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Baisse poussive des chiffres du chômage : le reflet d’un agenda de réformes gouvernementales trop timide
©PHILIPPE LOPEZ / AFP

Stagnation de la courbe

Les chiffres du chômage ont déçu lors de leur publication. Que peut-on attendre pour les prochains mois ? La lenteur de la baisse du chômage révèle-t-elle un agenda réformateur en deçà des promesses ?

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : Après les chiffres de la croissance, ce sont les chiffres du chômage qui ont déçu lors de leur publication, avec un taux de 9.1% pour le second trimestre 2018 selon l'INSEE. Au regard des réformes déjà mises en place, et de celles qui prévues par le gouvernement, que peut on attendre pour les prochains mois ?

Philippe Crevel : Après la dégradation du 1er trimestre (+0,3 point), le taux de chômage a baissé au cours du deuxième trimestre 2018 de 0,1 point. Il s’est ainsi établi à 9,1 % de la population active. Sur un an, il a baissé de 0,3 point. 
Pour la France métropolitaine, le nombre de chômeurs a, selon l’INSEE, baissé de 48 000, à 2,5 millions de personnes. Le taux de chômage a également diminué de 0,2 point sur le trimestre (après +0,3 point au premier trimestre). Il est désormais de 8,7 % de la population active. 
Ce résultat peut apparaître décevant au regard des réformes entreprises et au regard des performances enregistrées par nos voisins. Plusieurs Etats dont l’Allemagne, les Pays-Bas, la République tchèque ou l’Autriche sont en situation de plein emploi. Mais, cette petite baisse de 0,2 point du taux de chômage traduit assez bien la situation française. En effet, l’économie française souffre d’atonie avec une croissance de 0,2 % pour chacun des deux premiers trimestres. Par ailleurs, les entreprises éprouvent de plus en plus de difficulté à trouver sur le marché du travail des profils adaptés aux postes à pourvoir. Pour certains experts, le taux de chômage structurel de la France serait très élevé. Il se situerait autour de 8,5 %. De ce fait, la résorption du chômage de masse que connaît notre pays ne peut être que très lente. Avec une légère accélération de la croissance attendue pour le deuxième semestre, sous réserve qu’aucune catastrophe ne survienne (guerre commerciale, problèmes financiers en Italie, dérapage au niveau du Brexit), le chômage pourrait baisser de 0,2 à 0,3 point d’ici la fin de 2018 ce qui laissera la France très au-dessus de la moyenne de la zone euro (8,3 % au mois de juillet dernier). 

L'agenda de réformes du gouvernement peut-il être en mesure de compenser le ralentissement de la croissance observé en 2018 ?

Par nature, les réformes structurelles mettent du temps à porter leurs effets. Il faut attendre entre 18 mois et 36 mois. De ce fait, il ne faut pas s’attendre de miracles pour le second semestre. Par ailleurs, les ordonnances travail même si elles comportent quelques avancées ne révolutionnent pas notre droit au point de créer un véritable choc d’offre. 
Dans les prochains mois, la réforme de la formation et de l’assurance chômage devrait entrer en vigueur avec des effets attendus en 2020. Le Gouvernement devrait accélérer son calendrier et surtout encourager la montée en gamme de l’outil productif français. Pour cela, une refonte de la grille des cotisations sociales serait nécessaire. Le système actuel avec ces mécanismes d’exonération des charges sociales pour les bas salaires ne favorise pas la montée en gamme. Il constitue une chappe de plomb pour les entreprises et pour les salariés. Il condamne la France à être un producteur de biens et services de gamme moyenne. Or, en la matière au regard de niveau des prélèvements, les entreprises françaises ne peuvent pas être compétitives. La mise en place d’un abattement de charges sur les 800 premiers euros de salaire, applicable à tous sauf pour les actifs employés à temps partiel ou en intérim, supprimerait les effets de seuil tout en pénalisant pas les petits salaires. 

Le même jour, le Royaume Uni publiait un niveau de chômage au plus bas depuis 1975, et ce, malgré l'environnement du Brexit. Comment comprendre un tel décalage entre deux pays qui partagent pourtant plusieurs similitudes, notamment dans leur croissance démographique, et certains défis, comme la question industrielle ? 

Selon les chiffres publiés ce mardi par l'Office national de statistiques (ONS), le taux de chômage, au Royaume-Uni était au 2e trimestre de 4 %, soit son plus bas niveau depuis presque 43 ans. Il faut en effet remonter aux premiers mois de 1975 pour retrouver un niveau aussi bas. Par ailleurs, pour le moment, les Britanniques bénéficient du départ des Européens. Le nombre des travailleurs de l'Union européenne employés au Royaume-Uni a baissé, de 86 000 de moins qu'il y a un an, soit « la plus forte baisse annuelle » constatée depuis 10 ans. Les entreprises doivent faire face à une pénurie de main d’œuvre. Près de 829 000 postes étaient vacants au Royaume-Uni au deuxième trimestre, ce qui est là encore un niveau record. Cette situation devrait contribuer à peser sur la croissance du Royaume-Uni dans les prochains mois. 
Le marché du travail est très flexible. Les procédures d’embauche et de licenciement sont faciles. Les horaires sont ajustables pour suivre l’activité. Par ailleurs, la faible indemnisation du chômage dissuade les chômeurs à demeurer longtemps sans activité professionnelle. La culture britannique est différente de celle de la France. Les Britanniques préfèrent prendre un travail mal payé et ne correspondant pas à leurs compétences que d’attendre au chômage. 

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