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BIC, Fnac, SEB, Darty, Sodexo, Sodebo, Bonduelle, Besnier. Multiplier les start-ups, c’est bien. Faciliter la mutation des entreprises anciennes, c’est encore beaucoup mieux...
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Atlantico Business

La mode est aux start-ups. C’est bien, mais l’économie française tient principalement à la modernisation d’entreprises déjà anciennes, provinciales pour la plupart, et souvent familiales.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Xavier Niel, bravo. Ce que vous faites avec vos copains qui ont fait fortune dans les nouvelles technologies, c’est formidable. Le petit monde parisien des affaires n’a d’attention aujourd’hui que pour les starts-up du digital. C’est bien.

Les fonds d’innovation, les business angels ont su découvrir et arroser quelques petits génies de l’algorithme et de l’application mobile. Très bien. Parfait. Mais le jeu tourne souvent à l'euromillion. On mise sur beaucoup de numéros, en se disant que l’un deux finira par sortir gagnant au tirage ou au grattage.

Mais sait-on que la France regorge aussi d’entreprises plus anciennes, souvent familiales, qui au départ avaient une activité très traditionnelle et ont su innover et s’adapter pour assumer et vaincre les contraintes de la modernité, de la mondialisation, de la concurrence ou de l‘innovation et les transformer en opportunités ?

Qui aurait parié sur le réveil de Darty, il y a quinze ans, sur le sauvetage de la Fnac, sur le succès mondial de Sodexo, entreprise de restauration collective, ou même de Sodebo aussi ?

Qui aurait cru que Bénéteau serait devenu, à la troisième génération, le premier producteur de bateaux de plaisance au monde, SEB, le numéro un mondial des ustensiles de cuisine, Bic, le champion toute catégorie du stylo à bille à un moment où les enfants de riches apprennent à lire sur des tablettes numériques alors que les milliards d’enfants des pays émergents sont ravis de pouvoir utiliser une pointe Bic et un morceau de papier pour commencer à dessiner ?

Qui aurait cru, il y a moins de cinq ans que La Redoute renaitrait de ses cendres et sortirait du musée des monuments historiques ? Ne parlons pas de ce qui s’est passé dans l‘agroalimentaire, au fin fond de l’ouest ou du nord de la France avec les Bonduelle ou les Besnier.

La liste est longue, de ces entreprises françaises qui sont sorties de la fatalité du déclin et viennent aujourd’hui frapper à la porte des salons du Cac 40.

Alors, comment sont-elles faites ? Hasard ou nécessité. Les deux, sans doute mais ça mérite qu’on s’y arrête.

Quand on regarde à la loupe les leviers du succès de ces entreprises dont on ne parle guère, sinon pour en moquer parfois le côté provincial, on s’aperçoit qu‘elles ont toutes à un moment ou à un autre répondu à une série de choix très simples.

1. le choix de l’innovation. Toute ces entreprises ont pris conscience que les modalités du succès passé les conduisaient à la ruine. Pendant un demi siècle, ces entreprises ont en effet bâti des fortunes sur une demande soutenue. Le métier n’était pas très difficile.  Le client existait, il avait des besoins évidents et clairs, il fallait lui apporter satisfaction. Cette demande formidable était même solvabilisée par le crédit facile ou l’inflation (merci M. Keynes). Et puis dans les années 1990, à la fin du siècle dernier, cette demande s’est saturée. Normal, logique. Le changement a été spectaculaire. La mondialisation, la concurrence et le digital… on a balayé les industries qui ne savaient pas quoi répondre à cette demande du passé. Balayées, finies. Sauf pour les entreprises qui ont tout changé. Leurs produits, leurs process, leur marché, leurs dirigeants, sans avoir l’assurance que ça marcherait. L’offre d’innovation a ceci d’inquiétant, c’est qu‘au départ, on ne sait pas ce qu’en fera le client. Un succès ou un échec. C’est le prix du risque, aussi.

2. le respect de l’ADN d’origine. Indispensable. On peut évidemment réveiller une entreprise à condition de ne jamais oublier d’où elle vient. François Pinault n’a jamais oublié qu’il avait démarré dans la menuiserie de son beau père en Bretagne. La Fnac a toujours conservé ses racines d’annexe d’une maison de la culture. Darty s’est redressé en travaillant sur le service de livraison, dépannage, ses petits bonhommes bleus et jaunes qui parcourent la campagne française, chose qu’Amazon aura du mal à faire. Alors le respect de l‘ADN ne doit pas être le frein à la modernité mais le socle sur lequel on redémarre.

3. les personnels, parce que ces entreprises ont dû accepter l’embauche de nouveaux talents. La créativité n’est pas forcement génétique. En revanche, accepter la créativité des autres est une condition préalable. Il faut donc les accueillir, pour qu’ils apprennent aux autres à diffuser l’innovation. Parce que l’innovation est partout. Dans le produit, le service qui va avec et dans l’histoire qu’on va raconter sur le produit ou l’entreprise. Les industries du luxe sont des magiciens pour raconter (non pas des histoires) mais une histoire sur le produit. L’histoire qu'on raconte crée autant de valeur que le produit ou le service que les anciens fournissaient.

4. les process de fabrication. La priorité n’est pas de grossir. La priorité est de changer les process pour accroitre la productivité et la compétitivité sur son marché. Question d’organisation et d’efficacité. Le problème n’est pas de devenir numéro un mondial, c’est stupide. La priorité, c’est de devenir numéro un sur son marché local, régional, national.  Et c’est l’addition de chaque marché qui donne une dimension mondiale. L’exemple de Bic ou de SEB est exemplaire de ce point de vue.

5. l’international, oui, à condition à chaque fois de respecter les coutumes locales, sinon la greffe ne prend pas. L’exemple du Club Med qui entreprend une seconde carrière en Chine aujourd’hui est encore exemplaire. Il s’agit de vendre un concept français mais en version chinoise. C’est le prix à payer pour que ça marche. Et c’est vrai dans tous les pays.

5. le respect de la famille. La famille créatrice fait partie de l’ADN, mais sa présence sur le tableau de bord ne se justifie que si elle est compétente et accepte le compromis entre la tradition et la modernité.  Sa présence ne se justifie que si un des membres a le talent de l’innovation et de l’expertise en management.

6. le choix de l’équilibre entre tous les partenaires de l’entreprise. L’entreprise ne fonctionnera que si le client est respecté, que si le salarié se sent bien, et que si les actionnaires sont satisfaits. Pas facile d’assurer l‘équilibre entre des intérêts qui sont parfois contradictoires. Souvent contradictoires.

Alors le digital, l’obsession de l’export, le rapport avec l’Etat dans cette équation ne sont que des outils, des moyens. Ces moyens sont incontournables, mais ils ne sont évidemment pas suffisants.

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