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Affaire Bettencourt : 
Les enregistrements audios sur la sellette
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Question de droit

La justice doit se prononcer ce lundi sur la validité des écoutes réalisées par l'ancien majordome de Liliane Bettencourt. Les avocats de la milliardaire et de sa fille plaideront l'annulation de ces enregistrements grâce au dépôt d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Mais un enregistrement audio peut-il servir de preuve au pénal, ou viole t-il la vie privée ? Une question de fond qui peut avoir de lourdes conséquences dans nombre d’affaires pénales, à l’avenir….

Isabelle  Renard

Isabelle Renard

Isabelle Renard est avocate et docteur ingénieur. Elle a rejoint le cabinet Racine en qualité d'associé en 2010.

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Atlantico : Un enregistrement audiovisuel peut-il servir de preuve devant un tribunal ?

Isabelle Renard : Il y a déjà une grande différence entre la procédure pénale et la procédure civile. Au civil, il est très clair que toute preuve obtenue par un moyen illicite, et notamment à l’insu des personnes qui par exemple seraient écoutées, n’est absolument pas recevable. Au pénal, il existe un débat. Par principe, il est interdit, et c’est une infraction pénale, de prendre des enregistrements audiovisuels de personnes à leur insu. Mais cette interdiction est combattue par l’article 427 du code de procédure pénale, qui nous dit « les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve », et le juge décide d’après son intime conviction. C’est une disposition qui a fait couler beaucoup d’encre, et la cour de Cassation répète de manière constante qu’aucune disposition légale ne permet au juge répressif d’écarter les moyens de preuve produits par les parties, au seul motif qu’ils auraient été obtenus de façon illicite et déloyale. Ce que cela signifie, c’est que l’on peut produire devant une juridiction pénale un moyen de preuve qui a été obtenu de manière illicite et illégale. Par exemple, un enregistrement pris à l’insu d’une personne, mais la limite, c’est que ce moyen de preuve doit être débattu contradictoirement, et il faut également apporter sa valeur probante.

Avec la question prioritaire de constitutionnalité déposée par les avocats de Mme Bettencourt, on est en plein cœur du débat : violation de la vie privée, mais moyen de preuve, lequel des deux l’emporte ?

L’autre souci, c’est l’intégrité des preuves audiovisuelles, encore plus maintenant qu’elles sont numériques. Une bande, cela se voyait ou s’entendait qu’elle avait été coupée…

C’est ce que j’appelle, moi, des preuves techniques :  preuves ADN, enregistrements numériques de textes ou en l’occurrence, des enregistrements audios. Le débat existe évidemment : est-il oui ou non effectivement authentique ? Il existe heureusement des moyens techniques de détecter les copies, et les montages. Les avocats de Mme Bettencourt essayent d’éviter le débat sur la valeur probante des enregistrements en disant que ces enregistrements ne peuvent pas être produits tout court, puisque ce serait une violation de la vie privée, d’où la QPC. Mais s’ils sont produits tout de même, ils pourront chercher, dans le cadre du débat contradictoire, que ces enregistrements n’ont pas de valeur probante, qu’ils ont été reconstitués ou trafiqués.

Ceux qui veulent dénoncer une injustice, une infraction, un crime, pourront ils un jour sereinement se constituer des moyens de preuve sans craindre que ceux-ci soient refusés par les tribunaux ? Alors même que porter plainte représente déjà un risque, une mise en danger ?

C’est tout l’intérêt de la QPC déposée par les avocats de Mme Bettencourt ! Si l’on acceptait que l’on ne puisse plus produire de preuves sous prétexte qu’il y a violation de la vie privée, on ne pourrait plus produire grand chose car d’une certaine manière, tout serait alors violation de la vie privée. Cette QPC va certainement permettre de clarifier les choses à ce sujet là.

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