Baisse de la rémunération du Livret A : faut-il s’en détourner et pour épargner où ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Actuellement à 1,75%, le taux du Livret A pourrait passer à 1,5 ou 1,25% le 1er août.
Actuellement à 1,75%, le taux du Livret A pourrait passer à 1,5 ou 1,25% le 1er août.
©Reuters

Bas de laine

Actuellement à 1,75%, le taux du Livret A pourrait passer à 1,5 ou 1,25% le 1er août, consécutivement au recul de l'inflation. Si cette baisse devait se vérifier, s’agirait-il toujours d’un placement intéressant pour les épargnants ?

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : Actuellement à 1,75%, le taux du Livret A pourrait passer à 1,5 ou 1,25% le 1er août, consécutivement au recul de l'inflation. Si cette baisse devait se vérifier, s’agirait-il toujours d’un placement intéressant pour les épargnants ? Aurait-il encore des avantages ?

Philippe Crevel : Ce qui compte en matière de rendement pour l’épargne, c’est le taux d’intérêt réel, c’est à dire celui qui est calculé en prenant en compte l’inflation. Avec une inflation revenue à 1 % contre 1,4 % à la fin de l’année 2012, le rendement réel du Livret A est passé de 0,35 à 0,75 %. De ce fait, par application des règles en vigueur, le taux de rémunération du Livret A et du LDD devant se situer au moins à 0,25 point au-dessus de l’inflation, le gouvernement pourrait, au moins d’août, abaisser ce taux à 1,25 % sous réserve que l’inflation reste à son niveau actuel.

Il est fort probable que le taux de 1,5 % soit retenu car l’inflation pourrait légèrement progresser. De plus, le gouvernement souhaitera ne pas trop mécontenter les épargnants modestes. Au-delà de cette question du taux, il faut avoir en tête que le Livret A n’a jamais été un placement rémunérateur pour les épargnants. Il s’agit d’une épargne de précaution de court terme. Quand le taux était à 8,50 % en 1981, le taux d’inflation étant à plus de 10 %, le rendement réel de ce produit était alors négatif. Du fait de sa parfaite liquidité et de la garantie totale du capital, le Livret A conserve des avantages qui en fait le produit le plus populaire. La liquidité et la sécurité ont un prix que les épargnants doivent intégrer.

Quelles sont aujourd'hui les alternatives intéressantes pour les épargnants ?

Au-delà de l’épargne de précaution, les épargnants doivent regarder du côté de l’autre grand produit d’épargne, l’assurance-vie, qui offre tout à la fois de la souplesse et une sécurité certaine avec le fonds euros. Ce dernier est rémunéré en moyenne autour de 3 %. Les épargnants peuvent, en outre, diversifier leurs placements en optant pour les unités de compte. Certes, le produit est légèrement fiscalisé avec application des prélèvements sociaux et d’un prélèvement libératoire qui varie de 35 à 7,5 % en fonction de la date de l’ouverture du contrat et après application d’un abattement.

Certains épargnants pourraient être attirés par des Livrets bancaires qui bénéficient de taux promotionnels mais il faut souligner que ces taux sont limités dans le temps et que la fiscalité a été fortement accrue avec la loi de finances pour 2013.  ceux qui avaient cru au mirage de l’or en sont pour leurs frais. L’or est avant tout un placement spéculatif qui avait atteint à plus de 1700 dollars l’once un niveau peut tenable sur longue durée. Certes, une crise diplomatique ou militaire pourrait créer une nouvelle envolée mais sur long terme, cela reste un placement hasardeux. En matière d’immobilier, la prudence est de rigueur. La France est confrontée à une bulle immobilière, les prix ayant doublé en dix ans. Ils ont commencé à baisser en 2012, cette baisse devrait se poursuivre cette année. Seules quelques niches devraient dans ce secteur tirer leurs marrons du feu, les établissements pour personnes dépendantes, l’investissement immobilier dans des régions à forte intensité touristiques…

Et pour l'économie ?

