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Banque centrale du Japon le matin, Banque centrale des États-Unis le soir : nous sommes bien protégés !
©Reuters

Conjoncture économique

Ce mercredi 21 septembre a été marqué par les annonces quasi simultanées des banques centrales japonaises et américaines. Si la première met tout en oeuvre pour immuniser ses taux longs, la seconde cherche à prolonger autant que faire se peut la reprise américaine.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Commençons par le Japon. Ce 21 septembre au matin, la Banque centrale du Japon (BoJ) publie une note sur sa nouvelle politique monétaire. L’idée fondamentale est qu’elle veut toujours atteindre 2% d’inflation, même si elle rate cet objectif depuis longtemps. L’inflation japonaise est en effet de -0,5% sur un an et de +0,3%, si on enlève l’énergie et les produits alimentaires. 

Pour atteindre cet objectif d’inflation, la Banque centrale va continuer à acheter des bons du trésor au rythme de 80 trilliards de yens l’an (soit 700 milliards d’euros), ainsi que des titres privés pour plus de 10 trilliards de yens (soit environ 90 milliards d’euros). Son idée est toujours de faire baisser le yen, sans trop le dire, pour importer de l’inflation. Elle veut signaler aussi aux marchés qu’elle n’a pas de limites, puisqu’elle ne se donne ni objectif quantitatif pour ses achats, ni date butoir. Sa stratégie est toujours la même : faire évoluer les anticipations d’inflation vers le haut, de façon à ce qu’elles se matérialisent enfin…

Ce faisant, la Banque du Japon joue très gros jeu. Elle va bientôt détenir le tiers de la dette publique japonaise. La base monétaire du pays va égaler son PIB. Pour faire repartir la machine économique, et avec elle l’inflation, la Banque centrale décide maintenant de s’engager à acheter les bons du trésor pour qu’ils restent durablement au voisinage de 0%. Elle entend guider l’ensemble de la courbe des taux. En même temps, en augmentant ses achats de titres, elle soutient les banques qui, par ailleurs, ont été très affectées par sa politique. Au fond, elle monétise la dette et renforce les banques pour que celles-ci continuent à faire des crédits à l’économie.

À chaque fois, on se demande quand ceci va s’arrêter. Normalement, la politique japonaise de reflation obéit à la doctrine des "trois flèches" du premier ministre Abe. La première flèche est celle de la politique monétaire, dont on voit les difficultés de fonctionnement, au risque d’inquiéter sur le yen. La deuxième est celle de la réduction du déficit budgétaire, notamment par la hausse de la TVA. Mais elle a été remise dans le carquois, par crainte de récession. La troisième flèche est celle des réformes structurelles, toujours à l’état d’ébauche pour des raisons largement politiques. Pourtant, aussi longtemps que le Japon ne renforce pas ses capacités productives : démographie en berne, très faible participation féminine au marché du travail et accueil trop limité de travailleurs étrangers, la croissance du pays paraît peu tonique. Au fond, la politique monétaire de la Banque du Japon consiste à ne pas être attirée par celle des États-Unis, qui fait monter les taux longs. C’est bien pourquoi elle parle quelques heures avant elle. En même temps, hasard heureux du calendrier, le Premier Ministre Abe, à New York, s’engage à mener les réformes structurelles promises, notamment sur le marché du travail. Heureusement car la Banque du Japon, seule ne pourra pas réussir.

Continuons avec les États-Unis. La Banque centrale américaine (Fed) publie le 21 septembre au soir son analyse et ses décisions. Elle ne monte pas ses taux d’intérêt à court terme, les maintenant entre +0.25% et +0.5%. Elle envoie en même temps le message qu’elle s’apprête à le faire, graduellement, tout en restant au-dessous de sa cible de long terme. Les marchés auront compris qu’il s’agit de décembre. Pour ne pas augmenter ses taux, alors que l’inflation reprend légèrement (vers 1,1% sur un an) et que le taux de chômage est à 4,9%, suscitant maintenant des hausses de salaires, elle met l’accent sur la nécessité de consolider le processus, qu’elle juge encore fragile. En effet, on peut toujours penser qu’une part des salariés américains qui pourraient travailler n’ont pas encore rejoint le marché du travail (un point très important pour Janet Yellen, la Présidente). La Fed joue ainsi la durée pour les y faire revenir. Cependant, cette vision n’est pas partagée par tous les membres du Comité en charge des taux (FOMC) puisque trois de ses membres auraient souhaité une hausse immédiate. Ce fait est à signaler.

Bien sûr, on ne parlera pas de politique ! Or la Fed est très critiquée par Donald Trump, qui juge qu’elle mène une politique de soutien à Barack Obama, avec des taux d’intérêt trop faibles qui égarent la bourse. Donald Trump a même indiqué que, lui président, il ne proposerait pas que Janet Yellen soit reconduite à son poste en 2018. Cette pression, rare, ne devrait pas pousser la Fed à augmenter ses taux en septembre, comme on l’a vu. Mais elle pèse sur les esprits.

Depuis le début du mois de septembre, en effet, avec la montée de Donald Trump dans les sondages, les taux d’intérêt à long terme ont beaucoup augmenté. Ils passent ainsi de 1,5% début septembre à 1,7% actuellement. Comme on s’en doute, la Fed, en parlant (forward guidance), va essayer de calmer le jeu. Mais elle ne peut pas tout faire : d’ores et déjà, le peso mexicain est très affaibli et le dollar canadien se met à fléchir, inquiet par la volonté de Donald Trump de renégocier l’accord NAFTA avec le Mexique et le Canada.

Au total, la Fed essaie de prolonger autant que possible la reprise américaine en calmant la montée des taux longs, mais elle a commencé. La BoJ joue sa part, en essayant d’immuniser ses taux longs et en attendant que les prix remontent, peut-être grâce au pétrole. Elle est patiente. Souhaitons que les marchés financiers, surtout la Bourse, le soient aussi.

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