Boualem Sansal : « Le RN n’inquiète pas les islamistes »<!-- --> | Atlantico.fr
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L'écrivain Boualem Sansal lors d'une séance photo pour l'AFP.
L'écrivain Boualem Sansal lors d'une séance photo pour l'AFP.
©JOEL SAGET / AFP

OPA électorale

Pour l’écrivain algérien, LFI est en outre « la mère porteuse du Frankenstein hermaphrodite que l’islam politique a introduit dans son ventre ».

Boualem Sansal

Boualem Sansal

Boualem Sansal est un écrivain et essayiste algérien. Il est notamment l'auteur de 2084 : la fin du monde, Le Train d'Erlingen ou la Métamorphose de Dieu et Abraham ou La Cinquième alliance. Très critique du pouvoir algérien, il est censuré dans son pays.

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Atlantico : Depuis la dissolution de l’Assemblée nationale, les accusations de racisme et d’antisémitisme volent dans le pays. Qui sont pour vous les racistes et les antisémites aujourd’hui et dans quels partis se trouvent-ils ?

Boualem Sansal : A l’époque, la vie était simple : le mal habitait le FN et le bien était en face, dans les partis du centre, de gauche et de droite. La digue antifasciste fonctionnait bien. Mais depuis la transformation du FN en RN, il y a comme une inversion des pôles. Aujourd’hui les antisémites, les racistes anti-blancs et les cogneurs sont à LFI et associés et gagnent des points à la faveur des morts de Gaza et de la condamnation mondiale d’Israël. Franchement dit, le mal est à LFI et il n’y a qu’elle pour ne pas le voir. Une cure de détox et un peu moins de logorrhées lui feraient du bien car elle a de bonnes idées par ailleurs.

Les résultats des Européennes montrent que le pari opéré par Jean-Luc Mélenchon et LFI vis-à-vis de l’électorat musulman a fonctionné dans les urnes, certains parlant même d’un vote Gaza. Les Français musulmans vous paraissent-ils acquis à la gauche décoloniale et pourquoi ?

Cela tient au niveau de l’intégration. Si ce Français musulman est intégré, il est un Français comme les autres, il sera à gauche ou à droite ou ailleurs comme chacun, libre à lui. Celui qui est peu intégré ou pas du tout se considère plus musulman que Français voire seulement musulman, voire spécifiquement islamiste antifrançais. La musique de la gauche décoloniale l’intéressera. Mais à ce stade, l’islamiste ne croit qu’en ce qu’il croit être sa mission prophétique : islamiser le monde et faire de la charia la loi universelle. Les histoires des kouffars ne l’intéressent pas, il les méprise profondément, il prie pour leur mort. Il est cependant réaliste, donc opportuniste et stratège. Il fait comme le coucou qui dépose ses œufs dans le nid des autres oiseaux. Faute de pouvoir se constituer en parti islamique puissant comme une armée en marche, voir l’ex-FIS en Algérie, la Nahda en Egypte, l’AKP en Turquie, ce que la loi française ne permet pas, et parce que tout simplement les conditions ne sont pas réunies, les islamistes se nichent dans les partis existants, la gauche décoloniale mais aussi la gauche intelligente par exemple là où ils peuvent faire pousser leurs idées, et ça leur réussit plutôt bien. Tous les nids les intéressent. Au RN leurs idées trompeuses ont trouvé un chemin, l’islam ne lui fait plus peur, c’est un voisin, presque un ami, un confident. Reconquête seul échappe à leur entrisme mais de quoi demain sera-t-il fait pour lui ?

A quel point les représentants du culte musulman vous paraissent-ils associés à cette OPA électorale sur les musulmans - et notamment la Grande mosquée de Paris dont le recteur est proche de l’Algérie ?

Les représentants du culte musulman ont une double obligation : vis-à-vis des autorités des pays d’origine qui est de maintenir leur diaspora dans son identité ancestrale et dans le sillon de l’islam national, sunnite malékite au Maghreb ; vis-à-vis de la France qui est de veiller à ce que le culte se pratique dans le cadre des lois de la République. Voir tant de jeunes musulmans innocents se diluer dans le bain français, se disperser massivement et faire de la politique avec des partis de la mécréance et de la perdition est une souffrance pour eux, une honte. Mais comme les dits représentants sont eux-mêmes des militants de l’islam politique et de la double-pensée, ils apprécient assez de voir l’islam, même frelaté, se répandre, gagner en espace et en visibilité, et influencer en profondeur la société. C’est ainsi que l’islamisme est fort, en étant partout à la fois, au gouvernail à tracer la route et dans la soute à chauffer le moteur. La Grande Mosquée amirale de Paris est dans ce double-jeu très compliqué et elle réussit plutôt bien, bravo.

Cette gauche du Nouveau Front Populaire sous-estime-t-elle selon vous le danger qu’il y a à une alliance consciente et/ou inconsciente avec les forces de l’islam politique ?