Le rapport de Karine Berger et de Dominique Lefebvre a souligné qu’il était nécessaire de maintenir, voire de renforcer l’épargne longue en France. Les entreprises françaises souffrent, en effet, d’un manque de fonds propres, ce qui réduit d’autant leurs capacités d’investissement. Pour améliorer le financement de l‘économie, les épargnants devraient opter pour le Plan d’Epargne en Actions ou les contrats d’assurance-vie en investissant sur les unités de compte. En termes de rendement, ce n’est pas une mauvaise affaire car les entreprises dégagent des bénéfices et qu’en 2012, les actions du CAC 40 se sont appréciées de plus de 12%.

Les grandes entreprises sont de moins en moins dépendantes de la zone euro, ce qui permet de limiter l’impact de la récession en cours. Les Français ne sont pas portés sur le risque en matière de placement. Ils ont tendance à aller sur les marchés boursiers quand ils atteignent des sommets pour en sortir quand ils sont en creux de cycle. Pour éviter de perdre de l’argent, il faut investir régulièrement en bourse et surtout savoir prendre ses plus-values. Les épargnants français sont bien souvent trop statiques. Or, aujourd’hui plus qu’hier, les entreprises qui éprouvent des difficultés à se financer auprès des banques doivent pouvoir disposer de ressources sur les marchés financiers.

La collecte du Livret A va à 65% dans le fonds d’épargne logé à la Caisse des dépôts, qui finance essentiellement des prêts au logement social, aux collectivités locales, aux hôpitaux et aux transports. Quelles conséquences aurait un détournement massif des épargnants de ce produit d'épargne ? 

Aujourd’hui, compte tenu de la forte collecte de 2012, près de 50 milliards d’euros pour le Livret A et le LDD, la Caisse des dépôts dispose de réserves suffisantes pour financer les programmes de construction de logements sociaux. La question est de savoir si l’argent collecté est bien utilisé. Il faudrait un débat sur le sujet. La transformation d’une épargne liquide et garantie à 100 % en ressources longues pour la sphère sociale a un coût élevé. Il faut rémunérer les intermédiaires, les banques et disposer à travers le fonds d’épargne d’un matelas pour répondre aux besoins des épargnants. Le coût du financement du logement social est élevé, bien plus qu’un recours direct au marché.

Certes, depuis le début de l’année, la collecte nette de ces deux produits diminue mais demeure positive. Au mois de mars, 2,8 milliards d’euros ont été collectés et sur le premier trimestre, les Français ont placé sur leurs Livrets A et de développement durable plus de 16 milliards d’euros. Même à 1,5 %, il est fort probable que les Français continuent de renforcer leur épargne de précaution du fait de la crise.

Cette plus faible attractivité du Livret A n’est pas pour inciter les banques à hausser les taux de leurs produits d’épargne pour les rendre plus attractifs. Avec un taux de livret A en baisse et les autres qui ne varient pas, qui, des banques ou des particuliers, a finalement le plus à gagner ?

Nous sommes dans une période de faibles taux d’intérêt car les banques centrales, pour soutenir l’économie et pour faciliter le financement des Etats, ont décidé de fixer à des niveaux historiquement bas leurs taux d’intervention. Les épargnants sont appelés à payer ce surendettement soit sous forme d’impôt, soit sous forme de sous-rémunération de leur épargne. L’Etat, en France, place des emprunts à 10 ans à moins de 3 % ; ces emprunts remplacent des emprunts qui avaient été émis dans les années 2000 à 6 %.

Par ailleurs, les banques sont confrontés à un problème de fonds propres après la crise de 2009 et celle de 2011. Elles doivent donc essayer de conserver leurs liquidités et dégager des bénéfices. Elles tentent de maintenir l’attractivité de leurs livrets mais leur assujettissement au barème de l’impôt sur le revenu les a pénalisées. Pour gagner de l’argent avec son épargne, il faut diversifier ses placements et essayer de capter le vent de la croissance mondiale.

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