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Alerte au blé : la hausse du cours de la céréale menace la sécurité alimentaire mondiale
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Epi d'or

Depuis plusieurs semaines, le cours du blé jusque-là épargné, subit des variations. Une situation inquiétante.

Jean-Paul Charvet

Jean-Paul Charvet

Jean-Paul Charvet est professeur émérite de géographie agricole et rurale à l'université de Paris-Ouest-Nanterre-La Défense. Il a publié récemment L'Atlas de l'agriculture chez les Editions Autrement.

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Atlantico : Depuis plusieurs semaines, le cours du blé jusque-là épargné, subit des variations. Comment l'expliquer ?

Jean-Paul Chavert : Toutes les céréales subissent des tensions sur leurs cours. On a des prix élevés et des prix plus fluctuants. Les raisons sont complexes, mais on peut trouver des explications auprès de l'historien  Fernand Braudel qui parlait du cycle de l'économie monde, et c'est ce qui se produit : nous sommes en train de passer d’une économie monde à autre chose. Géographiquement, ce n’est plus Europe qui dirige l’économie mondiale comme elle a pu le faire pendant plus d’un siècle, ce n’est même plus tellement les Etats-Unis, mais bien les pays émergents la Chine, l’Inde, et le Brésil.

En fait, les variations sont dues au fait qu’il faille gérer de plus en plus le stockage à flux tendu, c’est vrai au niveau de l’Union Européenne, de la Chine de l’Inde, donc  à partir du moment où on limite le stockage pour des raisons de coût élevé, dès qu’il y a un incident quelconque, cela entraîne de façon quasi immédiate des moments de surproduction ou de sous-production. Dans le cas présent, c’est la seconde option qui nous concerne.

Quels sont les pays les plus touchés par ces variations ?

Les pays les plus touchés sont ceux qui importent le plus de blé donc les pays d’Afrique du Nord et du Proche-Orient, puisqu'ils représentent ensemble plus du tiers de l’importation mondiale.  Parmi eux l’Egypte est en première ligne, le pays importe en effet la moitié de sa consommation de blé, suivie de l’Algérie qui importe les ¾ de sa consommation. Ils sont prisonniers des variations de cours, la facture peut aller du simple au double d’une année sur l’autre. Ces pays essayent de s’organiser en développant leur production sans pour autant y arriver. Il va falloir qu’il réussissent à trouver des sources de financement pour nourrir leur population. Ce sont des zones qui ont été fragilisées par "les printemps arabes", si on y ajoute des pénuries alimentaires, les gouvernements en place peuvent devenir très fragiles.

L'ennui c'est que ces pays dépendant énormément des pays de la Mer Noire, la Russie, l’Ukraine, qui sont devenus de très grands exportateurs de blé, et qui le vendent à bas prix. Mais des hivers très froids dus au renforcement de l’anticyclone russo-sibérien, ont fait baisser la production de moitié. Quand cela arrive et que la récolte est trop faible, ou que Vladimir Poutine met un embargo, ils n’ont d’autre choix que de se tourner vers  la France.

Concrètement, quelle est l'importance du blé pour nourrir la planète ?

A l’échelle mondiale c’est la céréale la plus commercialisée, cela dépend des années mais en général on compte 18/19% de la production mondiale qui transite par le marché international. C’est beaucoup plus que pour le riz, qui tourne autour de 6%, et le maïs 11, 12%.

En cela, la FAO a raison d’être inquiète, on est dans une époque ou les produits alimentaires sont rares, car la terre est rare, l’eau aussi est un enjeu crucial, et la production a du mal à suivre car ce qui la faisait progresser au cours des dernières décennies c'est-à-dire la progression des rendements par hectare, se ralentit.

En effet, pendant trente à quarante ans, les rendements mondiaux en blé ont progressé de plus d’un quintal par an, par exemple en France on est passé de trente à soixante-quinze quintaux, mais aujourd’hui on a atteint un plateau, parce que pour des raisons environnementales on met moins d’intrants, on limite les engrais et les produits de traitements.

Peut-on espérer alléger les tensions sur les cours avec l'introduction de substituts comme les OGM ?

Alors que le maïs et le soja – 80% du soja mondial est OGM - ont des subit des recherches OGM, le blé n’en possède aucun. Car elles sont difficiles, le blé est une plante particulière. Dans un avenir proche, dans la prochaine décennie, c’est peu probable qu’on sorte un blé OGM. Mais on aura sans doute des variété de riz et de maïs OGM très performants.

Le problème ce n’est pas comment on va limiter les fluctuations, c’est comment on peut s’y adapter. On ne pourra de toute façon pas limiter les variations sur le cours, car on n’a aucune prise sur ce domaine là. Il n’existe même pas d’accord international sur le blé, sorte d’OPEP pour le pétrole. Cette solution a été envisagée à plusieurs reprises mais n’a jamais pu être enclenchée car les exportateurs ne respectent pas leurs engagements et pis ils ne sont pas intéressés par l’organisation d’un marché international. Ils sont occupés par une compétition est très forte avec leurs autres concurrents.

Propos recueillis par Priscilla Romain

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