risques de douleurs liées à l’inflation. 

Le ministre de l’Economie a donc, dès cette apres midi, réuni l’ensemble des partenaires sociaux et notamment les représentants des entreprises pour leur annoncer la liste des aides d’urgence qu’il allait confirmer ou remettre en place au profit des familles les plus fragiles : Chèque alimentaire, ristourne sur les carburants ... etc. de façon à compenser les augmentations des prix des carburants, des prix alimentaires et de certains composants industriels bloqués au départ de Chine. Entre la guerre en Ukraine, les sanctions économiques contre la Russie et l’échec de la lutte anti-Covid en Chine, le reste du monde dont l’Europe est bien obligée d’assumer ces hausses qui se répercutent directement chez le consommateur. 

D’un point de vue politique, Bruno Le Maire ne peut sans doute pas faire autrement. Sauf que cette nouvelle prescription va encore couter plus de 20 milliards d’euros qui vont s’ajouter au stock de dettes précédentes. A un moment où l’urgence va être de commencer à diminuer l’endettement public. Bruno Le Maire a évidemment la légitimité de présenter la fragilité de l'équilibre budgétaire à Bruxelles ou à Francfort. Sauf qu'il serait aujourd'hui beaucoup plus à l’aise s’il avait en face de lui, un patronat qui souhaiterait négocier un véritable programme de réformes libérales. 

L’inflation est importée, on ne peut rien faire contre, certes mais on pourrait faire en sorte qu’elle ne se diffuse pas et conjurer le risque d’auto-entretien de cette inflation. 

Ou l’inflation se diffuse et s’étend à tous les secteurs parce que l ‘Etat est trop gros, trop dirigiste, trop normé, et le système pas assez concurrentiel. 

Une option libérale du fonctionnement de la société passerait mécaniquement par l’allègement du poids de l‘Etat, donc un allègement des contributions obligatoires, et par des ouvertures à la concurrence de nombreux secteurs qui sont encore directement ou pas sous monopole public, ou sous influence de la commande publique. 

Les deux secteurs les plus lourds et les plus couteux de l’administration française, la santé et l’éducation nationale sont aussi les plus inefficaces et les plus compliqués à réformer. Le seul moyen de les obliger à se réformer vers plus de performance serait de les ouvrir à la concurrence. Accroitre la liberté de l’entreprise et la responsabilité des agents. L’Education nationale publique et l’appareil de santé peuvent bouger sous la pression de la concurrence privée. Y compris l’école plus performante en Bretagne, parce qu’elle est confrontée à une cohabitation avec l’enseignement catholique très présent. Y compris dans les assurances sociales qui pourraient fonctionner comme l’assurance automobile. Le patient pourrait très bien choisir son assurance (obligatoire) et l’assureur peut tout faire pour attirer le client.  Y compris des bonus-malus sur les primes qui sont très efficaces dans le secteur automobile et dont on pourrait penser qu‘il pourrait contribuer à améliorer la prévention en boostant la responsabilité individuelle. Y compris sur le dossier des retraites. L’intérêt du système serait d’autoriser le client à choisir le régime qui lui convient le mieux. 

Le monde de l’entreprise a évidemment beaucoup d’idées et de projets pour accroitre la productivité et la compétitivité qui ne passent pas systématiquement par des aides et des subventions au consommateur. Malheureusement, la plupart des projets ne sortent que rarement des laboratoires de recherche ou des think-tank. On a rarement parlé de l’entreprise pendant la campagne présidentielle. Et les entreprises, elles-mêmes, ne sont pas les dernières à réclamer des aides et des subventions, moyennant quoi elles renforcent le rôle de l’Etat protecteur, tout en s’en défendant. Du coup, le ministre de l’Economie a beaucoup de mal à faire autre chose que d’enregistrer les doléances et d’essayer d’en trouver le financement. 

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !