Bonne ou mauvaise nouvelle pour la gauche ? 65% de ses sympathisants disent s’intéresser à la primaire mais 35% pensent qu’elle risque de dégrader l’image qu’ils ont du PS et du candidat qui en sortira vainqueur<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Bonne ou mauvaise nouvelle pour la gauche ? 65% de ses sympathisants disent s’intéresser à la primaire mais 35% pensent qu’elle risque de dégrader l’image qu’ils ont du PS et du candidat qui en sortira vainqueur
©Reuters

Un résultat pas si contradictoire...

Selon un sondage exclusif Ifop pour Atlantico, les différences programmatiques et idéologiques entre les différents candidats expliquent principalement l'attrait de la primaire du PS, même si celles-ci risquent de mener à un affrontement fratricide pouvant menacer le rassemblement du parti une fois le candidat désigné.

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud est professeur de sciences politiques à l’Institut d’études politiques de Grenoble depuis 1999. Il est spécialiste à la fois de la vie politique italienne, et de la vie politique européenne, en particulier sous l’angle des partis.

Voir la bio »
Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

Voir la bio »

Atlantico: Quels sont les principaux enseignements à tirer de ce sondage Ifop pour Atlantico sur le rapport entretenu par les Français à la primaire organisée par le Parti socialiste ?

Jérôme FourquetS'il y avait un certain doute sur l'intérêt que pouvait susciter cette primaire de la gauche, celui-ci peut être en partie nuancé puisque 42% des Français se déclarent "intéressés" par cette primaire de la gauche à un mois du premier tour ; par ailleurs, ils sont 13% à se déclarer "très intéressés", donnant ainsi une indication qu'il pourrait y avoir une influence non négligeable, surtout si l'on se base sur un comparatif avec la primaire de la droite. Lors d'un précédent sondage Ifop pour Atlantico datant de septembre dernier, à deux mois du premier tour de la primaire de la droite, 11% des Français disaient être "beaucoup" intéressés par cette primaire. Cela montre donc que le scénario de l'échec de la primaire de la gauche n'est pas encore écrit, même s'il est certain que la durée du débat sera moins longue ; de même, par rapport à la primaire de la droite, le nombre de bureaux de vote sera réduit, aux alentours de 7 000 à 8 000, contre plus de 10 000 bureaux pour la première. Malgré cela, la primaire de la gauche suscite un intérêt chez les Français comme le révèle ce nouveau sondage, même si les conditions politiques par rapport à la primaire de la droite sont différentes.

Quant on regarde dans le détail, on s'aperçoit que 80% des électeurs socialistes se disent intéressés par cette primaire, 4/10 se disant même "beaucoup" intéressés. Ce chiffre est ramené à environ 20% pour les sympathisants du Front de Gauche et Europe Ecologie-Les Verts. L'intérêt est donc là.

49% des Français estiment qu'il y a de vraies différences entre les projets présentés par les différents candidats à la primaire de la gauche. Cela peut expliquer cet attrait : cette primaire n'est pas perçue comme un combat de personnes mais de visions, de projets de société qui seront confrontés. La différence programmatique ou idéologique apparaît plus manifeste pour cette primaire du PS qu'elle ne l'était au début de la campagne de celle de la droite, du moins à ses débuts. Parmi ceux qui s'intéressent "beaucoup" à la primaire, 68% distinguent de vraies différences programmatiques, alors que ce taux tombe à 36% pour ceux qui s'y intéressent "peu" ou "pas du tout". Pour ce qui est de l'électorat de gauche, et notamment l'électorat PS qui est le principal concerné par cette primaire et ce débat, 72% pensent qu'il y a de vraies différences entre les projets proposés par les candidats à cette primaire. Ces différences suscitent un vrai intérêt à gauche, que l'on retrouve chez les sympathisants EELV, même s'il est moindre (54%). Pour ce qui est des sympathisants de Jean-Luc Mélenchon, ceux-ci ont déjà leur avis sur la question, envisageant de voter pour un candidat hors primaire ; ils considèrent que les candidats qui se présentent à la primaire socialiste sont comptables, dans une certaine mesure, du bilan de François Hollande, ce qui fait qu'il n'y aurait pas de grandes différences idéologiques entre eux. 

