Boris Johnson gaspille-t-il le capital de la souveraineté britannique retrouvée? <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Europe
Le Premier ministre britannique Boris Johnson s'entretient avec le Premier ministre libyen Abdul Hamid Dbeibeh au début de leur rencontre au 10 Downing Street à Londres le 24 juin 2021.
Le Premier ministre britannique Boris Johnson s'entretient avec le Premier ministre libyen Abdul Hamid Dbeibeh au début de leur rencontre au 10 Downing Street à Londres le 24 juin 2021.
©Matt Dunham / POOL / AFP

Disraeli Scanner

Lettre de Londres mise en forme par Edouard Husson. Nous recevons régulièrement des textes rédigés par un certain Benjamin Disraeli, homonyme du grand homme politique britannique du XIXe siècle.

Disraeli Scanner

Disraeli Scanner

Benjamin Disraeli (1804-1881), fondateur du parti conservateur britannique moderne, a été Premier Ministre de Sa Majesté en 1868 puis entre 1874 et 1880.  Aussi avons-nous été quelque peu surpris de recevoir, depuis quelques semaines, des "lettres de Londres" signées par un homonyme du grand homme d'Etat.  L'intérêt des informations et des analyses a néanmoins convaincus  l'historien Edouard Husson de publier les textes reçus au moment où se dessine, en France et dans le monde, un nouveau clivage politique, entre "conservateurs" et "libéraux". Peut être suivi aussi sur @Disraeli1874

Voir la bio »
Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

Voir la bio »
Hughenden, 
le 27 juin 2021 
Mon cher ami, 
La souveraineté retrouvée implique aussi le droit de faire des erreurs - dont notre classe politique sera pleinement comptable. A vrai dire, notre ami Boris accumule les erreurs depuis qu'il est au pouvoir. Il s'obstine à rester dans les ornières du mondialisme. Ainsi en est-il du traitement du COVID-19 ! Quelle magnifique occasion il aurait eu de montrer qu'une nation redevenue souveraine ne se laisse pas impressionner par la Chine communiste et pense par elle-même au lieu de suivre des injonctions éditées à Davos ou ailleurs sur le confinement total ou sur la vaccination généralisée. Las ! notre Boris a cédé à la panique de sa classes sociale au lieu de suivre son instinct d'origine. Et puis, toute la crise l'a montrée, les grandes revues médicales britanniques, longtemps référence dans le monde entier, sont devenues des nids à conflits d'intérêt. Il y a quelques décennies, on aurait écouté le bon sens des médecins - de campagne ou de ville, comme vous voulez - qui auraient rappelé (1) qu'on ne vaccine pas en pleine épidémie, sauf à vouloir donner une nouvelle vigueur au virus. (2) qu'on ne vaccine pas toute une population mais uniquement les individus à risque (3) qu'on n'utilise pas des vaccins qui en sont encore à la phase expérimentale. Nous voilà exposés à des variants nouveaux, bien coriaces, que nous combattons mal avec un vaccin qui a des effets secondaires bien trop fréquents pour être acceptables. Et voilà notre Boris prisonnier de décisions impulsives et émotionnelles, la crise sanitaire, qui aurait dû s'éloigner avec l'année 2020 grâce à l'immunité de groupe naturelle venant renforcer la protection des plus fragiles, étant de fait prolongée indéfiniment par des décisions erratiques. 
Que j'aurais aimé, mon cher ami, après les trois mois que j'ai passés à Hong Kong et dont j'aurai l'occasion de vous reparler, pouvoir reprendre notre correspondance sur un mode optimiste.  Mais je vois notre gouvernement accumuler les erreurs. Et je ne me réjouis pas que les autres en fassent tout autant.  Ainsi en va-t-il de notre escarmouche au large de Sébastopol la semaine dernière. Qui ne se réjouirait, à première vue, de voir notre marine active sur toutes les mers du globe. Global Britain ! Mais on aurait pu imaginer que notre marine devienne plus active dans le Pacifique, là où il y a un vrai danger pour le monde libre, venu de Chine. J'aimerais voir la Royal Navy surgir face à des sous-marins chinois se croyant hors d'observation au large de l'Amérique latine. Eh bien non ! Comme dans un mauvais "remake" hollywoodien, un de nos vaisseaux crée un incident dans les eaux territoriales russes et notre pays passe à quelques miles nautiques d'un conflit avec la Russie. Là encore notre Boris épouse les mauvaises causes du mondialisme. Quand on est conservateur, la Russie devrait être considérée comme une alliée, alors qu'une grande partie du monde est gouvernée par des progressistes démocraticides. Quand le régime communiste chinois se comporte comme l'ennemi du genre humain, tout devrait être fait pour  ramener la Russie du côté de l'Europe et de l'Occident. Ajoutons que lorsqu'un individu sénile - et incapable d'exercer son rôle de chef des armées -  se trouve à la Maison Blanche, on doit, comme Britannique, tout faire pour éviter les escalades internationales en attendant que les Etats-Unis aient résolu leur crise de régime.  
Que va-t-il se passer? La Grande-Bretagne a officiellement niée avoir dû quitter un peu rapidement les lieux. Mais il est probable qu'on ne reprendra pas la Royal Navy de sitôt à commettre une pareille erreur. En tout cas, cela brouille l'image que nous voulons donner d'une puissance retrouvée. Il y a certes une vieille russophobie britannique. Mais nous ne sommes plus à l'époque de Benjamin Disraeli l'Ancien qui cherchait à préserver l'Empire ottoman des attaques russes. Aujourd'hui, la Turquie est une puissance dangereuse pour l'Europe, non la Russie. Aujourd'hui, nous avons besoin de la Russie dans une coalition des nations libres pour contenir la puissance chinoise. Et si l'on m'objecte que nous avons des devoirs au sein de l'OTAN, je répondrais que l'OTAN a servi, pendant des décennies, à éviter qu'un régime communiste nous déclare la guerre. Aujourd'hui, le communisme ne règne plus à Moscou mais à Pékin.  C'est lui qu'il faut contenir et ramener à la raison. Et pour cela nous avons besoin des Russes. Aujourd'hui, l'autre danger qui pèse sur la paix du monde, ce sont les velléités expansionnistes du fondamentalisme islamique, qui soit turcophone, persophone ou arabophone. Là encore la Russie, qui a défait Daech avec une économie de moyens dénotant une intelligence stratégique hors du commun, devrait être une alliée. 
La souveraineté n'est rien sans un contenu politique appropriée. Il faut souhaiter que notre ami Boris s'en souvienne. 
Pour finir sur une note optimiste, je pense que notre vieux pays a encore bien de la ressource. Avez-vous vu, mon cher ami, comme les caprices de Meghan Markle sont en train de se briser sur la solidité de la monarchie britannique? La monarchie pour notre démocratie, c'est un peu comme l'étalon-or pour le libéralisme classique. L'ancrage du système. Boris devrait s'en souvenir: il n'est peut-être pas le dernier Premier ministre à rendre visite à la reine Elisabeth II. 
Bien fidèlement à vous
Benjamin Disraeli   

Le sujet vous intéresse ?

À Lire Aussi

Comment le Brexit a été sauvé par quelques conservateurs irréductibles et la réélection de Trump perdue par quelques républicains liquéfiésMeghan Markle vs Elisabeth II: la Grande-Bretagne est-elle condamnée à perdre la nouvelle guerre d’Amérique?

Mots-Clés

Thématiques

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !