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L’ancien patron de la Fed passe la sclérose européenne au karcher
©Reuters-Pawel Kopczynski

Ben Bernanke, le retour

Après une année de silence, Ben Bernanke revient au cœur du débat économique. Sans contrainte, l’ex Président de la FED, devenu bloggeur, revient sur les questions du moment, les politiques des banques centrales, l’avenir des pays développés, et la responsabilité de l’Allemagne dans la crise européenne.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Il était discret depuis un an. Ben Bernanke, ex Président de la Réserve fédérale des Etats-Unis, institution qu’il aura dirigée pendant les 8 années séparant 2006 et 2014, revient sur le devant de la scène. Un retour humble, organisé autour d’un simple blog, mais avec une force nouvelle pour celui dont le discours a été calibré au millimètre pendant près de 10 ans. Désormais, sa parole est libre et l’universitaire s’en donne déjà à cœur joie pour briser les idées reçues. En quelques jours seulement, Ben Bernanke provoque déjà le débat, et s’invite notamment à la table des enjeux européens.

Ben Bernanke "jette les retraités sous les bus" ?

Dans son premier article publié le 30 mars, l’universitaire, mondialement reconnu notamment en ce qui concerne les années 30, commence son chemin de croix en répondant aux habituelles critiques. Car pour nombre de commentateurs, Bernanke est le symbole vivant de l’irresponsabilité, l’homme de la planche à billets, des bulles financières et des subprimes. L’homme d’une "débauche monétaire" qui se caractérise aujourd’hui par des taux d’intérêts fixés à un niveau proche de 0% depuis la fin de l’année 2008.

"Lorsque j’étais Président de le FED, plus d’un parlementaire m’a accusé, moi et mes collègues du FOMC, de "jeter les retraités sous les bus" (pour utiliser les mots d’un sénateur) en maintenant des taux bas. Les parlementaires étaient sensibles au fait que les retraités vivent de leur épargne (...)."

L’accusation est toujours d’actualité. Les épargnants et les retraités seraient les premières victimes d’une politique de spoliation, à travers de faibles rendements, mise en place par l’institution monétaire. Et la réponse de Ben Bernanke est simple :

"Si l’objectif était que les retraités bénéficient durablement de meilleurs rendements, alors relever les taux d’intérêts aurait exactement été la chose à ne pas faire" (...) "Un relèvement prématuré des taux d’intérêts fixés par la FED aurait rapidement conduit à un ralentissement économique, et, en conséquence, à des rendements des investissements encore plus bas".

De la même façon qu’au courant des années 30, le Président de la FED fut régulièrement accusé de manipuler les taux d’intérêts à la baisse, alors même que cette baisse des taux ne faisait que traduire l’état de l’économie : dépressif.

"L’état de l’économie, et non la FED, est le déterminant ultime du niveau des taux réels. Ce qui aide à comprendre pourquoi les taux d’intérêts réels sont bas partout dans le monde industrialisé, et pas seulement aux Etats Unis".

Et en effet, comme le Prix Nobel Milton Friedman l’a souvent répété, des taux bas ne sont pas le signe d’une politique monétaire souple, mais bien le symptôme d’une économie dépressive.

La stagnation Séculaire, Larry Summers et Paul Krugman. Un débat de bloggeurs ?

Puis, dans un second temps, Ben Bernanke s’en prend à l’idée de la stagnation séculaire. Concept décliniste selon lequel l’économie des pays les plus avancés serait réduite à une croissance quasiment inexistante aux cours des prochaines années. Un débat qui avait été récemment mis sur la table par l’ancien secrétaire au Trésor des Etats Unis, Lawrence (Larry) Summers. Et dont le constat de base était simple : les économies avancées ne parviennent pas à utiliser la totalité de leurs capacités de production sans déclencher la formation de bulles financières destructrices.

L’ancien patron de la FED entre ainsi dans ce débat en rappelant la situation américaine actuelle. Notamment en constatant une croissance suffisamment forte au cours des dernières années pour avoir permis le retour au plein emploi, en ce mois d’avril 2015 ; et afficher un taux de chômage de 5.5%. Le concept a en effet pris du plomb dans l’aile puisque le pays est parvenu a créer plus de 10 millions d’emplois. Et pour ce qui concerne les bulles, Bernanke cite les travaux de Jan Hatzius (chef économiste de Goldman Sachs) :

"Qui conteste l’idée de Larry (Summers), que nous n’avions jamais connu le plein emploi au cours des dernières décennies sans la présence de bulles financières."

En effet, en désignant la formation tardive de la bulle des technologies (alors que le plein emploi était déjà atteint) et l’effet résiduel de la bulle immobilière sur la consommation lors des années 2000, le diagnostic se trouve affaibli. Il ne s’agit pas ici de prétendre que les bulles sont négligeables, mais de contester leur caractère obligatoire dans une situation de plein emploi. Le retour à une croissance saine et durable est possible.

Suite à cet article, Ben Bernanke a suscité de nombreuses réponses, aussi bien de Larry Summers lui-même, que de Paul Krugman, Prix Nobel d’économie, parmi d’autres encore. Signe d’un débat constructif et apaisé outre Atlantique. Un point à mettre en évidence afin de constater la faille béante qui sépare la vivacité et la qualité du débat américain par rapport au vide sidéral qui caractérise la pensée économique européenne de 2015.  Un vide comblé par Ben Bernanke lui-même dans sa dernière "sortie".

L’Allemagne est un problème

Dans son article publié le 3 avril, Ben Bernanke sort de sa réserve habituelle en titrant "L’excèdent commercial allemand est un problème". Un ton qui aurait été inimaginable lorsqu’il présidait la FED. Et son argumentation commence par une question:

"Pourquoi l’excédent allemand est-il si important ? Sans aucun doute, l’Allemagne fabrique des produits de bonne qualité que les étrangers veulent acheter. Pour cette raison, de nombreux commentateurs pointent cet excédent commercial comme le signe du succès économique. Pourtant, d’autres pays font de bons produits sans afficher de tels excédents."

Il serait en effet absurde de présenter les pays à fort déficit commercial comme étant des fabricants de produits de piètre qualité, que personne ne voudrait acheter. Les Etats Unis en tête (les Etats-Unis ont un déficit commercial permanent depuis 40 ans). Et pour répondre à cette question de la cause des excédents allemands, Ben Bernanke présente deux réponses :

"Si l‘Allemagne utilisait encore le Deutschemark, il est probable que le DM serait bien plus fort que l’euro aujourd’hui, réduisant ainsi substantiellement l’avantage du coût des exportations allemandes".

"Deuxièmement, l’excédent commercial allemand est favorisé par des politiques (politique budgétaire stricte par exemple) qui suppriment les dépenses domestiques du pays, incluant les dépenses sur les importations."

Pour être clair, l’excédent allemand est bien plus une stratégie économique que le résultat d’une quelconque "supériorité" des produits allemands. Et cette strategie est un problème :

"Dans un monde de faible croissance, qui a besoin de demande agrégée, l’excédent commercial allemand est un problème."

Un sujet qui, selon Ben Bernanke, devra être abordé au courant des prochaines réunions internationales. Un sujet, qui, surtout, devrait être abordé au sein même des institutions européennes.

En l’espace de quelques articles, Ben Bernanke jette des pavés dans plusieurs mares, celles des idées reçues. Et permet de réactiver le débat.

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