Pour ce qui est de l'impact de cette primaire sur le PS, le jugement est plutôt négatif dans l'ensemble, puisque 39% estiment que cette primaire aura tendance à endommager l'image du parti et du candidat qui en sortira vainqueur, 10% que cela contribuera à son amélioration, et 51% qui pensent ni l'un, ni l'autre. Ainsi, l'idée d'une dynamique qui serait créée par cette primaire, d'une rampe de lancement pour le candidat désigné, n'est pas majoritairement partagée, loin s'en faut. On voit ici qu'on anticipe sur un affrontement fratricide, qui va laisser des traces. C'est un peu moins le cas dans l'électorat PS même si 34% de ses sympathisants partagent ce diagnostic. Tout ceci n'est pas contradictoire avec qui a été indiqué précédemment sur l'intérêt que suscite cette primaire et les divergences de fond qui existent entre les différents candidats, même s'il ressort que cette primaire pourrait être quelque peu dommageable pour le PS et le candidat qui en sortira vainqueur. Ces différents raisonnements peuvent s'articuler de façon assez simples: compte tenu des fortes divergences idéologiques entre les candidats, il n'est pas impossible que les choses se passent de manière un peu dure. Le candidat désigné sera ainsi vainqueur face à des concurrents très différents, ce qui risque de poser problème pour le rassemblement du parti par la suite.

Cliquez sur l'image pour agrandir. 

Dans le dernier sondage Ifop pour Atlantico sur la perception qu'ont les Français de la primaire du PS, 42% affirment être beaucoup/assez intéressés par ce scrutin, alors qu'ils étaient 34% à affirmer cela pour la primaire LR en septembre dernier. Que traduit cette différence ? Pour quelles raisons les Français paraissent être plus intéressés par la primaire du PS ? 

Christophe Bouillaud : Ce résultat peut paraître étonnant dans la mesure même où l’on sait par ailleurs, aussi bien par les sondages que par les résultats électoraux depuis 2012, que le camp de la gauche est devenu nettement minoritaire dans l’électorat. On peut faire deux hypothèses pour expliquer cet intérêt.

D’une part, pour l’électorat en général, on pourrait y voir un effet de la primaire, somme toute réussie, de la droite. En effet, le spectacle offert par cette dernière n’a pas été sans intérêt. Le rebondissement final représenté par la victoire surprise de François Fillon laisse de fait présager un spectacle tout aussi intéressant à gauche. D’autre part, pour les sympathisants de gauche, en particulier ceux se déclarant proches du PS, l’intérêt déclaré dépend sans doute de l’enjeu perçu. Non seulement le retrait de François Hollande rouvre le jeu des ambitions, mais surtout les différences de ligne entre prétendants à la candidature au nom de la Belle Alliance populaire (BAP) sont perçues dans l’opinion socialisante. Si seulement 49% des répondants à ce sondage perçoivent de vraies différences entre candidats, ils sont 72% des répondants proches du PS à en voir. Cela n’est d’ailleurs guère étonnant dans la mesure où le quinquennat de François Hollande n’a cessé d’être marqué par des incidents à répétition (démissions de ministres, frondeurs parlementaires, mouvements sociaux...) montrant à tout un chacun les oppositions de ligne présentes au sein même de la gauche la plus classique.  Rappelons que même une Martine Aubry a fini par trouver la manière de gouverner de François Hollande insupportable.

Cliquez sur l'image pour agrandir. 

De même, 49% des Français sont plutôt d'accord avec le fait qu'il y a de vraies différences entre les projets présentés par chacun des candidats à la primaire de la gauche, alors qu'ils n'étaient que 39% à penser cela pour les candidats de la primaire LR en septembre dernier. Quelles sont effectivement les différences de lignes observables au sein de cette primaire de la gauche ? Dans quelle mesure cela risque-t-il d'impacter le déroulé de la campagne ?

