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Brexit : les enjeux du bras de fer financier entre l'Union européenne et le Royaume-Uni
©DR

Bonnes feuilles

Avec ses rebondissements multiples et ses coups de théâtre, le Brexit ressemble à un vaudeville dont l’issue risque d’être dramatique. Avec "Une brève histoire du Brexit" publié aux éditions Odile Jacob, le grand historien de l’économie mondiale Kevin O’Rourke nous propose la perspective historique indispensable pour y voir plus clair. Extrait 2/2.

Kevin O'Rourke

Kevin O'Rourke

Kevin O'Rourke, MRIA, est un économiste et historien irlandais spécialisé en histoire économique et en économie internationale. Depuis 2011, il est professeur d'histoire économique à l'Université d'Oxford. Il a publié "Une brève histoire du Brexit" aux éditions Odile Jacob.

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Si j’avais gagné 1  euro chaque fois que j’ai entendu un poli‑ ticien, un journaliste ou un commentateur britannique dire, en 2017, que les négociations du Brexit n’étaient qu’« une question d’argent », je serais aujourd’hui un homme riche. Il était en effet plus difficile de faire des « progrès suffisants » sur le règlement finan‑ cier. Le gouvernement britannique a toujours considéré l’argent comme son principal atout dans la négociation  : s’il refusait de payer les sommes réclamées par l’Union européenne, cela ferait un trou considérable dans le budget européen. Sans doute cela lui permettrait-il d’obtenir demain un accord commercial favorable ? Du côté de l’Union, en revanche, le fait que le Royaume-Uni doive tenir ses engagements financiers faisait l’unanimité : sans cela, les autres contributeurs nets au budget européen, comme l’Allemagne, devraient payer plus, ou les bénéficiaires nets, comme la Pologne, recevraient moins. L’Union ne considérait pas non plus le règlement financier comme une contrepartie : elle voulait seulement s’assurer que les engagements d’hier soient tenus. C’est pourquoi, comme les autres problèmes du divorce, la question financière devait être réglée de façon satisfaisante avant toute discussion sur les futures relations entre l’Union et le Royaume-Uni : il n’était pas question de permettre aux Britanniques d’associer les deux enjeux. Cette interprétation a été rejetée par beaucoup au Royaume-Uni, où le bus rouge de la campagne du Leave promettait l’arrêt total des transferts financiers à Bruxelles. Le Royaume-Uni ne devait pas payer davantage après le Brexit, sauf à obtenir une contrepartie.

 La position européenne sur le règlement financier était qu’il ne devait y avoir qu’un seul accord, qui couvrirait à la fois les obligations du Royaume-Uni par rapport au budget européen pour 2014‑2020, et la part du Royaume-Uni dans l’ensemble des dettes de l’Union, comme celles liées aux retraites. D’un autre côté, le Royaume-Uni avait aussi droit à une part des créances de l’Union, ce qui devait être pris en compte dans le calcul de sa dette nette. L’approche de l’Union était donc de décider a priori des créances et des dettes qui seraient prises en compte, puis de calculer le mon‑ tant final net dû par les Britanniques. Au Royaume-Uni, les res‑ ponsables politiques préféraient se concentrer sur le montant qu’ils devraient payer. À l’été 2017, on discuta beaucoup de la possibilité que le Royaume-Uni doive entre 60 et 100 milliards d’euros  : à Londres, beaucoup dénoncèrent ce chiffre prétendument exces‑ sif, et les médias britanniques affirmèrent que le gouvernement n’était pas prêt à payer plus de 40 milliards. Ce plafond était bien sûr contraire à l’approche de l’Union européenne, fondée sur ce qu’elle considérait comme les obligations légales d’un futur ex-État membre.

Dans son discours de Florence, Theresa May déclara qu’elle ne voulait pas que les autres États membres « craignent, à cause de notre décision de partir, d’avoir à payer plus ou recevoir moins par rapport à ce qu’il restait du budget actuel. Le Royaume-Uni honorera les engagements qui ont été pris pendant la période où nous étions membres ». De la part des Britanniques, c’était un pas en avant, et l’on crut que cela signifiait que le Royaume-Uni paie‑ rait au moins les 20  milliards d’euros qu’il devait encore dans le cadre de sa contribution au budget dont le terme était fixé à 2020. Cependant, l’Union estimait que le Royaume-Uni avait encore d’autres engagements et d’autres dettes, et qu’on ne pouvait se contenter de quelques mots dans un discours. Comme le disait au Financial Times un responsable de l’Union, « les Britanniques ne comprennent pas que nous ne pouvons pas nous contenter de ce que le Premier ministre dit dans un discours. Nous devons nous baser sur ce qui est mis réellement sur la table à Bruxelles. Et là-dessus, nous n’avons pas vu de mouvement »

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