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Brexit ou attentats : qu’est-ce qui va coûter le plus cher à l’économie française ?
©Reuters

Et la réponse est...

Brexit et attentat de Nice : en l'espace de quelques semaines, la France doit faire face à deux événements qui risquent d'impacter son économie...mais pas de la même manière.

Christopher Dembik

Christopher Dembik

Avec une double formation française et polonaise, Christopher Dembik est diplômé de Sciences-Po Paris et de l’Institut d’Economie de l’Académie des Sciences polonaise. Il a vécu cinq ans à l’étranger, en Pologne et en Israël, où il a travaillé pour la Mission Economique de l’Ambassade de France et pour une start-up financière. Il est responsable de la recherche économique pour le Groupe Saxo Bank. 

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Atlantico : Lors de son interview du 14 juillet, François Hollande a reconnu que la situation économique de la France demeurait "fragile" à cause notamment du Brexit. Quelques heures plus tard survenait l'attentat de Nice. Lequel de ces deux événements risque d'avoir le plus fort impact sur l'économie française ? Pour quelles raisons ? 

Christopher Dembik :  Il fait consensus que le Brexit aura un impact plus significatif sur l’économie française que l’attentat de Nice dont les répercussions sont surtout sectorielles et régionales. L’INSEE avait estimé que les attentats de novembre ont fait chuter le PIB au quatrième trimestre de -0,1%, ce qui est marginal. On peut tout à fait considérer que les évènements de Nice auront un effet tout aussi faible sur l’ensemble de l’activité économique, entraînant une chute du PIB de -0,1% sur le trimestre en cours au maximum. Ce qu’il est important de souligner, et les derniers dix-huit mois l’ont bien montré, c’est que l’économie possède une capacité de résilience extrêmement importante au fait terroriste. Même dans les pays qui font face à des situations encore plus extrêmes sur le plan de la sécurité, comme en Irak, de nombreuses études ont montré que l’effet direct des attentats est plutôt faible sur le PIB. L’objectif des attaques n’est pas de miner une économie mais de viser ses symboles, en l’occurrence le tourisme dans le cas de la France. 

Peut-on déjà mesurer les effets du Brexit sur l'économie française ? Si oui, quels sont-ils ou quels pourraient-ils être ?

Il est encore bien trop tôt pour estimer de manière crédible l’effet du Brexit sur l’économie française. Bercy évoque une baisse du PIB comprise entre 0,1% et 0,2% ce qui n’est certainement pas très loin de la réalité sur le court terme. En fait, le vrai problème du Brexit, c’est que le processus politique qui va s’ouvrir entre Londres et Bruxelles va entraîner un accroissement de l’incertitude pour les entreprises des deux côtés de la Manche qui n’ont aucune idée de la réglementation qui prévaudra dans deux ans, une fois les négociations terminées. Par conséquent, beaucoup d’entreprises pourraient être incitées à geler les investissements, et par conséquent les embauches, entraînant la croissance à la baisse. Dans l’immédiat, on constate surtout une baisse de la confiance des agents économiques outre-Manche mais le phénomène devrait être tout aussi perceptible du côté de la zone euro une fois que plus de statistiques auront été publiées. A cet égard, nous aurons plus de visibilité dans les mois à venir. Parmi les secteurs qui sont en première ligne en France, on retrouve l’agroalimentaire et la chimie mais, d’après toutes les études, les éventuelles pertes sèches que pourrait engendrer le Brexit seront, dans tous les cas, encaissables. Il n’y aura pas de faillites en série causées par le Brexit, c’est clairement improbable. On aurait clairement tort de crier au loup avant qu’on n’ait plus d’informations sur ce que souhaite vraiment le nouveau gouvernement britannique. Le Brexit n’est pas encore acté, il a été voté par le peuple britannique mais il n’a pas encore passé le filtre parlementaire.

Quelle part représente le tourisme dans l'économie française ? A quel point celle-ci est-elle vulnérable lorsque le secteur touristique doit faire face à un événement du type attentat ? 

La France se classe comme première destination touristique mondiale avec des recettes générées par la venue de visiteurs étrangers qui sont estimées à plus de 42,2 milliards d’euros en 2013. C’est donc, par nature, un secteur stratégique et c’est pour cette raison qu’il est visé symboliquement par les djihadistes. Les secteurs du tourisme, de l’hôtellerie et de la restauration sont les plus vulnérables à la menace terroriste. Ainsi, la location saisonnière touristique, qui représente environ 1/3 des nuités à Paris, a connu une baisse moyenne de son chiffre d’affaire de près de 30% sur la période novembre 2015 à mai 2016 du fait des attentats de Paris, selon les données de la SPLM (Syndicat des professionnels de la location meublée). Le mois le plus mauvais fut celui d’avril dernier à cause de l’attaque à l’aéroport de Bruxelles qui a eu un effet psychologique dévastateur sur les voyageurs potentiels, en particulier en provenance d’Asie.  Depuis mai dernier, le secteur se redresse en partie grâce à l’effet positif de l’Euro 2016, mais l’activité reste toujours nettement inférieure à la moyenne de l’année 2015. On peut craindre que l’effet néfaste des attaques va être durable pour les entreprises du secteur. L’hôtellerie et la location saisonnière touristiques sont, aujourd’hui, deux pans durablement sinistrés de l’économie française.

Dans le cas où les attentats portent un sérieux coup à l'effet d'attraction de la France sur les touristes, les travailleurs étrangers, etc., quelles pourraient être, à terme, les conséquences pour l'économie française ? Sera-t-il facile, pour les secteurs concernés, de s'en remettre ?

Il est important de ne pas être catastrophiste. En dépit de la fréquence croissante des attaques terroristes sur le territoire français au cours des dix-huit derniers mois, l’attractivité de la France demeure, aussi bien auprès des touristes étrangers, que des investisseurs. Par rapport à d’autres pays touristiques, la France possède un avantage indéniable : il n’existe pas de destination identique de substitution c’est pourquoi il est tout à fait exclu qu’une fuite massive des touristes intervienne, même si les attaques perdurent, à l’inverse de ce qui s’est produit en Egypte après l’attentat de Louxor en 1997 ou plus récemment dans les pays du Maghreb dans la foulée du Printemps arabe. Enfin, on sait très bien qu’il y a bien d’autres éléments que les investisseurs étrangers prennent en compte lorsqu’ils décident de s’établir dans un pays. La flexibilité du marché du travail, la stabilité de la fiscalité ou encore la qualification de la population active sont des critères plus cruciaux que le risque terroriste qui est, au demeurant, présent dans de plus en plus de pays développés depuis 2001.

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