La gauche, tout à fait consciente et très parieuse, a joué avec le feu et poussé si loin son frotti-frotta avec l’islam politique et affairiste que la voilà piégée dans cette chose monstrueuse née de leurs amours qu’est l’islamo-gauchisme systémique, l’IGS. LFI est la mère porteuse de ce Frankenstein hermaphrodite que l’islam politique a introduit dans son ventre. Ceux qui ont rejoint LFI dans le nouveau Front populaire sont les témoins idiots de ce mariage contre nature qui met l’islamisme rétrograde et le progressisme débridé au même plan. L’islam politique va continuer d’avaler ces gentils STO et les digérer sans qu’ils n’y voient goutte. L’islamisme c’est aussi l’art de rendre aveugles les idiots.

Le passé du RN et son substrat idéologique comme sa base sociologique vous paraissent-ils de nature à constituer un danger pour les Français musulmans ?

Les musulmans avaient une peur bleue du FN canal historique. Le RN ne les inquiète pas, il a un discours très lisse sur l’islam, qu’il juge compatible avec la démocratie et même avec le LGBTisme montant. Le RN n’est plus loin de penser que l’islamisme est tout autant compatible et qu’il suffirait de lui faire quelques gentilles concessions vestimentaires et de lui passer quelques caprices pour en faire un compagnon dans la chasse aux socialo-communistes. A mon avis c’est l’inverse qu’il faut craindre, que le substrat idéologique et la base sociologique de l’islam/islamisme de/en France soit un danger fatal pour les Français chrétiens, juifs, musulmans laïcs et athées, tous affligés de la même myopie et de la même naïveté. Mais ceci on le savait déjà.

Une fois au pouvoir, le RN ira plus loin dans l’acceptation de la spécificité de l’islam et de sa nature prosélyte protéiforme irrédentiste radicale. Son évolution vers le bonapartisme, selon l’excellente analyse de Stéphane Rozès, que je partage, l’amènera à renforcer l’autorité de l’Etat, mais il y a également risque qu’il aille vers l’autoritarisme type macronien qui n’est que folie et ruine de l’âme. La capacité de nuisance phénoménale des islamistes le fera reculer, car naturellement le RN est ou sera, comme les autres partis infiltré et ensemencé des meilleures idées de l’islam politique, le frériste, le plus nocif. N’est-ce pas pour cela que Marion Maréchal avait quitté le RN mère ?

Quelles relations les pays maghrébins ou même plus largement musulmans entretiendraient-ils selon vous avec un RN au pouvoir ? Idem avec le NFP ?

Il y aura des crises sévères mais très vite les relations reprendront leur cours normal, c’est-à-dire compliquées et pénibles, inscrites dans une tendance générale de réduction des liens observée depuis une trentaine d’années, qui a vu l’influence de la France baisser partout dans le monde, notamment en Afrique et dans le monde arabe, avec une accélération calamiteuse sous Hollande et Macron. Avec l’Algérie, elles seront particulièrement difficiles en raison de l’exigence de repentance dont le pouvoir algérien a fait le cœur de sa politique avec la France. Avec le NFP, les relations seront meilleures, car les nouveaux frontistes populistes sont tout disposés à suivre Alger sur ses prétentions mémorielles et l’élargissement des avantages acquis dans le cadre de l’Accord franco-algérien de 1968. Ce sera ça ou plus de gaz dans les tuyaux. Dans cette France devenue ingouvernable, les reculs ne vont pas manquer.

Les tentatives de distinction opérées par certains -dont Arié Alimi, avocat de Jean-Luc Mélenchon dans une tribune dans le Monde- entre un antisémitisme de droite et un antisémitisme de gauche ont-elles un sens ? Quant à la distinction anti sionisme virulent et antisémitisme, en-a-t-elle plus ? Quelle est par ailleurs selon vous la part d’antisémitisme qui serait imputable à un substrat culturel arabo-musulman ?

Oui certes il y a des différences entre ceci et cela et on peut en trouver d’autres, par exemple celle-ci : la haine envers les juifs riches et super cultivés n’est pas la haine envers le petit juif sépharade de banlieue déjà dhimmisé. Casser du juif ashkénaze milliardaire bardé de diplômes et fin mélomane est plus jouissif que bousculer un ihoudi de quartier ou violer sa fillette de 12 ans. La dimension jalousie intervient dans la classification des haines. Mais attention, l’islam met la haine du musulman envers le juif au-dessus de toutes les autres, parce qu’elle est canonique, coranique. On rappelle que le châtiment du juif est fixé par Allah lui-même dans son saint Coran, ce n’est pas une humeur de bas aloi d’antisémites primaires improvisés, comme l’antisémitisme des chrétiens et autres mal-embouchés. Dans l’affaire, le musulman est l’exécuteur humble diligent et fier d’une fatwa divine imprescriptible lancée contre les juifs. Leur avenir est bien sombre, pris qu’ils sont dans le collimateur de tous les haineux et les ratés de France.

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