Bourses en chute, la BCE les affole quand la Fed les calme : quand l’Europe apprendra-t-elle à parler aux marchés ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Quand l’Europe apprendra-t-elle à parler aux marchés ?
Quand l’Europe apprendra-t-elle à parler aux marchés ?
©Reuters

La classe américaine

Dans le tumulte boursier de ces derniers jours, les stratégies menées par les banques centrales américaine et européenne ont produit des résultats contrastés. Entre l'efficacité de la FED et la perte progressive de crédibilité de la BCE, les marchés ont choisi.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Les journées se suivent et se ressemblent sur les bourses mondiales. Suite à la chute des marchés du mercredi 15 octobre et à l’envolée des taux grecs de ce même jour, la BCE décidait de réagir. Dans un discours prononcé par Mario Draghi à Francfort, dans la soirée du 15, la BCE annonçait la mise à disposition de 12 milliards d’euros supplémentaires au profit des quatre plus grandes banques grecques. L’incendie devait être contenu.

Pourtant, malgré un démarrage positif des bourses européennes dans la matinée du 16 octobre, la panique prenait à nouveau le dessus. Les taux grecs repartent à la hausse de plus belle, 12 milliards ou rien, l’effet semble être le même.

Taux Grecs 10 ans.

En cette séance du 16 octobre, les taux franchissent en effet une nouvelle étape vers le vide, pour finir la journée à 8.91%. Une défaite supplémentaire pour la communication de la BCE. Et les bourses du continent européen vont suivre le mouvement. Paris chute à nouveau de près de 3% au cours de la séance.

Puis, vient le moment de l’ouverture des marchés américains. La tension est palpable et les indices débutent la journée dans le rouge. C’est à ce moment que James Bullard, Président de la Réserve fédérale de Saint Louis, donne une interview à l’agence Bloomberg et déclare :

"Les anticipations d’inflation sont en baisse aux Etats Unis" ; "C’est une considération importante pour une banque centrale. Et pour cette raison, je pense que la réponse logique est de remettre la fin de l’assouplissement quantitatif à plus tard."

Et en effet, les anticipations d’inflation à 5 ans ont lourdement chuté au cours des derniers mois aux Etats-Unis, passant d’un niveau supérieur à 2% au début de l’année 2014 à un niveau de 1.5% ces derniers jours, signalant un ralentissement économique à venir aux Etats-Unis. James Bullard ne se trompe pas de cible :  La croissance.

Anticipations d’inflation. Etats Unis. 5 ans / 10 ans

La déclaration est simple et claire. Puisque les marchés semblent se tendre de plus en plus en prévision de l’arrêt de la politique d’assouplissement quantitatif prévu en cette fin de mois d’octobre, Bullard indique que cette décision n’est pas irrévocable. Si cela est nécessaire, le quantitative easing  (assouplissement quantitatif) sera prolongé.

Merci Les Etats-Unis. Dans la foulée de l’annonce du Président de la FED de Saint Louis, les marchés américains se reprennent. Puis, c’est au tour des marchés européens de retrouver des couleurs. Le CAC 40 finira la séance à -0.54% ; reprenant plus de 100 points depuis son plus bas du jour. Par contre, tant pis pour les taux grecs, la FED ne peut pas s’occuper de tout le monde. C’était à la BCE de réagir.

Les différences de stratégies sont frappantes entre les deux banques centrales. Alors que l’Europe se cantonne à venir offrir plus de liquidités aux banques grecques, c’est-à-dire à traiter une conséquence du problème que connaît le continent, les Etats-Unis frappent immédiatement la cause. D’un côté, la BCE joue au pompier, de l’autre, la Fed mène une véritable politique monétaire en jouant avec les anticipations des acteurs économiques.

Les marchés ne se trompent pas sur l’action de la BCE. Les mots laissent place aux promesses et les actions tardent ou déçoivent. Ce que la FED vient de faire en annonçant vouloir lutter contre la baisse des anticipations d’inflation correspond exactement à ce que la BCE n’a pas fait depuis l’entrée en phase de quasi déflation de la zone euro.  Le résultat est que les marchés anticipent une inflation inférieure à 1% sur l’ensemble européen pour les 5 prochaines années, c’est à dire un seuil bien plus bas que ce que les Etats-Unis semblent prêts à tolérer. C’est sans surprise que la croissance américaine devrait ressortir proche de 3% pour cette année 2014, alors que la croissance européenne se limitera à une évolution molle proche de 0%.

Aussi  longtemps que les autorités monétaires européennes ne se donneront pas les moyens de réagir, il n’y a véritablement aucune raison d’espérer tout rétablissement économique de la zone euro. A force de se contenter de mots tout en évitant les actes, la BCE perd toute crédibilité dans sa capacité à générer de la croissance. Par contre, concernant l’inflation, c’est gagné. Personne ne doute plus de la capacité de la BCE à précipiter l’ensemble du continent en déflation. Et en dépression par la même occasion. Un succès colossal pour les orthodoxes de la pensée monétaire.

Pourtant, il semblerait bien que Mario Draghi soit animé de bonnes intentions pour permettre un retour de la croissance en Europe. Mais les moyens mis à sa disposition ne sont pas suffisants. C’est aux dirigeants européens de comprendre l’impasse institutionnelle de la zone euro, et d’offrir à la Banque centrale européenne les moyens d’agir avec la même réactivité que la FED. C’est-à-dire en demandant une modification du mandat monétaire de la BCE, en inscrivant la croissance et l’emploi comme une priorité, et non comme un objectif secondaire.

Pour lire le Hors-Série Atlantico, c'est ici : "France, encéphalogramme plat : Chronique d'une débâcle économique et politique"

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