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Pire que Ben Laden :
son successeur al Zawahiri
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Mort de Ben Laden

La mort de Ben Laden ouvre de nombreuses questions sur le futur d'al-Qaïda et les menaces de représailles qu'encourent l'Occident. Désormais, beaucoup de choses dépendent d'un homme : al Zawahiri, successeur probable de Ben Laden.

Mathieu  Guidère

Mathieu Guidère

Mathieu Guidère est islamologue et spécialiste de veille stratégique. Il est  Professeur des Universités et Directeur de Recherches

Grand connaisseur du monde arabe et du terrorisme, il est l'auteur de nombreux ouvrages dont Le Choc des révolutions arabes (Autrement, 2011) et de Les Nouveaux Terroristes (Ed Autrement, sept 2010).

 

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Atlantico : Quelles conséquences tirez-vous de la mort de Ben Laden ?

Mathieu Guidère : C’est une excellente nouvelle pour les Américains et le monde libre. La mort de Ben Laden correspond à la chute d’un symbole du terrorisme international. C’est une page du terrorisme qui est tournée, car il représentait une certaine forme de terrorisme : il considérait le terrorisme comme une carte de négociation entre les puissances occidentales et les régimes musulmans. Ben Laden était pour ainsi dire un "terroriste modéré" en comparaison avec d’autres chefs de l’organisation dans d’autres régions du monde, tel que le fut par exemple al Zarkaoui en Irak - un sanguinaire sans aucune concession - ou le numéro 2 d’Al-Qaïda al-Zawahiri.

La nouvelle génération d’al-qaïdistes est beaucoup moins encline au compromis et beaucoup plus radicalisée. Pour elle, le terrorisme est presque une fin en soi, elle ne cherche pas véritablement de résultats à ses actions terroristes : il s’agit, si l’on peut dire de « terrorisme pour le terrorisme » dans une logique jusqu'au boutiste.

Ben Laden cadrait la nébuleuse d’al-Qaïda, il était un canalisateur et constituait une force de focalisation qui permettait aux différentes mouvances de se greffer sur sa conception. Avec sa disparition, on risque d’assister à une surenchère qui va de pair avec l’absence de cadrage.

En fait, tout dépend d’al-Zawahiri qui devrait prendre la succession de Ben Laden. Celui-ci est très connu dans la mouvance djihadiste. Il a fait encore plus d’interventions que Ben Laden, il est porte parole d’al-Qaïda depuis 2001, son propagandiste depuis 2001, son idéologue depuis 1998. Il a donc la légitimité pour succéder à Ben Laden, d’autant plus que celui-ci lui a donné cette légitimité de son vivant.

Par conséquent, si al-Zawahiri va dans le sens d’une radicalisation, nous risquons de regretter Ben Laden le « terroriste modéré », s’il reste sur la même ligne idéologique – ce qui m’étonnerait – il n’y aura pas véritablement de changement.

Comment analysez-vous la façon dont les États-Unis ont mené l’opération et la manière dont ils ont communiqué à ce sujet ?

Barack Obama a été cohérent avec lui-même. Il a fait un travail de pédagogie, il a ménagé la sensibilité des musulmans,  il a d’ailleurs eu bien évidemment raison de distinguer les musulmans de Ben Laden : c’est louable et admirable. La manière dont il a présenté les choses fut très bonne.

Reste deux questions de fond :

  • A-t-on le droit de tuer quelqu’un au lieu de le traduire en justice ? Avait-on le choix ? Ce sont des questions que se poseront certains musulmans. A titre personnel je pense que les Américains n’avaient pas le choix : Ben Laden avait toujours affirmé qu'il mourrait en martyr et ne se laisserait pas prendre vivant. Il ne se serait jamais laissé faire, comme tous les chefs d’al-Qaïda, et toute sa garde rapprochée, il portait ainsi une ceinture d’explosifs à la taille en permanence.
  • Que faire du corps d’un terroriste ? Là, on peut avoir des réactions de la part des musulmans : la solution choisie n’est pas conforme au rite musulman pour l’enterrement. S’il avait été enterré selon les rites musulmans il y aurait eu le risque qu’il devienne un  martyr et que le lieu de son enterrement devienne un sanctuaire ou un lieu de prières. Ce risque là, les Américains ne pouvaient pas le prendre, c’est pourquoi il a été immergé en mer ; par ailleurs, cela rend impossible de retrouver le corps.

Les États-Unis et l’Occident doivent-ils s’attendre à des représailles ?

Si l’on se réfère aux pratiques passées d’al-Qaïda : à chaque fois qu’ils ont perdu un chef important, en particulier quand celui-ci a été tué par des Occidentaux, la nébuleuse a considéré ce chef comme un martyr, s’est empressé de créer une brigade de martyrs à son nom et a lancé des attentats. Cette tendance risque de se reproduire à nouveau. Il faut donc craindre qu’effectivement il y aient des tentatives d’attentats dans les mois à venir contre les Américains et les intérêts américains.

Mais tout dépendra des capacités de chacune des branches d’al-Qaïda à mener de telles actions. La branche en Afghanistan-Pakistan (AfPak) n’a plus les moyens de le faire car leurs chefs principaux viennent d’être éliminés. Donc ça ne peut venir que des branches opérationnels, c’est-à-dire Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa) située au Yémen, et AQMI (Al-Qaïda au Maghreb islamique).

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