Avoir des salariés âgés plombe la productivité et voilà pourquoi nous devrions nous y confronter plutôt que de feindre de l’ignorer <!-- --> | Atlantico.fr
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Un homme travaillant dans un garage automobile à Hérouville-Saint-Clair, dans le Calvados.
Un homme travaillant dans un garage automobile à Hérouville-Saint-Clair, dans le Calvados.
©MYCHELE DANIAU / AFP

Entreprises

Le gouvernement serait prêt à adopter des mesures plus "coercitives" afin de favoriser l'emploi des seniors. Comment les entreprises vont-elles pouvoir s'adapter, notamment face à la baisse de productivité ?

Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue est professeur d'économie à l'université de Lille. Il est le co-auteur avec Stéphane Ménia des livres Nos phobies économiques et Sexe, drogue... et économie : pas de sujet tabou pour les économistes (parus chez Pearson). Son site : econoclaste.net

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Atlantico : Que savons-nous de la productivité des salariés âgés ?

Alexandre Delaigue : Tous les pays font face à un problème de vieillissement et tous doivent se demander comment y répondre. La solution est souvent résumée en 3P. Le premier, la Population : le recours à une politique migratoire, comme au Canada ou en Australie, d’immigration choisie. Ce sont des actifs à forte productivité que l’on intègre au pays. Le deuxième, la Participation : faire travailler la population existante plus et plus longtemps. Le troisième est la Productivité : rendre la population active plus productive afin qu’elle dégage plus de croissance, donc plus de ressources pour payer le vieillissement. Concernant, la participation, on peut décider de faire travailler les séniors plus longtemps, en retardant l’âge de la retraite. L’argument de défense de la réforme des retraites est de dire que c’est le seul moyen d’augmenter la participation et que cela va contribuer à l’efficacité économique. Sauf que le problème auquel on pense assez peu, c’est qu’en jouant sur la participation des seniors, on risque d’avoir un problème sur la productivité.

Quel est le lien entre seniors et baisse de la productivité ?

Tout le monde sait que si l’on garde les seniors plus longtemps, on réduit la productivité moyenne d’une entreprise. On a souvent tendance à dire que c’est parce que les seniors sont moins productifs que les autres. Et il y a une certaine logique. Des salariés qui restent plus longtemps, notamment dans des métiers difficiles physiquement, sont effectivement moins productifs avec l’âge. Sauf que l'aspect auquel on ne pense pas suffisamment, c’est que la présence de salariés plus âgés réduit globalement la productivité, y compris celle des salariés plus jeunes. C’est ce que montre par exemple une étude de Moody’s de 2018, Aging and the Productivity Puzzle. Le facteur principal est souvent l’utilisation des nouvelles technologies. Les salariés plus jeunes sont plus à même d'utiliser les nouvelles technologies, mais quand il y a un nombre non négligeable de salariés plus anciens, cela incite à garder des manières de fonctionner utilisant les anciennes technologies, pour ne pas perdre les seniors. Cela débouche sur une productivité plus faible. D’une certaine manière, les seniors déteignent sur les autres.

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Quelles sont les conclusions politiques à tirer de ce constat ?

Si l’on veut augmenter le taux d’activité des seniors il faut que dans le même temps, on trouve des dispositifs forçant les entreprises à faire des gains de productivité. L’un des éléments majeurs pour cela est la concurrence. Si les entreprises n’ont pas « envie » d’utiliser des nouvelles technologies, il faut qu’elles y soient contraintes parce que la concurrence va le faire. Il faut donc augmenter la concurrence sur les marchés et nous sommes dans la configuration inverse. Dans de plus en plus de secteurs d’activité, le degré de concurrence a tendance à diminuer. Il y a une vraie problématique de concurrence et d’incitation des entreprises. Free a disrupté le marché des opérateurs téléphoniques. Depuis on a peu vu d’autres exemples. L’automobile fait tout l’inverse, elle monte les prix et monte en gamme. C’est le résultat d’un secteur qui ne craint pas la concurrence. Thomas Philippon a très bien décrit le phénomène pour les Etats-Unis, mais nous connaissons les mêmes problématiques en France. Il faut revenir à une obsession de la productivité et de la croissance économique car nous n’en faisons plus. Notre productivité stagne depuis trop longtemps. Et nous n’en parlons pas suffisamment. Cela devrait être la question centrale et c’est la question qui vient toujours en dernier.

Il faut donc trouver un moyen de concilier emploi des seniors et productivité ?

Evidemment. Il faut se demander comment faire que l’emploi des seniors augmenté – qui est une bonne chose – soit fait de manière productive. Si on se retrouve, comme aux Etats-Unis, avec des gardiens d’immeuble de 75 ans, on n’arrivera à rien. Ce n’est pas ça qui va générer de la croissance. Et cette question de la productivité est essentielle pour la transition écologique, pour la crise énergétique – qui n’est rien d’autre qu’un choc de productivité négatif-, etc. 

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