Bangladesh : le miracle économique dont les racines étaient à nulles autres pareilles<!-- --> | Atlantico.fr
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Le secteur textile (ici, des employés sèchent des tapis nouvellement teints) est en grande partie responsabilité de la vitalité économique du Bangladesh.
Le secteur textile (ici, des employés sèchent des tapis nouvellement teints) est en grande partie responsabilité de la vitalité économique du Bangladesh.
©Munir UZ ZAMAN / AFP

Croissance

Le PIB par habitant du Bangladesh représentait environ la moitié de celui du Pakistan en 1987 et deux tiers de celui de l'Inde en 2007. Mais en 2020, le Bangladesh a dépassé le premier et est en train de rattraper le second, notamment parce qu'il a réussi à devenir un acteur majeur de la filière textile.

Olivier Guillard

Olivier Guillard

Olivier Guillard est spécialiste de l’Asie au CERIAS (Université du Québec à Montréal) et directeur de l’information de Crisis 24 (groupe GardaWorld).

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Atlantico : Comment l’État du Bangladesh est-il arrivé à se moderniser pour sortir du marasme économique ? 

Olivier Guillard : Saluons avant toute chose les progrès remarquables réalisés dans ce secteur lors de la décennie écoulée ; si la gouvernance – un point historiquement faible dans ce jeune pays d’Asie méridionale célébrant cette année son 50e anniversaire – demeure sujette à caution et le gouvernement actuel (Première ministre Sheikh Hasina de l’Awami League, au pouvoir depuis 12 ans…) taxé de glisser vers l’autoritarisme et le népotisme, il n’empêche que sa politique économique décisive est un indiscutable succès, que peu d’observateurs (sinon de Bangladais eux-mêmes…) entrevoyaient lorsque l’Awami League revint aux affaires en 2009.

Quels sont les secteurs de sa production qui ont permis au pays de revenir gagnant sur la scène internationale ?

Il est un secteur cardinal alimentant à lui tout seul ou presque cet impressionnant dynamisme économique : celui de la confection, de l’industrie textile, très loin devant tout autre, générateurs de revenus pour ses produits destinés notamment à l’export. En la matière, le Bangladesh occupe aujourd’hui le second rang mondial (derrière la Chine) ; un secteur offrant quatre millions d’emplois (à destination de la population féminine en priorité) à une population principalement rurale (plus de 6 Bangladais sur 10 vivent encore dans des villages) par ailleurs de moins en moins attirée par le secteur primaire (agriculture), alors que l’industrie et les services (tertiaire) ont le vent en poupe.

Toujours aussi conséquentes, les remises (fonds) envoyés par milliards de dollars chaque année vers le pays par la diaspora économique bangladaise ventilée du Golfe persique aux États d’Europe occidentale participent également très significativement à cette vitalité enviée par l’ensemble de ses voisins du sous-continent indien, et bien d’autres…

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Cette croissance pourrait-elle à l’avenir améliorer la vie des Bangladais ? 

Au Bangladesh, pays figurant dans la catégorie onusienne des pays les moins développés, 8e démographie de la planète et parmi les États les plus densément peuplés du globe (1 100 habitants au km² ; soit dix fois plus que pour la France métropolitaine…), la vigoureuse croissance économique de ce XXIe siècle a déjà extrait de la pauvreté plusieurs dizaines de millions d’individus.

Ce mieux-être économique assez récent se décline également au niveau de l’amélioration significative de certains indicateurs de santé, même si la situation générale demeure fragile (en 2020, au niveau de l’indice de développement humain – IDH – du PNUD, le Bangladesh figurait au 133 rang mondial). La condition féminine, souvent ténue dans ce pays volontiers conservateur et où l’alphabétisation reste insuffisante (74 % de la population adulte de plus de 15 ans sait lire écrire et compter), a connu quelque amélioration bienvenue, notamment du fait de l’accès au travail dans la dynamique branche de l’industrie textile.

Face au géant indien ou son frère pakistanais, le Bangladesh peut-il espérer prendre une place dans la géopolitique locale ? 

Il est à craindre que les gains économiques, socio-économiques et en termes de développement de la décennie écoulée, tout indiscutables soient-ils, ne puissent se traduire concrètement sur le champ bien différent de l’influence régionale, de la fragile géopolitique du sous-continent indien qui continuera à être façonnée prioritairement par ses deux plus importantes et influentes composantes, l’Inde et le Pakistan.

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Le fait que Dacca entretienne des relations structurelles, constantes et consistantes (économiquement, commercialement notamment) avec Pékin – le rival stratégique de l’Inde dans cette partie du monde -, pourrait à l’occasion, en cas de nouvel épisode de tension durable entre les capitales indienne et bangladaise (il y en a eu par le passé), placer quelque peu différemment l’ancienne province orientale du Pakistan (jusqu’à sa sécession en 1971) sur l’échiquier géopolitique d’Asie du Sud, sans pour autant en faire une pièce maîtresse.

Impliquée – malgré elle – dans la crise des Rohingyas (700 000 réfugiés rohingyas musulmans ont quitté dans la précipitation et la douleur l’Arakan, dans l’Ouest birman à l’été 2017, pour trouver refuge dans l’extrême sud-est du Bangladesh), Dacca souhaiterait compter sur un secours plus ample, plus rapide, de la communauté internationale ; une assistance extérieure qui tarde hélas à se concrétiser, agitant à la difficulté pour ce pays déjà fort peuplé et encore carenciel dans bien des secteurs d’assurer un soutien adapté à ces centaines de milliers de réfugiés ayant tout laissé derrière eux voilà déjà quatre ans.

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