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“Bank run” ? Les Français vont-ils se ruer à leur tour vers les banques pour retirer leurs économies ?
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Tous aux guichets !

L'agence de notation Moody's a abaissé lundi la note de la dette de vingt-huit banques espagnoles, et s'attaquait la semaine précédente aux notes de crédit de la Société Générale, de BNP Paribas et du Crédit agricole. Conséquence pour ces banques, une plus grande difficulté à se refinancer sur les marchés financiers, alors même que leur exposition au défaut grec est toujours forte. Les Français semblent toutefois garder confiance en leurs banques...

Alexandre Baradez

Alexandre Baradez

Alexandre Baradez, 33 ans, diplômé de l'ESCE (Paris/La Défense) en 2003 a d'abord évolué plusieurs années chez BNPPARIBAS puis la Banque ROBECO en gestion privée avant de rejoindre SAXO BANQUE en 2009 en tant que Sales Trader. Son expérience des marchés financiers et plus particulièrement du marché des devises lui confère rapidement le rôle d’Analyste Marchés. Interlocuteur privilégié des médias français, il délivre quotidiennement des analyses sur les marchés financiers, tendances, risques macro-économiques et participe régulièrement à des conférences dédiées aux investisseurs. En novembre 2013, il rejoint le groupe IG, leader mondial des CFD, côté à Londres au FTSE 250, en tant que Chief Market Analyst.

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Atlantico : L'agence de notation Moody's a abaissé lundi la note de la dette de vingt-huit banques espagnoles, et s'attaquait la semaine précédente aux notes de crédit de la Société Générale, de BNP Paribas et du Crédit agricole. Conséquence pour ces dernières, une plus grande difficulté à se refinancer sur les marchés financiers, alors même que leur exposition au défaut grec est toujours forte. Après la Grèce (- 72 milliards d’euro depuis 2010), l’Espagne (- 41 milliards), l’Italie (- 30 milliards) et même la Belgique (- 120 milliards), les Français pourraient-ils succomber au « bank jog », voire au « bank run », et retirer leur épargne des banques ?

Alexandre Baradez : La France n’est pas dans cette situation. La Grèce a connu effectivement des retraits massifs (jusqu’à 800 millions d’euro par jour) des avoirs détenus par ses citoyens, du fait d’une très grande aversion envers leurs banques. Il y a donc eu un véritable risque systémique.

Les 15 grandes banques mondiales dégradées l’ont été du fait du contexte économique actuel. Mais seules les banques les plus médiatiques - et les plus importantes de chaque zone géographique concernée - ont été touchées. Il y a donc avant tout un aspect communicationnel dans la prise de position de l’agence de notation Moody’s.

Malgré leur dégradation, les trois plus grandes banques françaises restent dans une situation qui est loin d’être catastrophique. Nous sommes donc à des millénaires d’un scénario grec, caractérisé par une défiance totale envers le système bancaire. On ne totalise que 90 millions d'euro de retraits.

Cette réaction traduit en réalité d’un climat plus tendu qu’auparavant avec une dégradation de l’économie mondiale. Les grosses banques européennes ont dans leur bilan des emprunts d’Etat. Quand ces derniers se dévalorisent, comme c’est le cas actuellement pour les pays fragiles de la zone euro, cela impacte obligatoirement les bilans. Quand elles doivent avoir des rentrées de fonds propres, pour arriver à des niveaux de recapitalisation importants, il faut automatiquement qu’elles fassent du « deleveraging » (processus de désendettement qui peut inclure la vente d’actifs, allègement de positions). C’est ce qu’elles font depuis deux ans maintenant.

La Banque centrale européenne a annoncé une diminution des niveaux de contraintes imposés aux banques pour leur prêter des fonds, moins de 24 heures après l’annonce de la dégradation des grandes banques mondiales, afin notamment de rassurer les marchés sur la continuité de l’accès aux crédits pour les banques. De quel programme compte user la BCE (LTRO, ELA = programme d'urgence, autre) ?

Pour l’instant, cela constitue simplement une déclaration… La BCE a toutefois annoncé vouloir abaisser les niveaux de garantie, mais on ne parle pas encore de LTRO 3 ou de nouveaux plans de recapitalisation.

Cela peut tout simplement se convertir en opérations ponctuelles pour les banques qui en feront la demande. C’est vraiment liée aux besoins des banques et pas encore englobé dans un package type LTRO (refinancement à long terme à des taux d’intérêt préférentiels).

