« Les trajets en métro ont davantage bouleversé la littérature que le livre numérique »<!-- --> | Atlantico.fr
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Pour l’écrivain Bernard Werber le livre papier n’est pas menacé.
Pour l’écrivain Bernard Werber le livre papier n’est pas menacé.
©Reuters

Le livre papier menacé...

Amazon et son nouveau Kindle Fire, Apple et son ipad : la mode est au livre numérique. Mais pour l’écrivain Bernard Werber le livre papier n’est pas menacé.

Bernard Werber

Bernard Werber

Bernard Werber, écrivain prolifique à l'imagination débordante, est connu pour sa Trilogie des Fourmis, ses 14 romans et son aventure cinématographique avec Claude Lelouch.

Son œuvre fait rencontrer mythologie, spiritualités et philosophie. Son dernier roman, Troisième humanité, a été publié chez Albin Michel. 

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Atlantico : Amazon qui a lancé depuis quelques jours son nouveau Kindle fire, Apple qui triomphe avec ses ipads : les nouvelles technologies changent déjà notre façon de lire. Mais modifient-elles également le métier et le style d’un écrivain comme vous ?

Bernard Werber : Cela ne change pas ma façon d’écrire pour la simple et bonne raison que dès 1990, lors de l’écriture de mon livre Les Fourmis, j’utilisais des liens hypertextes dans la rédaction de mon manuscrit. Mes textes ne sont pas uniquement littéraires. Il existe une structure cachée de type programmation informatique.

J’ai toujours travaillé sur ordinateur avec des liens hypertextes qui amènent à d’autres niveaux du texte ou à ma source de documentation. Bien-sûr, depuis le début, ce que je remets à mon éditeur reste un texte imprimé en papier. Mais je dispose chez moi d’un texte sous une forme beaucoup plus interactive, avec la possibilité lorsque l’on clique dans certains endroits du texte d’être redirigé vers d’autres données.

C’est peu commun pour un écrivain….

J’en ai souvent parlé à mon éditeur, en lui indiquant que nous devrions faire une version de mes livres comme un logiciel dans lequel le texte pourrait interagir avec des musiques et des images. Nous ne sommes malheureusement jamais arrivés à le mettre au point. Cependant j’ai pris l’habitude à la fin de mes livres d’indiquer les musiques que j’écoute en même temps que j’écris. Mine de rien, cela  reste la seule manière d’ouvrir une porte vers autre chose que mon texte.

Par ailleurs, j’ai développé très tôt, en 1992, mon site Internet dans lequel j’ai inséré un making-of du roman, avec des photos des lieux où se déroule l’action… J’ai même fait réaliser des musiques exprès pour la réalisation du roman. Il ne s’agit donc pas à proprement parler de livres interactifs, mais d’une histoire qui utilise les outils de son époque.

Je ne perçois pas mon travail comme celui d’un écrivain mais plutôt comme un raconteur d’histoire. Puisque c‘est lourd de monter un film ou un jeu vidéo, j’écris des romans. Mais je n’ai pas la fascination du mot ou la sacralisation de la jolie phrase. Pour moi ce qui est important ce sont les images et les sensations que j’apporte aux lecteurs.

Vous n’êtes donc pas préoccupé par l’éventuelle mort du livre en format papier ?

Non. On prétendait bien que le cinéma allait détruire le livre, que la télévision allait détruire la radio… En réalité, les modes de transmissions d’histoires s’ajoutent mais ne s’éliminent pas. Il y aura toujours des lecteurs de livres papiers.

Le fait qu’il y ait des livres dématérialisés - des livres numériques - peut même augmenter le nombre de lecteurs, notamment les gens qui ne souhaitent pas se trimballer un gros bouquin.

La manière de lire importe peu, ce qui importe c’est l’histoire. Il ne faut pas confondre le support et l’art. Il y a des livres que j’ai plus envie de lire sur papier et d’autres en numérique. Je lis actuellement Le Comte de Monte-Cristo d’Alexandre Dumas sur mon IPhone et parallèlement, je lis de la science-fiction sur papier. J’ai autant de plaisir à aller d’un endroit à l’autre.

Mais à l’heure de flux d’informations de plus en plus intenses, d’un environnement de formats écrits de plus en plus courts (comme Twitter), d’une attention du lecteur de plus en plus faible, l’écrivain doit-il modifier sa façon d’écrire ?

Je suis partisan des phrases courtes et des histoires claires, mais c’est un choix personnel. Je respecte ceux qui aime les phrases longues et les histoires compliquées ce qui est d’ailleurs la mode actuellement en France.

Je ne pense pas que le livre numérique va introduire une écriture numérique. Par contre, je crois que le fait de circuler en métro donne un rythme : on lit un chapitre le temps d’un parcours. Le métro apporte donc beaucoup plus de raisons de changer le style d’un écrivain que le livre numérique. D’ailleurs, comme je passais l’essentiel de mon temps de lecteur dans le métro, j’ai eu envie d’aller vers le genre littéraire des nouvelles, plus adapté à notre époque de zapping.

C’est le fait de zapper sur leur télécommande de télévision qui a fait que les gens ont eu envie de zapper les histoires ou les chapitres.

Lorsque je suis arrivé en 1991 avec Les Fourmis, dans la liste des meilleures ventes il n’y avait que des auteurs de plus de 80 ans. Mon éditeur m’a dit : «  C’est normal, il n’y a que les vieux qui lisent, les jeunes vont au cinéma, ils jouent aux jeux vidéo, ils écoutent la radio, mais ils ne lisent plus ». Tout ce qui correspondait à la littérature pour jeunes avait été abandonné.

Aujourd’hui, le fait qu’il y ait des nouveaux outils va permettre d’augmenter le nombre de jeunes lecteurs. Cela va permettre également de dépoussiérer tout le milieu littéraire vieillot, fait de lourdeurs et de traditions datant de plusieurs siècles. Si on ne se modernise pas, et que nous ne réussissons pas ce virage vers les nouvelles, je crois que c’est la littérature anglo-saxonne qui va finir par nous abattre. Eux n’ont pas peur de ces formats rapides et d’une écriture rapide, ils ne font pas de lourdeurs typiquement françaises qui deviennent une sorte de genre. La nouvelle c’est un art dans lequel on ne peut pas tricher. Si votre histoire n’est pas bonne on le voit tout de suite car elle est courte. C’est vraiment dommage que l’on méprise cette littérature en France car pour moi c’est la littérature d’avenir qui correspond aussi à l’outil numérique.

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