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Bien avant l'affaire Penelope, comment "l'irrespectueux" François Fillon s'était mis à dos toute la "Sarkozie"
©Reuters

Bonnes feuilles

François Fillon pensait déjouer les pronostics et l’emporter lors du sprint final. Mais éliminé dès le premier tour de la présidentielle, il précipite dans sa chute tous ceux qui, dans son camp, l’ont soutenu bon gré mal gré. Extrait de "François Fillon, les coulisses d'une défaite", de Mathieu Goar et Alexandre Lemarié aux Editions de l'Archipel (1/2).

Matthieu  Goar

Matthieu Goar

Matthieu Goar est journaliste politique au quotidien Le Monde.

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Alexandre Lemarié

Alexandre Lemarié

Alexandre Lemarié est journaliste au service politique du quotidien Le Monde.

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Nicolas Sarkozy est parfois vulgaire. Certains s’en souviennent encore. Il reste pourtant un homme très attaché aux convenances. Il tique lorsqu’on ne lui donne pas du « monsieur le président ». Et observe toujours très attentivement les vêtements de son interlocuteur, sans se priver de moqueries lorsqu’ils lui semblent négligés.

En cette fin d’année, Nicolas Sarkozy considère que François Fillon lui manque de respect. Après sa défaite, il a « offert » une consigne de vote sans tergiverser et apporté ses troupes sur un plateau à son ancien « collaborateur ». François Fillon l’a bien appelé. Mais il a tardé à aller le remercier en personne. Un rendez-vous, d’abord prévu en décembre, a été reporté plusieurs fois. Un détail d’agenda pour les fillonistes. Un crime de lèse-majesté pour les sarkozystes. De sa retraite, Nicolas Sarkozy fulmine. Après des vacances en Thaïlande, il se plaint devant son entourage du manque de considération de François Fillon. Il aimerait aussi que certains de ses anciens proches soient mieux traités.

Les langues commencent à se délier au cours des déjeuners avec les fidèles de l’ancien chef de l’État. « Pour une armée en déroute, nous sommes plus nombreux que l’armée officielle », prévient Pierre Charon, éternel porte-flingue de l’ex-président. Les proches de Nicolas Sarkozy se focalisent sur quelques cas concrets : leur patron n’a pas apprécié de voir Frédéric Péchenard, l’ancien patron de la police, écarté du poste de directeur général du parti. Le licenciement prévu de son ancien collaborateur, Éric Schahl, l’irrite également.

Une autre bataille se joue dans la Sarkozie en ruines : qui brandira l’héritage politique du vaincu de la primaire ? Fin décembre, Laurent Wauquiez s’affi rme de plus en plus. Vexé d’avoir été mis au placard par Fillon, il met ses pas dans ceux de l’ancien chef de l’État : « Sur l’énergie et les valeurs, j’assume quelque part d’être le premier héritier de Nicolas Sarkozy. Sa force était de pouvoir parler aux classes moyennes, aux catégories populaires, aux ouvriers et aux petits retraités sans se laisser enfermer dans la droite conservatrice. Moi non plus, je ne veux pas d’une droite des élites. » Avant de mettre en garde François Fillon : « Si la droite perd sa fibre populaire, elle ne peut pas gagner, je veillerai personnellement à ce que cette flamme ne s’éteigne pas. Je ne laisserai pas la droite se rétrécir, c’est un des écueils de cette campagne».

Gérald Darmanin s’oppose à cette captation : « Parmi les héritiers de Sarkozy, il y a ceux qui veulent incarner une droite populaire en poursuivant le clivage sur l’identité. C’est une erreur. Il faut le faire en analysant la situation d’un point de vue social. » Même s’ils s’avancent divisés, les sarkozystes se rejoignent sur un point : ils méprisent Fillon, cet ancien homme de l’ombre devenu chef. Malgré sa nette victoire à la primaire, ils le considèrent comme un homme sans troupes, incapable de mener un combat présidentiel. Pendant l’hiver, ils seront les premiers à critiquer le programme : trop austère, trop rigoriste, pas assez généreux à l’égard des travailleurs et des classes populaires. Leurs critiques vont commencer à fissurer l’unité de la droite, avant même que l’affaire Penelope ne vienne tout fracasser.

Les prémices de cette fronde sont déjà à l’oeuvre en cette fin d’année. Il suffit d’écouter Brice Hortefeux : « François Fillon a su incarner le bon sens et la droite des valeurs lors de cette primaire. Mais il lui manque la dimension populaire. Il lui appartiendra de la conquérir, notamment sur la sécurité et sur l’immigration, s’il veut aller plus loin1. » Jour après jour, le sarkozysme survit, il ne se dilue pas dans le fillonisme. Dans son coin, Christian Estrosi tâche d’organiser un petit-déjeuner des sarkozystes. Il est débranché au dernier moment par Hortefeux, qui ne veut pas se faire dépouiller du rôle de gardien du temple par le président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Mais le rendez-vous n’est que remis à plus tard.

Le plus remarquable dans cette bataille larvée est que François Fillon ne voit rien venir. Un peu avant Noël, il prend enfin rendez-vous avec Nicolas Sarkozy, qu’il a laissé ruminer sans raison valable. Comme pour mieux savourer sa revanche. L’ancien Premier ministre est un orgueilleux. Distant et secret dans son rapport aux autres, il peut être très maladroit dans la gestion psychologique des ego, une donnée à prendre en compte pour mener une campagne présidentielle jusqu’à l’Élysée. À cette occasion, certains commencent à réactiver un reproche qui a accompagné François Fillon pendant toute sa carrière politique : il n’a pas de sens politique, il est malhabile et ne sait pas faire fructifier ses victoires. « J’attends qu’il soit un peu plus dans la merde pour nous appeler », confie Pierre Charon, qui ne croit pas si bien dire.

Extrait de "François Fillon, les coulisses d'une défaite", de Mathieu Goar et Alexandre Lemarié aux Editions de l'Archipel

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