Il peut y avoir cependant une espèce d’action concertée de la part des banques centrales ou une action de la BCE à plusieurs niveaux : une action globale en termes de baisse de taux, couplée à une action sur les liquidités, type LTRO… Avec du crédit à volonté à des taux quasi nuls, pour agir sur les deux tableaux.

Reste la seule vraie question qui pose problème aujourd’hui : par quel mécanisme recapitalisons-nous aujourd’hui les banques ? Pour l’instant, comme l’Espagne est le seul pays "important" en terme de poids économique à être concerné par ces recapitalisations, et les montants n’excédant pas les 100 milliards, le FESF ou même le MES suffisent. Mais si demain les prix de l’immobilier tombent encore de 20 à 25% en Espagne, et que la situation économique continue à se dégrader en zone euro, ces montants pourraient très vite devenir insuffisants… Notamment parce que les actifs « illiquides » des banques (immobilier, etc.) auraient perdu de la valeur, et constituerait donc des pertes supplémentaires dans leurs bilans.

Pourrait-on assister à un effet domino au sein de l’Europe ? Comment les éventuelles faillites de banques grecques ou espagnoles pourraient-elles impacter le reste du secteur bancaire européen ?

Durant la précédente crise des subprimes, nous avons eu déjà des cas de banques qui ont fait faillites. La banque britannique Northern Rock avait fait faillite et a été recapitalisée immédiatement par l’Etat.

Si cela devait arriver en Espagne, c’est d’abord l’Etat espagnol qui viendrait au secours de la banque. Il pourrait faire ensuite faire appel au FESF. Au final, la BCE interviendrait de façon plus massive, même si pour l’instant elle ne le veut pas car cela serait la porte ouverte aux dérives budgétaires.

Peut-on imaginer que les États en difficulté comme l’Espagne, l’Italie ou la Grèce, décident de limiter la fuite des capitaux, en plafonnant les retraits bancaires par exemple ?

Nous sommes dans une situation d’urgence où toutes les mesures sont possibles. Mais il y a encore beaucoup de leviers à exploiter avant d’envisager un « exit » rapide.

Le bilan de la BCE a très peu grossi depuis la crise grecque, rein à voir avec celui de la Fed (réserve fédérale américaine). Il lui reste donc une marge de manœuvre colossale. Pour l’instant, elle ne monte pas plus au créneau car son lien avec l’Allemagne est très fort. Et tout le monde sait que l’Allemagne prône la rigueur budgétaire et ne veut pas lâcher du lest de ce côté-là.

Le fédéralisme politique et bancaire devrait déterminer la capacité de l’Europe à réagir. Entre temps, l’Europe pourrait tout de même accroître la capitalisation du FESF ou du MES, même si pour l’instant les Etats sont contributeurs et doivent donc se garantir eux-mêmes contre un défaut. La BCE pourrait à ce moment-là intervenir directement au niveau du FESF ou du MES.


Le risque d'une faillite bancaire généralisée peut-il constituer un mal pour un bien, et précipiter le fédéralisme politique en Europe ?

Avant la faillite bancaire, je pense que nous aurions une montée des taux qui sera à la limite du supportable. Les taux espagnols seront montés au-delà des 8/9%, les bilans des banque seraient fortement impactés. A court terme, en restant dans les 6/7%, nous ne sommes pas confrontés à ce risque-là.

Les quatre plus grosses économies de la zone euro clament haut et fort que l’euro est un processus irréversible. La crise catalyse le fédéralisme. Pour l’instant, la volonté est clairement de garder la Grèce dans la zone euro. On a d’ailleurs tout fait pour que le vote grec tourne en faveur du parti de droite « Nouvelle Démocratie ».

Tout est donc fait pour accroitre le fédéralisme. Et tout le monde - ou presque - a conscience que si demain la zone euro éclate, nous ne ferions plus le poids face à des mastodontes économiques comme les Etats-Unis ou l’Asie. Préserver une zone fédérée avec des mesures communes est donc capital, notamment si l’on est soumis à des attaques des marchés financiers du jour au lendemain (une attaque sur la monnaie nationale sur le marché des changes par exemple).

En définitive, le processus vers plus de fédéralisme dans lequel l’Europe est engagée est véritablement irréversible. On arrivera au final, et c’est une certitude, à l’instauration d’une certaine forme d’eurobonds ou de project bonds (déjà dans les tuyaux européens). Nous n’avons pas le choix. Pour faire tomber la fièvre qui touche l’Europe aujourd’hui, au niveau des taux d’intérêt notamment, les appels au marché devront se réaliser de façon commune et non plus individuelle.

Propos recueillis par Franck Michel

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