Christophe Bouillaud : Si l’on met de côté les trois candidats des autres petits partis, décidément là pour donner l’illusion du pluralisme comme l’on montré a contrario l’exclusion des candidats Nouvelle Donne et MRC, il existe à mon sens plusieurs clivages au sein du PS actuel. Ces divisions expliquent en partie la multiplication des candidatures.

La première ligne de clivage est bien sûr économique : c’est l’opposition entre l’aile sociale-libérale (Manuel Valls, ou François Hollande s’il avait été candidat) qui représente simplement le choix d’une adaptation au réel, et l’aile social-démocrate (tous les autres candidats) qui recherche encore des marges de manœuvre dans l’économie mondialisée susceptible de profiter aux moins privilégiés des Français. La seconde ligne, sans doute moins évidente a priori, représente les candidats sensibles aux problématiques écologiques (Benoît Hamon) et les autres.

Il y a bien sûr l’opposition entre les "républicains" comme Manuel Valls sensibles à l’idée d’un réarmement moral du pays contre les menaces islamistes et ceux comme Benoît Hamon plus ouverts à l’idée de ne pas s’aligner de ce fait sur le Front national en matière de laïcité.

Il y a enfin la question européenne, qui oppose les partisans d’agir au sein de l’Union européenne actuelle et ceux comme Arnaud Montebourg d’une prise de risque plus grande pour faire bouger les choses. De fait, trois candidats (Valls, Montebourg, et Hamon) proposent des options tranchées sur ces différents points.

Benoît Hamon et Arnaud Montebourg diffèrent ainsi nettement dans leur approche de l’UE, même s’ils sont tous les deux à l’aile gauche du PS par ailleurs. Le seul candidat qui semble devoir représenter pour l’instant un propos à l’eau tiède sur tous ces points, c’est le dernier venu, Vincent Peillon. Le vague actuel de ses propos ne permet guère en effet de se faire une idée de sa place dans ce système d’oppositions internes. C’est probablement voulu de la part de ses sponsors au sein du PS, qui veulent à tout prix éviter une fracture définitive entre socialistes. Les envolées qui ne coûtent rien sur la priorité à la jeunesse sont une illustration de cette vacuité recherchée par Vincent Peillon et ses sponsors.  

Cliquez sur l'image pour agrandir.

Que peut espérer retirer le Parti socialiste de cette primaire ?

Christophe Bouillaud : A en juger par le sondage Ifop, pas grand-chose actuellement : seuls 10% des répondants y voient un effet d’amélioration d’image pour le PS, 39% une détérioration, et 51% pas de changement. Mais ils sont  tout de même près de 20% parmi les électeurs se disant proches du PS à y voir un effet d’amélioration d’image. De fait, il était sans doute impossible pour le PS aux yeux de ses propres partisans de ne pas organiser de primaire, et le fait qu’elle doive avoir lieu représente déjà un succès. Par ailleurs, ce n’est qu’à la lumière du résultat et aussi de la manière dont il aura été obtenu que le gain ou la perte, représenté par la primaire pour le PS, pourra être estimé. Le scénario noir pourrait être celui d’une très faible participation au regard de la primaire de la droite. Les débats pourraient aussi tourner à l’aigre entre prétendants. Le désastre pourrait aussi tenir à un résultat serré et contesté entre Manuel Valls et l’un de ses opposants situés à sa gauche, qui laisserait ouverte la question de la majorité d’idées au sein de l’électorat socialiste. Une victoire nette du candidat de la droite du parti (Valls) ou de l’un des candidats de sa gauche (Montebourg, Hamon) clarifierait les choses, mais diviserait le PS en favorisant selon le cas soit les ambitions d’Emmanuel Macron à sa droite, soit de Jean-Luc Mélenchon à sa gauche. Une victoire surprise du centriste Vincent Peillon serait sans doute la meilleure nouvelle possible pour l’appareil du PS, puisqu’elle permettrait d’éviter d’humilier l’un ou l’autre camp en présence et de préparer les législatives d’après la défaite à la présidentielle dans de bonnes conditions. Elle reste tout de même à ce stade la moins probable des hypothèses tant Vincent Peillon est sans aucun doute Mister Nobody pour l’électorat de gauche. 

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !