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Bataille de Mossoul : dans la peau d’un soldat de la Division d’or, le corps d’élite des forces irakiennes
©AHMAD AL-RUBAYE / AFP

Sous les balles des snipers

A Mossoul, l'Etat Islamique et la Division d'or s'affrontent au milieu des civils.

Florian Neuhof

Florian Neuhof

Florian Neuhof est journaliste pour The Daily Beast.

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Copyright The Daily Beast - Florian Neuhof

MOSSOUL, Irak - Les civils atteignent le bout de la rue et se dispersent sur un terrain vague dans le quartier de Samah, à l'est de Mossoul. Agitant des drapeaux blancs, ils hésitent brièvement avant de se diriger vers un groupe de soldats irakiens qui ont pris position dans plusieurs maisons. Mais ils ne sont pas encore en sécurité.

"Ils se dirigent vers des tireurs d'élite. Ils devraient passer ailleurs", dit un soldat qui les regarde depuis l'autre côté de cet espace.

Informés du risque, ils changent de direction. Environ 30 hommes, femmes et enfants se précipitent vers nous.

Les hommes sont décomposés, les femmes épuisées, les enfants perdus. Ils sentent la sueur, la poussière et la peur. Aucun d'entre eux ne s’est lavé depuis plusieurs jours.

Ils se dépêchent d’aller se mettre à l’abri des bâtiments, serrant les nouveau-nés, les tout-petits et les rares biens qu'ils ont pu emporter. Un petit garçon trébuche et tombe en criant avant que son père ne le ramasse et ne prononce quelques mots d'apaisement.

Une fois qu’ils ont traversé, les civils sont accueillis par un autre groupe de soldats, qui leur indiquent où aller. Ils devaient marcher plusieurs kilomètres jusqu'à Gogjali, un quartier juste à l'extérieur de Mossoul, où ils devraient être récupérés par des camions et transportés dans un camp pour les personnes déplacées.

Les soldats qui ont guidé ces familles vers la sécurité se sont battus pour arriver à Mossoul le 4 novembre, et depuis ils sont logés dans Samah et les quartiers adjacents de la banlieue Est de Mossoul. Ils appartiennent aux Forces de sécurité irakienne, plus communément connues sous le nom Division d'Or, le corps d’élite de ce pays.

Au cours d’intenses combats en zone urbaine, ils ont percé les défenses extérieures mises en place par le soi-disant Etat Islamique, et sécurisé un large couloir dans l'Est de la ville.

"Quand nous sommes entrés dans Mossoul le vendredi, mes hommes ont parfois combattu l'Etat Islamique au sein d’un même bâtiment", dit le colonel Munntatha al Samari du bataillon de la 2e Brigade ISOF. Depuis, ils ont du mal à coincer un ennemi insaisissable, qui refuse le combat et apparaît de façon inattendue pour lancer des attaques surprises avant de disparaître à nouveau.

"Daesh ne reste jamais au même endroit. Mais ils ne quittent pas le quartier, ils se cachent parmi les civils. Daesh leur a dit de laisser leurs maisons ouvertes. Ses hommes peuvent ainsi se déplacer d’une maison à l’autre en passant par des trous percés dans les murs", dit le colonel.

Les combattants de la Division d'or sont accroupis, retranchés dans des positions le long du corridor qu’ils contrôlent. Leurs Humvees noires garées devant les bâtiments abandonnés qu'ils occupent, les hommes gardent un œil attentif sur ce qui les entoure.

Aucune des zones officiellement contrôlées par des forces spéciales n’est sûre, et le silence tombe rarement sur ces zones à périphérie de Mossoul : coups de fusils, hoquet sourd des tirs de mitrailleuses lourdes, boom des frappes aériennes et d'artillerie auxquels l'Etat Islamique répond avec quelques tirs d’obus de mortier qui tombent à proximité.

L'emprise de la Division d'or sur le terrain se raffermit, mais c’est une tâche ingrate pour ces troupes qui ont été formées par les forces spéciales américaines pour mener des opérations de contre-terrorisme complexes, avec une précision chirurgicale.

Les forces spéciales irakiennes se battent aussi pour élargir le couloir vers le sud, pour tenter de rejoindre la 9e division blindée de l'armée irakienne, qui est entrée dans la ville au sud-est.

Mardi. "On attend l’ordre d’aller de l'avant", dit le colonel Muntatha, et les unités ISOF en profitent pour réparer les véhicules et se préparer pour le prochain combat. Pendant qu’ils reprennent leur souffle, la vie reprend dans le quartier. Alors que beaucoup de civils ont fui les combats, de nombreuses familles sont restées, préférant leurs maisons à l'incertitude de déplacement.

"Nous pouvons mourir aussi bien ici que là-bas. Alors autant mourir dans nos maisons", dit Fawsi Wahid, 57 ans, chef d'une famille vivant en face d'une position de la deuxième brigade ISOF à Samah.

Sa famille, qui comprend 16 personnes, a dû faire de la place pour d’autres proches, ce qui a doublé le nombres d’habitants de cette maison. La nourriture est rare, et les familles subsistent avec une soupe de farine épaisse mélangée avec des morceaux de pain depuis deux mois.

Les enfants sourient à la caméra, mais lorsqu'on les interroge sur la situation, le petite-fille de Wahid Tiba (9 ans) éclate en sanglots. Les combats et les bombardements de mortier n’ont pas été très durs durant les deux derniers jours, dit Wahid de manière rassurante.

Environ 34 000 personnes ont fui Mossoul, ainsi que les villes et villages environnants jusqu'à présent, un chiffre dérisoire par rapport à la population de la ville, qui est estimée à encore plus d'un million. Le gouvernement et les Nations Unies craignent que ce petit groupe ne se transforme en une marée humaine écrasante pour les moyens humanitaires qui manquent de budget, et pour l'armée qui a reçu l'ordre d'essayer de maintenir les civils dans leurs maisons.

L'Etat Islamique fait de même, et empêche les civils de fuir la ville, sachant que leur présence rend difficile le soutien aérien de la coalition menée par les Etats-Unis, et gêne les soldats irakiens sur le terrain. Les insurgés ont même enlevé des habitants de villes en-dehors de Mossoul et les ont utilisé dans la ville comme boucliers humains.

Une stratégie brutale qui fonctionne.

"Les avions voient les positions de l'Etat Islamique, mais s'ils attaquent ils pourraient tuer des civils. Donc, il n'y a pas beaucoup de frappes aériennes", dit le colonel Muntatha.

Il se rappelle une autre tactique récente de l'Etat Islamique, toute aussi néfaste. La veille, les habitants lui ont signalé une voiture-suicide piégée abandonnée. Le matin, l'officier fait des préparatifs pour éliminer la menace. Les voitures piégées, Vehicle Borne Improvised Explosive Devices (VBIEDs), sont un danger mortel pour les troupes irakiennes et kurdes depuis le début de l'opération de libération de Mossoul, il y a trois semaines.

Si le véhicule n’est pas détruit, l'Etat Islamique peut s’infiltrer jusqu’à la voiture pour commettre un nouvel attentat suicide. Ne voulant prendre aucun risque, le colonel ordonne à l'un de ses hommes de tirer un missile anti-char AT-4 sur la voiture, dont le capot est recouvert de tôle.

Le soldat obéit, mais le missile ne parvient pas à faire exploser les explosifs chargés dans la voiture. Les soldats de la Division d'Or ne sont pas du genre à ne pas accomplir une mission. Un peu plus tard, un char de combat Abrams emprunté à la 9e division se met en position, et réduit la voiture en morceaux avec son canon.

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